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3. FONDEMENTS MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

3.5. L’analyse des données

3.5.2. La « framework methodology »

La framework methodology a été développée et affinée au sein des recherches qualitatives appliquées, depuis les années 1980, surtout comme outil d’analyse thématique des transcriptions des entrevues semi-dirigées. Cependant, ses principes généraux se sont révélés polyvalents dans un large éventail d’études, une fois qu'ils peuvent être adaptés à toute sorte de données textuelles (documents, comptes rendus de réunions, journaux, etc.). La caractéristique principale de cette méthode est la construction d’une grille (matrice) composée de lignes (cas), colonnes (codes) et ‘cellules’ de données résumées, qui fournit une structure dans laquelle le chercheur peut systématiquement réduire les données, et les analyser par cas et par codes (Gale, Heath, Cameron, Rashid et Redwood, 2013 ; Ritchie et Spencer, 2002), en fonction des objectifs et fondements théoriques de la recherche. L’organisation, d’une grille rend possible la comparaison systématique des données, donnant rigueur à l’analyse, une fois qu’elle établit un regard objectif du chercheur envers son matériel, et la discussion des données sont discutées à partir des éléments et de la structure de la grille (Campenhoudt et Quivy, 2011 ; Gale et al., 2013). Enfin, une matrice d’interprétation de données guide le chercheur dans l’étude de relations possibles entre les éléments de la recherche, et agit comme un support aux conclusions soulevées par lui-même (Lamoureux, 2006).

La framework methodology est un processus analytique qui implique un certain nombre d’étapes distinctes et interconnectées les unes avec les autres, soit : (1) la familiarisation avec les données ; (2) l’identification du cadre thématique ; (3) l’indexation ; (4) l’arrangement des données dans la matrice analytique ; et (5) l’interprétation des données (Ritchie et Spencer, 2002).

La première étape, la familiarisation avec les données, consiste en la quête des idées clés et des thèmes récurrents présents dans l’ensemble des données par le chercheur. La

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familiarisation implique d'écouter les enregistrements vidéo et/ou audio, lire les transcriptions, étudier les notes d’observations, etc. en prenant note des premières impressions et réflexions concernant les informations saisies du corpus (Gale et al., 2013 ; Ritchie et Spencer, 2002).

Une fois que le matériel a été examiné, la deuxième étape a lieu : l’identification du cadre thématique (Ritchie et Spencer, 2002), ou Codage (Gale et al., 2013). À ce moment, le chercheur doit établir les codes qui seront mis en place dans le cadre thématique dans lequel les données seront tamisées et triées. Ces codes peuvent être prédéfinis par les théories qui fondent l’étude, par les objectifs de recherche, ou par des domaines spécifiques d’intérêt de l’investigation; ou ils peuvent être définis à partir du matériel lui-même, à travers un processus de codage ouvert. Dans ce processus, le chercheur revient sur ses notes et essaye d’identifier les questions clés, les concepts et les thèmes selon lesquels les données peuvent être examinées et référencées. C’est un processus d’identification de tout ce qui pourrait être pertinent dans le matériel, à partir de perspectives aussi différentes que possible. Il faut remarquer que la conception et l’affinement d’un cadre thématique n’est pas un processus automatique ou mécanique. Au contraire, il implique à la fois la pensée logique et intuitive. C'est-à-dire porter des jugements sur les sens, la pertinence et l’importance des problèmes, ainsi que sur les liens implicites entre les idées (Gale et al., 2013 ; Ritchie et Spencer, 2002).

Le cadre thématique est ensuite appliqué aux données sous leur forme textuelle, en indexant les catégories et codes précédemment définis. Cette étape consiste dans l’indexation. Ce travail comprend l’enregistrement, en marge de chaque transcription, des références d’indexation. Ces références à leur tour correspondent à l’attribution de chaque code/catégorie, d’un numéro ou d’une abréviation, ce qui rend l’indexation plus facile tout au long du texte. Encore une fois, cette étape implique de nombreux jugements concernant le sens et l’importance des données qui se présentent au chercheur. Dans chaque passage, il doit déduire et saisir les significations implicites dans le texte, en fonction du contexte de la recherche, et du contexte général, en même temps qu’il fait l’enregistrement des références d’indexation. Il est indéniable qu’il s’agit d’un processus de jugement subjectif et ouvert à de différentes interprétations, cependant en adoptant un système d’annotation des données textuelles, le processus est rendu visible et accessible aux autres, qui peuvent voir par eux-mêmes la façon dont les données sont triées et organisées (Gale et al., 2013 ; Ritchie et Spencer, 2002).

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La quatrième étape, l’arrangement des données dans la matrice analytique (Ritchie et Spencer, 2002) ou la cartographie (Gale et al., 2013), comprend la construction d’une grille dont les données sont arrangées, selon les codes et catégories déterminés au préalable. Il s’agit, alors, d’« extraire » les données de leur contexte d’origine et de les réorganiser dans la matrice analytique. Les grilles sont conçues avec des titres et des sous-titres qui peuvent être extraits du cadre thématique, des questions de recherche, ou selon la compréhension du chercheur par rapport à la meilleure façon de présenter et d’écrire l’étude. Un bon travail de cartographie résulte en l’équilibre entre la réduction des données et la préservation de sens originaux des mots des sujets de recherche. Ainsi le chercheur doit inclure dans la matrice des passages de textes avec des références particulières, comme des résumés condensés des points de vue des répondants ou de ses expériences (Gale et al., 2013 ; Ritchie et Spencer, 2002). Les grilles peuvent être présentées par thème ou par cas. Lorsqu’une approche thématique est adoptée, les grilles sont établies par thème/codes et des entrées sont faites pour chaque répondant, qui peuvent être regroupées dans la matrice par ses caractéristiques, par ses dimensions connues, par ses effets sur les modèles d’expérience, etc. La seule exigence est que les cas soient toujours placés dans le même ordre dans chaque grille, de sorte que l’ensemble des données puisse être facilement revu. Cette exigence s’applique également si une approche par cas est adoptée. C’est- à-dire que les grilles établies pour chaque cas doivent contenir des thèmes et ce toujours dans le même ordre (Ritchie et Spencer, 2002).

Une fois que toutes les données ont été tamisées et cartographiées, la cinquième et dernière étape de la framework methodology démarre : l’interprétation des données. C’est dans cette étape que les données commencent effectivement à être rassemblées par les caractéristiques clés, et à être « décodifiées » dans son ensemble. Bien que le processus d’identification des catégories émergentes, des associations et des modèles soient notés et enregistrés initialement pendant les phases d’indexation et de cartographie, le processus sérieux et systématique d’interprétation de données débute quand le chercheur revient sur ses objectifs et questions de recherche en regardant son matériel. Tel que les étapes précédentes, l’interprétation de données ne constitue pas un processus mécanique, une fois que les conceptualisations et connexions ne sont pas évidentes pour le chercheur. Au contraire, c’est un processus graduel, dont les caractéristiques et les différences entre les données sont identifiées,

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peut-être en générant des typologies, en interrogeant des concepts théoriques (concepts a priori ou issus des données), ou en établissant des liens entre les catégories pour explorer les relations et/ou les causalités. Il s’agit d’un processus d’immersion dans les données qui déclenche des associations, dont l’analyste n’est presque pas capable de reconnaitre les origines (Gale et al., 2013 ; Ritchie et Spencer, 2002).

Bref, la framework methodology est une méthode d’analyse de données systématique et disciplinée, mais qui s’appuie sur la capacité créative et conceptuelle du chercheur pour déterminer le sens, la saillance et les connexions entre les données. Sa force réside exactement dans la proposition d’une procédure bien définie, qui permet au chercheur lui-même, ainsi que ses paires, de reconsidérer et retravailler des idées précisément parce que le processus analytique a été documenté, donc il est accessible (Ritchie et Spencer, 2002).