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3. FONDEMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

3.1. Méthode

Tel que nous avons expliqué dans la partie finale du chapitre de la problématique (p. 26), notre question principale de recherche concerne les perceptions des enseignants envers leur participation auprès du PHAVI, et le déroulement méthodologique et pratique résultant de leurs interventions. Afin de répondre aux questions de recherche (p. 26), il était fondamental de choisir une méthode qui permettait l’examen détaillé et approfondi des circonstances et des processus entourant la mise en œuvre du PHAVI. De ce fait, l’étude de cas, la méthode que nous avons adoptée, nous a permis l’évaluation du processus mentionné ci-haut (Babbie, 2013 ; Lamoureux, 2006 ; Patton, 2002). La méthode de l'étude de cas permet au chercheur de comprendre en profondeur « des phénomènes, des processus les composant et des personnes y prenant part » (Gagnon, 2012, p. 2). Selon Patton (2002), cette approche constitue une façon unique de collecte, organisation et analyse des données, dont l’objectif est de recueillir des informations compréhensibles, systématiques et profondes concernant un cas spécifique. L’analyse en profondeur que les études de cas qualitatives entrainent sont un des trois aspects

Introduction

Dans ce chapitre nous présentons la procédure méthodologique utilisée dans notre recherche. Avant de détailler le contexte de la recherche, les techniques de sélection de sujets, et les techniques de collecte et d’analyse des données, nous présentons une classification de la recherche fondée sur l’étude de cas et ses caractéristiques. Nous terminons ce chapitre par une brève référence au chapitre suivant, interprétation des résultats.

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qui constituent les forces de cette méthode de recherche, ainsi que la capacité de développer des paramètres historiques et celle d’assurer la validité interne (Gagnon, 2012). Selon l’auteur, ces trois aspects rendent la méthode avantageuse à n’importe quel contexte et chercheur.

Malgré les points forts de l'étude de cas, que nous présenterons en détail, son utilisation n'est pas consensuelle (Flyvjberj, 2006 ; Gibbert, Ruigrok et Wicki, 2008 ; Tellis, 1997 ; Yin, 1994). Certains chercheurs s'en méfient. Cette méfiance scientifique se développe, selon Flyvjberg (2006), à partir de cinq mythes, malentendus ou simplifications excessives reliés à la nature de l'étude de cas, soit: (1) les connaissances théoriques ont plus de valeur que les connaissances pratiques ; (2) on ne peut pas généraliser à partir d'un seul cas, par conséquent l’étude de cas ne peut pas contribuer au développement scientifique ; (3) l'étude de cas est plus utile pour générer des hypothèses (à la phase initiale de la recherche), alors que d'autres méthodes sont plus appropriées pour tester des hypothèses et construire des théories ; (4) l'étude de cas contient un biais en faveur de la vérification, c'est-à-dire tendance à confirmer les idées préconçues du chercheur ; et (5) il est souvent difficile de résumer et de développer des propositions générales et des théories sur la base d'études de cas spécifiques.

Concernant le premier malentendu, les connaissances théoriques ont plus de valeur

que les connaissances pratiques, Flyvijberg (2006) défend l’importance de comprendre le rôle

des cas et des théories dans le processus d’apprentissage humain. Cela, parce que, selon l’auteur, : (1) l'étude de cas produit des connaissances contexte-dépendantes nécessaires au développement des individus du niveau débutant à l’expert ; et (2) dans l'étude des affaires humaines, il ne semble exister que des connaissances contexte-dépendants, ce qui exclut actuellement la possibilité d'une construction épistémique théorique. Malgré le fait que Flyvijberg (2006) s’appuie sur des paramètres épistémologiques différents de celui que nous défendons28 pour justifier l’importance du contexte dans la production de la connaissance, nous sommes en accord avec lui en ce qui concerne la super valorisation de la théorie en détriment

28Selon la perspective phénoménologique, le saut qualitatif qui permet l’individu de monter du niveau débutant (la

rationalité analytique gouvernée par des règles) à l’expert (performance fluide des compétences tacites, virtuosité) est exclusivement l'expérience avec les cas. Dans cette perspective, les connaissances et l'expérience contextuelles sont au cœur de l'activité des experts.

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de la pratique. Cette dichotomie encore bien répandue dans le milieu scientifique contredit la notion de construction de connaissance à partir de l’interaction entre sujet et réalité que nous avons discuté dans le chapitre précèdent. Ainsi, nous ne pouvons jamais affirmer qu’une sorte de connaissance à plus de valeur que l’autre. Cela parce qu’à la fin, selon la conception constructiviste, même les connaissances dites « théoriques » sont résultats de l’action interactive de construction de la connaissance, soit de la « pratique » de connaître. Deuxièmement, Flyvijberg (2006) déclare qu'il n'y a probablement pas de théorie prédictive en sciences sociales. C’est-à-dire que les chercheurs sociaux n'ont pas réussi à produire une théorie générale indépendante du contexte. Par conséquent, ils n'ont rien d'autre à offrir que des connaissances dépendantes du contexte. Et dans ce sens, les études de cas sont particulièrement bien adaptées pour produire cette connaissance.

Le deuxième mythe, on ne peut pas généraliser à partir d’un seul cas, par conséquent

l’étude de cas ne peut pas contribuer au développement scientifique, s’avère le plus critique

pour l’étude de cas comme méthode scientifique. Ainsi, ce n’est pas au hasard que cette thématique soit l'objet des débats profonds par des nombreux chercheurs tels que Alves- Mazzotti (2006), André (1984), Flyvbjerg (2006), Meirinhos et Osório (2010), Stake (2007), Tellis (1997) ou Yin (1994). Dans les écrits de ces auteurs, nous pouvons identifier trois types de généralisations concernant l’étude de cas : l’analytique ; la naturaliste et la falsification.

Yin (1994) défend que la généralisation à partir des études de cas suit le même raisonnement que celle à partir des expériences scientifiques. Ainsi, tel qu’il n’est pas possible de généraliser à partir d’une seule expérience, on ne peut pas généraliser sur la base d’un seul cas. Les généralisations résulteraient, alors, d’un ensemble d’expériences ou cas reproduisant le même schéma dans différentes conditions. Dans ce sens, la logique qui régit la recherche n’est pas l’échantillonnage, mais la réplication réelle (résultats similaires dans les différentes unités étudiées), ou théorique (résultats différents en raison de facteurs déjà prévus par le chercheur) (Alves-Mazzotti, 2006). C’est-à-dire que les études de cas ne représentent pas un « échantillon » dont les résultats sont généralisables à une population (généralisation statistique). Cependant, il permet de générer des propositions théoriques qui seraient applicables à d’autres contextes à partir d’un ensemble particulier de résultats, cela est ce qu’on appelle généralisation analytique (Alves-Mazzotti, 2006 ; Tellis, 1997 ; Yin, 1994).

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Une deuxième façon de généraliser les résultats, à partir des études de cas, est la généralisation naturaliste (Stake, 2007). Cette approche est plus intuitive et empirique que la généralisation analytique une fois que ses arguments sont construits en fonction de la relation entre les expériences du lecteur et l’étude de cas lui-même. (Meirinhos et Osório, 2010 ; Tellis, 1997). Dans cette perspective au lieu de se poser la question : De quoi est-ce que ce cas est représentatif? Le lecteur se demande : que puis-je (ou non) appliquer à ma situation particulière? Il est justement ce lien entre les données trouvées dans l’étude et les données provenant de l’expérience personnelle du lecteur, qui caractérise la généralisation naturaliste (André, 1984). Selon Stake (2007), la généralisation naturaliste consiste dans la conclusion qui découle d’une implication personnelle dans les affaires de la vie, ou d’une expérience si bien construite que les gens se sentent comme s’ils l’avaient vécu.

Finalement Flyvbjerg (2006), défend que les études de cas sont idéales pour généraliser en utilisant le type de test appelé « falsification »29. Dans ce test, si une seule observation ne correspond pas à la proposition, elle est considérée comme invalide et doit donc être révisée ou rejetée. L’exemple plus célèbre de falsification est celui des cygnes blancs. Dans cet exemple, la proposition « tous les cygnes sont blancs » sera invalidée avec l’observation d’un seul cygne noir. La falsification d’une proposition a une signification générale et stimule d’autres investigations et la construction de nouvelles théories. Selon Flyvbjerg (2006), l’étude de cas est bien adaptée pour identifier les « cygnes noirs » dans des recherches qualitatives, parce qu’en raison de son approche en profondeur ce qui semblait être « blanc » après un examen plus détaillé s’avère souvent être « noir ».

Selon Flyvjberg (2006) la troisième simplification : l'étude de cas est plus utile pour

générer des hypothèses (à la phase initiale de la recherche), alors que d'autres méthodes sont plus appropriées pour tester des hypothèses et construire des théories se relie au mythe

de la généralisation. D’après l’auteur, une fois que l’étude de cas n’est pas comprise (par une grande partie de la communauté scientifique) comme une méthode de recherche qui permettre la généralisation, sa valeur n’est que de décrire en profondeur un contexte, situation, ou phénomène. Dans ce sens, l’étude de cas peut être employée seulement dans les phases

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exploratoires de la recherche (recherches-pilotes) en contribuant à l’orientation du design, à l’identification de catégories d’observation et à la génération des hypothèses pour la recherche même (Alves-Mazzotti, 2006 ; Flyvjberg, 2006 ; Yin, 1994).

Cependant, une fois que nous avons dépassé le mythe de la généralisation, nous pouvons également surmonter le malentendu que l’étude de cas sert uniquement à la recherche exploratoire. D’un côté, Yin (1994) défend que les études de cas puissent être du type exploratoire, descriptif, illustratif, explicatif, ou une « métaévaluation ». De l’autre Côté, Stake (2007) identifie les études de cas comme intrinsèques, instrumentaux ou collectifs. La sélection du type d’étude de cas sera orientée selon l’objectif de la recherche. Ci-dessous, nous présentons au cadre I les types d’études de cas selon les objectifs poursuivis dans une recherche (Alvez- Mazzotti, 2006 ; Baxter et Jack, 2008 ; Flyvbjerg, 2006 ; Meirinhos et Osório, 2010).

Auteur Type d’étude de cas Objectifs de recherche

Y

in (

19

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)

Exploratoire Explorer les situations dans lesquelles l'intervention évaluée n'a pas d'ensemble unique et clair de résultats.

Descriptive Décrire une intervention et le contexte réel dans lequel elle s'est produite.

Illustrative Illustrer et évaluer un sujet, mais toujours d’une façon descriptive

Explicative

Expliquer les liens de causalité dans les interventions de la vie réelle, qui les enquêtes et les stratégies expérimentales ne sont pas capables d’expliquer étant donné la complexité de ces interventions. Dans un langage évaluatif, les explications relieraient la mise en œuvre d’un programme d’intervention avec ses effets.

Métaévaluation Investiguer une recherche évaluative

Sta ke (2 00 7) Intrinsèque

Comprendre en profondeur, un cas dont le chercheur a un intérêt authentique. Dans cette situation, il n’importe pas s’il s’agit d’un cas représentatif d’autres cas ou illustratif d’un trait ou un problème particulier, l’intérêt est le cas lui-même. Instrumentale

Permettre la compréhension générale d’un problème ou une situation. L’étude de cas ici est l'instrument de facilitation de compréhension de l’intérêt externe.

Multiple

Explorer différents cas pour examiner une situation de façon qu’il soit possible de prédire des résultats similaires ou contraires entre les cas étudiés.

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Parallèlement aux classifications en fonction de l’objectif de recherche, Yin (1994) présente des classifications en fonction de la quantité de cas et unités d’analyses impliquées dans la recherche. Ainsi, selon le chercheur, les études de cas peuvent être uniques (seulement un cas), ou multiples (plus d’un cas) ; et holistiques (une unité d’analyse) ou incorporés (plus d’une unité d’analyse). Dans ce sens, la classification de l’étude de cas que nous avons réalisée a été explicative, unique, et incorporée.

Le quatrième malentendu, l’étude de cas contient un biais en faveur de la vérification, c’est-à-dire la tendance à confirmer les idées préconçues du chercheur, n’est pas particulaire de l’étude de cas. Ce questionnement touche les approches qualitatives d’une façon générale, une fois que la subjectivité et le jugement arbitraire du chercheur ont plus d’ouverture dans cette perspective que dans les approches quantitatives, hypothético-déductifs. De cette façon, les études de cas (ainsi que toutes les approches qualitatives) sont fréquemment regardées comme des méthodes moins rigoureuses (Flyvjberg, 2006).

Malgré ce fait, la vision de science objective et neutre capable de formuler des lois générales dont la valeur de vérité serait garantie par l'application judicieuse de la méthode ne se tient plus. Aujourd’hui, il y a la reconnaissance, de la plupart des chercheurs, de l’intersubjectivité dans le processus de recherche (Alves-Mazzotti, 2006). Cet entendement ne signifie pas arrêter la quête pour le développement de stratégies de validation, telles que la triangulation, qui permettent élever la crédibilité de l’interprétation e la fiabilité de la recherche (Baxter et Jack, 2008 ; Stake, 2007). L’importance de trianguler découle du besoin éthique de confirmer la validité des processus (Tellis, 1997).

Denzin (1984) présente quatre façons de triangulation, soit par : les sources données, les enquêteurs, des théories et la méthodologie. Dans la triangulation par les sources des données le chercheur observe si le phénomène ou le cas reste le même à d'autres moments, dans d'autres espaces ou lorsque les personnes interagissent différemment ; la triangulation par des enquêteurs se produit lorsque plusieurs investigateurs examinent le même phénomène ; la triangulation théorique implique des chercheurs ayant différents points de vue théoriques interprétant les mêmes résultats ; et la triangulation méthodologique a lieu lorsqu'une approche est suivie par une autre, pour augmenter la fiabilité dans l'interprétation (Stake, 2007 ; Tellis, 1997).

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Finalement, le cinquième et dernier mythe : il est souvent difficile de résumer et de développer des propositions générales et des théories sur la base d'études de cas spécifiques, est selon Yin (1994) une plainte pertinente. Ceci parce que les résultats des études de cas faites par le passé ont résulté en des documents massifs et illisibles. Cependant, l’auteur propose aux chercheurs une façon plus légère d’exposer une étude de cas.

Le rapport d’une étude de cas typique est une tâche difficile pour le chercheur en raison de la nature complexe de cette approche. Il s’agit habituellement d’un long récit qui ne suit pas de structure prévisible et est difficile à écrire et difficile à lire. Alors, c’est la tâche du chercheur de rendre un phénomène complexe compréhensible au lecteur et, en même temps, aisé, de sorte qu'il puisse sentir comme s'il avait participé activement à la recherche et de déterminer si les résultats de l'étude pouvaient être appliqués à sa propre situation (Yin 1981 ; Baxter et Jack, 2008).

Il n'y a pas de façon correcte de rapporter une étude de cas. La seule exigence est qu’elle soit organisée d'une manière qui aide le lecteur à comprendre le cas. Dans ce sens, un piège très fréquent concernant la rédaction des rapports d'études de cas est la dispersion suscitée par la grande quantité de données intéressantes qui ne sont pas pertinents à la question de recherche (Stake, 2007 ; Baxter et Jack, 2008). Afin d’éviter cette faute, Baxter et Jack (2008) ; Staker (2007) et Yin (1981) proposent quelques recommandations, soit:

• Décrire et développer le contexte dans lequel le phénomène ou le cas se produit ainsi que le phénomène ou le cas lui-même ;

• Construire l’étude sur un cadre conceptuel clair ;

• Retourner aux propositions et/ou aux enjeux de la recherche ;

• Comparer les résultats avec ce qui peut être trouvé dans la littérature publiée (afin de situer les nouvelles données dans des données préexistantes) ;

• Remplacer le récit par une série de réponses à un ensemble de questions ouvertes (plus facile à produire et à lire).

Au début de cette sous-section, nous avons présenté l'étude de cas comme une méthode de recherche qui a comme objectif l’investigation complète et profonde d’une réalité, d’un phénomène, d’un processus (André, 1984). Ensuite, nous avons discuté des aspects importants

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qui devraient être pris en compte lors de la décision de développer une étude de cas. Le besoin de considérer ces points relève de l'importance d'assurer non seulement la qualité théorique de la production de connaissance de la recherche produite (validité / pertinence scientifique), ainsi que pratique (accumulation et applicabilité des résultats) (Alves-Mazzotti, 2006). C’est à partir de cette discussion que nous avons engendré notre cadre méthodologique.