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2. FONDEMENTS THÉORIQUES ET ÉPISTÉMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

2.4. Éducation physique : l’approche constructiviste en éducation physique et la conception

2.4.1. L’approche constructiviste en éducation physique

L’approche constructiviste, ou mieux, les approches constructivistes en éducation physique, se basent sur la perspective constructiviste de la production de connaissance, où le processus d’apprentissage est compris comme un processus actif, socialement construit et qui prend en compte des connaissances antérieures du sujet. Cela veut dire que la perspective constructiviste en soi n’offre pas une seule théorie du curriculum ou de l’instruction, mais plutôt une perspective de l’apprentissage qui, implicitement ou explicitement, oriente ces théories (Kirk et Macdonald, 1998 ; Rovegno et Dolly, 2006).

Les nombreuses théories d’instruction et du curriculum, fondées sur les principes constructivistes, possèdent des particularités par rapport à la façon de comprendre, regarder et mettre en pratique les fondements du constructivisme, mais d’une façon générale, elles partagent les quatre points principaux de cette approche, soit : (1) la notion de l’apprentissage comme un procès actif de construction de la connaissance ; (2) la notion de la connaissance comme une construction sociale et culturelle ; (3) la notion selon laquelle de nouvelles connaissances sont construites par rapport à des connaissances préalables; et (4) la notion selon laquelle l’apprentissage réussi implique une compréhension profonde sur le sujet et la capacité de transfert/applicabilité dans d’autres situations (Rovegno et Dolly, 2006).

La première notion, l’apprentissage comme un procès actif de construction de la

connaissance, est considérée comme la marque du constructivisme. Elle est intimement liée à

la réclamation de Jean Piaget pour qui, connaitre ou même mémoriser une nouvelle information, il faut construire la compréhension et non seulement enregistrer ce qui est donné. Dans cette perspective, lorsque les sujets sont confrontés à une nouvelle information, des représentations mentales sont construites et ces représentations impliquent un ordre et une cohérence dans les

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expériences et les informations vécues et reçues par le sujet (Light, 2008 ; Zhu, Ennis et Chen, 2011 ; Rovegno, 1998 ; Kirk et Macdonald, 1998).

Cette notion justifie la raison selon laquelle les approches constructivistes mettent l’accent sur le processus d’apprentissage dans l’engagement des étudiants, en changeant le rôle du professeur. Ainsi, dans les approches constructivistes, l’enseignant est responsable d’encourager les élèves à explorer leur monde, à découvrir des connaissances, à définir et résoudre des problèmes et à refléter et penser de façon critique (Rovegno et Dolly, 2006 ; Dyson, Griffin et Hastie, 2004).

Le deuxième principe, la connaissance comme une construction sociale et culturelle, concerne trois idées : 1) les interactions sociales comme endroit pour l’apprentissage ; 2) la construction sociale de la connaissance et 3) le rôle des représentations culturelles dans la construction de la connaissance (Rovegno et Dolly, 2006 ; Kirk et Macdonald, 1998).

Par rapport à (1), les interactions sociales comme endroit pour l’apprentissage, dans la perspective constructiviste, l’apprentissage se produit seulement par les interactions sociales; c’est-à-dire que, dans le contexte scolaire, l’apprentissage effectif aura lieu si les élèves ont l’opportunité de dialoguer et pratiquer le dialogue, de synthétiser leurs idées aux pairs, d’expliquer et justifier leurs croyances, d’expliciter leurs pensées, de résoudre des conflits et de comprendre différents points de vue (Rovegno et Dolly, 2006).

Concernant (2), l’idée de la construction sociale de la connaissance, elle se fonde sur la notion selon laquelle la connaissance, notamment la connaissance scientifique, n’est pas quelque chose de donné, prêt et immuable. Elle est le résultat d’un processus scientifique de construction qui implique, grosso modo, une hypothèse, l’expérimentation, la construction sociale, la négociation entre les scientistes et le raffinement de la connaissance scientifique (Rovegno et Dolly, 2006).

Relativement à (3), le rôle des représentations culturelles dans la construction de la connaissance, cette notion comprend la connaissance comme une construction sociale qui reflète les accords partagés dans la culture où elle est produite. De cette façon, les normes sociales, les valeurs ethniques, les valeurs religieuses, les représentations médiatiques, la culture populaire, etc. doivent être considérées dans le processus d’enseignement/apprentissage une fois que ces

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facteurs peuvent influencer la façon selon laquelle les étudiants apprennent (Rovegno et Dolly, 2006).

Le troisième principe qui oriente les approches constructivistes, la notion selon laquelle

de nouvelles connaissances sont construites par rapport à des connaissances préalables,

s’approche de l’idée que nous venons de discuter du rôle des représentations culturelles dans la construction de la connaissance. En fait, ce principe affirme que les connaissances et expériences préalables des humains - soit les croyances, valeurs, représentations, compétences, connaissances scientifiques, etc. - vont influencer la façon de comprendre l’environnement et la façon de l’organiser. À son tour, cela influence la façon de raisonner, de résoudre des problèmes et d’acquérir de nouvelles connaissances (Light, 2008 ; Zhu et al., 2011 ; Rovegno 1998).

Dans le contexte éducatif, ce principe contribue à l’idée de l’enseignement centré sur l’étudiant, ce qui ne veut pas dire que c’est l’élève qui détermine le contenu de ce qui va être appris, mais plutôt que le professeur doit considérer les connaissances préalables des étudiants comme point de départ de l’instruction et du contrôle de l’évolution de l’étudiant (Rovegno et Dolly, 2006).

Finalement, le dernier point qui oriente les approches constructivistes, la notion selon

laquelle l’apprentissage réussite implique une compréhension profonde sur le sujet et la capacité de transfert/applicabilité dans d’autres situations, constitue le but général des

enseignants qui adoptent des théories d’instruction et de curriculum, fondées sur les principes constructivistes. Cela est possible grâce au développement profond, holistique, significatif et bien connecté du contenu scolaire (Light, 2008 ; Rovegno et Dolly, 2006).

Dans ce sens, le point de départ des connaissances préalables de l’étudiant servira comme base pour le développement, la construction et la compréhension des concepts plus généraux, consolidant ainsi l’apprentissage, amenant à une nouvelle organisation, à une nouvelle représentation et à la flexibilisation de la connaissance préexistante. Cela permettra le transfert et l’application de ces concepts dans différents problèmes et situations (Rovegno et Dolly, 2006).

Comme nous l’avons annoncé plus haut, il y a une diversité des théories qui se fondent sur l’approche constructiviste qui, d’une façon plus ou moins concrète, touchent ces quatre

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principes que nous venons de discuter. Plusieurs études dans le domaine de l’éducation physique se dédient à étudier ces théories tels que le Teaching Games for Understanding (TGfU) (Light, 2008 ; Kirk et MacPhail, 2002, Rovegno et Dolly, 2006 ; Kirk et Macdonald, 1998), Sport Education (Rovegno et Dolly, 2006 ; Siedentop, 1994 ; 2002 ; Dyson et al., 2004), Science, Physical Education and Me (SPEM) (Zhu et al., 2011), Situated Learning (Kirk et Macdonald, 1998 ; Dyson et al., 2004, Siedentop, 2002), Tactical Games (Dyson et al., 2004), Cooperative Learning (Dyson et al., 2004) et aussi celle que nous avons adopté pour orienter notre travail, présentée par le professeur João Batista Freire.

Le livre Éducation de corps entier (traduction livre), de 1989, inaugure l’approche du professeur brésilien João Batista Freire. L’auteur fonde ses idées sur les travaux de Jean Piaget et adopte les jeux comme l’outil pédagogique capable de rendre compte de l’éducation complète de l’étudiant. Cela fait référence à l’éducation intellectuelle/scientifique et aussi à l’éducation motrice, morale, sociale, affective, sensible, etc. (Freire, 1999 ; 2011 ; Freire et Goda, 2008).

L'approche de Freire (2011 ; 2005) a été développée comme une réponse/alternative/critique aux méthodologies d’enseignement en éducation physique de l’époque, au Brésil, qui présentaient une vision dichotomique de l’être humain et qui opposait les corps et l’esprit, en ne considérant pas l’existence d’une relation entre ces deux pôles.

De cette façon, Freire (1999 ; 2005 ; 2011) propose une nouvelle approche, conçue sur les principes du constructivisme (discutés plus haut), qui mettait l’élève au centre de l’apprentissage, en le considérant comme porteur et constructeur de la connaissance. Malgré ce caractère original (à l’époque) de son approche, le point le plus innovateur de sa proposition a été l’accent qu'il a mis sur le besoin d’un enseignement visant l’éducation de toutes les dimensions présentes dans l’enfant, d’une façon égale et non hiérarchisée.

Selon l’auteur, il n’existe pas d’enfant intellectuel, social ou moral, etc. Il existe un enfant de la vie quotidienne, qui ne se soumet pas aux divisions imposées par les analyses créées par l’être humain et qui agit dans le monde avec les expressions résultant de toutes ces dimensions qui opèrent sur lui (Freire, 1999 ; 2011). Selon Freire (1999), l’intelligence n’est pas différente de l’affect.

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Ainsi, l’auteur défend que par le mouvement, et plus spécifiquement le jeu (une fois que l’enfant est un expert en jeu), nous sommes capables d’accéder et développer la dimension motrice et aussi les dimensions intellectuelle, affective, morale, etc. de l’enfant (Freire, 2005 ; 2011 ; Oliveira, 1997). Selon Freire (2005 ; 2011), le jeu est l’outil pédagogique idéal, parce qu’il permet d’accéder aux subjectivités du sujet, c’est-à-dire les façons par lesquelles le sujet/enfant se rapporte au monde et avec les autres. Ainsi, « la pratique » du jeu, dans cet environnement chargé de subjectivité, promeut des manifestations qui touchent et génèrent des connaissances dans les différentes dimensions (Prodócimo, Caetano, Sá, Santos et Siqueira, 2007).

Finalement, Freire (2005 ; 2011), tel que Campos (2007 ; 2015 ; 2017), ne laisse pas d’espace pour des doutes ou interprétations erronés en ce qui concerne sa posture épistémologique constructiviste. Son travail partage les quatre principes, qui fondent les théories et les recherches orientées par une épistémologie constructiviste et qui ont été discutées précédemment dans cette section. Aussi, Freire (2005 ; 2011) insiste sur la notion de l’être humain comme un organisme indissociable (en niant la dichotomie du corps et de l’esprit), qui n’est pas complet sinon par l’interaction avec le monde où il se situe.