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2. FONDEMENTS THÉORIQUES ET ÉPISTÉMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

2.5. Éducation : la notion d’intervention éducative

L'idée fondatrice de cette notion est que les professionnels engagés dans des activités relationnelles sont, fondamentalement, des intervenants qui agissent dans des environnements très complexes. L'intervention éducative est alors considérée comme :

L’ensemble des actions finalisées posées par des personnes mandatées, motivées et légitimées (légitimation à divers niveaux : politique, qualifiant, culturel, idéologique, etc.) en vue de poursuivre dans un contexte institutionnellement spécifique – ici l’institution scolaire – les objectifs éducatifs socialement déterminés, en mettant en place les

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conditions les plus adéquates possibles pour favoriser la mise en œuvre par les élèves de processus d’apprentissage appropriés. (Lenoir et al., 2002, p. 11)

Selon Lenoir et collaborateurs (2002), comprendre la pratique de l'enseignement selon l’angle de l’intervention éducative repose sur la réflexion de quelques attributs qui la caractérisent fondamentalement, soit : la bienveillance, l’interactivité, la dialectique, l’intégration et la médiation.

Concernant le caractère bienveillant, la notion d’intervention éducative adoptée comprend deux aspects. Le premier, explique Lenoir et collègues, correspond à la conception de bienveillance comme une attitude morale fondée sur la complaisance et l’acceptation d’autrui. C’est-à-dire que l’intervention éducative n’est pas une imposition, mais plutôt une négociation qui admet le refus de la partie du sujet qui l’intègre. Deuxièmement, l’idée de bienveillance est associée à la capacité du sujet de se reconnaître comme étant « bien veillé ». Cela se donne par la mise en place des conditions qui susciteront des activités d’apprentissage (Lenoir et al., 2002).

La caractéristique de l’interaction comporte elle aussi deux dimensions, selon ces chercheurs: une première relative à l’interaction entre la pratique, les savoirs d’action et les savoirs disciplinaires et une deuxième concernant les sujets apprenants, les savoirs, l’enseignant et le contexte. Par rapport à la première dimension, celle de l’interaction de la pratique et des savoirs, Lenoir et les chercheurs de son équipe (2002) prennent en considération la reforme de l’enseignement qui insiste sur la nécessité de considérer les pratiques, tant chez les enseignants en exercice que dans la formation. Les auteurs suggèrent que ce processus doit être entrepris par l’interaction de la pratique elle-même et les différents savoirs impliqués dans l’action, tel que les savoirs professionnels, pédagogiques, didactiques, organisationnels, d’expérience, d’altérité, des sciences de l’éducation, d’enseignement, etc. Concernant la deuxième dimension, Lenoir (2009) défend qu’elle soit interactive, parce qu’elle n’existe que par l’interaction de l’enseignant avec l’élève.

La troisième caractéristique, la dialectique, est prise dans le sens que l’intervention éducative instaure toujours un dialogue qui implique les savoirs, les professeurs et les étudiants. De plus, ce dialogue prend forme d’une confrontation discursive qui admet différents points de

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vue, hypothèses et sens, où la « vérité » est construite en fonction de l’accrochage entre des thèses opposées (Lenoir et al., 2002).

L’intégration ainsi que les deux premières caractéristiques de l’intervention éducative comprennent deux aspects: celui de l’intégration du processus d’enseignement au processus d’apprentissage et celui de l’intégration des différentes disciplines, par l’interdisciplinarité. Concernant le premier point, Lenoir et collègues (2002) refusent l’idée traditionnelle d’enseignement qui implique la transmission de la connaissance, de façon impositive, normative et prescriptive, en même temps qu’ils défendent l’indissociabilité de l’acte d’enseignement et de l’acte d’apprentissage. Concernant l’interdisciplinarité, les auteurs critiquent le cloisonnement des approches pratiques et l’isolement monodisciplinaire qui orientent l’enseignement et la formation à l’enseignement. Selon eux, il n’est pas surprenant qu’en conséquence, les pratiques enseignantes soient également cloisonnées et fractionnées. De cette façon, les auteurs défendent un nouveau cadre conceptuel qui appréhende l’agir des enseignants dans leurs dimensions interconnectées (non juxtaposées), où l’adoption d’une perspective, intégration effective des différentes disciplines, devient un point fondamental dans l’enseignement et dans la formation professionnelle initiale et continue en enseignement.

Finalement, la caractéristique de la médiation est comprise par Lenoir et collaborateurs. (2002) comme étant indissociable de la notion d’intervention éducative. Selon les auteurs, au cœur de la notion de médiation se trouve l’idée de l’être humain comme un être de praxis, c’est- à-dire :

un être social capable d’agir librement, de façon autonome, responsable, critique et créatrice en vue de se réaliser individuellement et collectivement dans la société à laquelle il appartient et d’interagir en pensée et en acte avec le monde (naturel, humain et social) dans lequel il vit. (Lenoir et al., 2002, p. 14).

De cette façon, la praxis est comprise comme un produit social qui englobe tant la production des objets que l’autoproduction des sujets humains par eux-mêmes. Cela vise les connaissances de l’autonomie émancipatoire de la pensée critique, tel que le propose Habermas26, cité par Lenoir et collègues. (2002), et les connaissances d’ordre technique (instrumental) et pratique. Les auteurs réclament aussi une deuxième dimension concernant la 26 Habermas, J. (1973). La technique et la science comme « idéologie ». Paris : Gallimard (1re éd. 1968).

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caractéristique de la médiation par rapport à l’intervention éducative, celle de la relation entre sujet et savoir.

Toujours concernant la question de la médiation, Lenoir et collaborateurs. (2002) défendent que le processus d’apprentissage ne constitue jamais un rapport direct et immédiat d’appréhension du réel de la partie du sujet apprenant par rapport à l’objet de savoir. Ainsi, à leur avis, un processus cognitif d’objectivation (le processus d’apprentissage) est seulement possible par l’entremise d’un « système médiateur entre un sujet et un objet de connaissance qu’il produit et qui le produit en retour » (p. 14). C’est-à-dire que, dans cette perspective la connaissance n’est pas résultat d’un simple enregistrement, mais plutôt d’un processus actif d’intervention du sujet sur l’objet (l’assimilation), et de l’action de l’objet sur le sujet, qui doit ainsi l’accommoder à ses schémas cognitifs existants. Également, toute cette interaction n’est possible que par la médiation.

Le cadre conceptuel de l’intervention éducative (Figure 12, p. 67) proposé par Lenoir et collègues. (2002) considère certains aspects qui permettent la compréhension des facteurs qui peuvent exercer une influence sur la qualité de l’intervention éducative, soit : la dimension organisationnelle (la gestion de l’enseignement en tant que rapport à la classe et au milieu extérieur, avec le temps et les moyens organisationnels mis en œuvre), et le dispositif institutionnel (la classe, l’école, le système d’enseignement, etc.). C’est-à-dire qu’en tant qu’action située spatiotemporallement, l’intervention éducative est influencée en considération du contexte qui l’entoure.

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Figure 12. L’intervention éducative – cadre conceptuel Source : Lenoir et al. (2002, p. 20)

La notion d’intervention éducative rompt avec l’idée traditionnelle d’intervention caractérisée par son aspect clinique et qui comprend l’acte d’intervenir comme le suivi des lignes directrices explicites. Ce mode operatoire de comprendre l’intervention s’appuie sur une posture épistémologique réaliste, qui considère le savoir comme une donnée préexistante (Fraser et al., 2009). Même si, dans la conception clinique, sont admissibles des situations d’intervention

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relativement non prescrites, qui permettent une construction en partie de l'intervenant dans les lignes directrices en fonction du contexte (Fraser et al., 2009), l’intervention ne comprend pas nécessairement une intention de changement à travers la construction de connaissance par le sujet qui souffre l’intervention, tel que propose Lenoir et collègues (2002) avec la notion de d’intervention éducative.

Cette idée de construction de la connaissance présentée par l’intervention éducative est ce qui nous permet d’affirmer qu’elle repose sur des paramètres de l’épistémologie constructiviste. Ainsi que Lenoir et al. (2002), Glasersfeld (1996), défend que « la connaissance ne se transporte pas d’une personne à une autre, mais elle doit être construite par chaque individu. » (p.11). Dans d’autres mots, l’auteur souligne que du point de vue constructiviste, comprendre signifie construire soi-même la chose, et que cela se donne toujours à partir des expériences vécues par l’individu. De plus, Lenoir et collaborateurs (2002) ne laissent pas des doutes quant à la relation de l’épistémologie constructiviste et aux présupposés de l’intervention une fois qu’ils défendent l’assimilation comme un processus actif du sujet qui intervient sur l’objet, et pas comme une donnée provenue du monde extérieur, qui termine dans la tête, ou des concepts qui s’accommodent au monde (Glasersfeld, 1996).

L’apprentissage dans la perspective de l’intervention éducative est un processus actif du sujet de construction d’une réalité contextualisée, inscrite dans une relation dialectique entre individu et objet, où la connaissance ne rencontre pas son origine dans le monde connu, ainsi que les informations ne résident pas dans l’environnement comme si ce dernier était une « ecothèque » (Lenoir, 1997).

2.6. La construction de l’interdisciplinarité : le cadre théorique et