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Chapitre I : Revue Bibliographique

1.6 Méthodes numériques pour modéliser la propagation et l’arrêt de fissure

1.6.4 Méthode des éléments finis étendus (X-FEM)

Le remaillage utilisé dans la méthode des éléments finis standards lors de la propagation de fissure reste une opération lourde et sujette à des erreurs. En plus, la projection des champs de l’ancien maillage sur le nouveau ne conserve pas l’énergie, surtout pour les problèmes dépendant de l’histoire via le comportement (plasticité) ou l’inertie (dynamique) (Pommier et al., 2009). L’idée de la méthode des éléments finis étendus (X-FEM) est de conserver le maillage pendant la propagation de fissure et d’améliorer la solution fournie par la méthode des éléments finis standards sans raffiner le maillage.

Belytschko et Black (1999) proposent pour la première fois de prendre en compte la présence d’une fissure en ajoutant des fonctions de discontinuités enrichies dans l’approximation des éléments finis, ceci permet de résoudre les problèmes de la propagation de fissure. Cette idée est basée sur la technique de la partition de l’unité (Melenk and Babuška, 1996). L’idée est que toutes les fonctions ÷(O) peuvent être présentées par un ensemble de fonctions £À#¨ dans

l’espace ø :

÷(O) ù À# O ú O

#

Équation 1-48 avec ∑ À# # O = 1 et ú O est la fonction étendue. Nous pouvons introduire une variable ü#

afin d’améliorer la précision de l’approximation. Donc l’équation devient :

÷ O = ù À# O ü#ú O

#

Équation 1-49 Le principe de la méthode des éléments finis étendus est d’ajouter une fonction étendue afin de mieux décire les champs complexes (comme la discontinuité des déplacements). En X-FEM, le champ des déplacements se décompose en deux parties :

O = ù À# O #+ ÷ O

#

Équation 1-50 avec À# O : les fonctions de forme classiques,

# : les degrés de liberté sur les nœuds des éléments standards,

÷ O : la fonction étendue afin de mieux décrire le champ, ü# : les nouveaux degrés de liberté.

Par rapport à la méthode des éléments finis standards, les nœuds des éléments ont plus de degrés de liberté en X-FEM, nous dirons que les éléments sont enrichis.

Moës et al (1999) introduisent deux fonctions de forme dans la base d’enrichissement : la fonction de saut ý et la base de fonctions singulières Ö pour décrire respectivement la discontinuité des champs de déplacement quand l’élément est coupé par la fissure et celle décrivant la pointe de fissure. Cette méthode permet à la fissure de traverser les éléments, donc la fissure est indépendante du maillage. Il faut donc un repère local pour décrire la géométrie de la fissure. La méthode la plus utilisée est basée sur les fonctions de niveau « level sets », elle permet de définir la fissure à partir du couple de fonctions de niveau ÷, ú . Dans la Figure

1-37, la fonction ú permet de définir la position du plan de fissure (ú = 0) et la fonction ÷

Figure 1-37 : Définition de la fissure à partir du couple de fonctions de niveau (þ, .

Une alternative a été choisie pour son implantation dans le logiciel CASTEM : ces fonctions ne sont pas définies analytiquement, la surface de la fissure est maillée indépendamment de la structure et nous en déduisons ensuite la valeur de chacune des fonctions ú et ÷.

La fonction de saut ý est définie à partir ce repère local :

ý O = ª+1 ú > 0 −1 ú < 0 Équation 1-51

La base de fonctions singulières représente une discontinué entre – ] et ] :

Ö O = √, Q 2 Q 2 Q C 2 C 2 Q Équation 1-52

où ,, sont les coordonnées polaires dans le repère local de la pointe de fissure. La

stratégie d’enrichissement peut être résumée par l’équation suivante :

O = ù À# O # + ù À7 O ý O µ7+ ù À O O

ZK,..‚ 7

# Équation 1-53

où , , correspondent respectivement à tous les nœuds du maillage, les nœuds enrichis par

la fonction de saut ý et les nœuds enrichis par la fonction de singularité à la pointe de fissure.

Le champ de déplacement est enrichi dans les éléments contenant la fissure. La valeur des fonctions d’enrichissement dépend alors de la position des nœuds par rapport au plan et au front de fissure. Ces enrichissements évoluent avec le mouvement du repère local pendant la propagation de fissure.

Figure 1-38 : Stratégie d’enrichissement des nœuds en X-FEM (Simatos et al., 2012)

Dans certains éléments, une partie des nœuds sont enrichis et l’autre partie des nœuds restent non-enrichis, nous les appelons « éléments mixtes ». La présence de ce type d’élément a un impact sur la vitesse de la convergence du calcul. Ventura et al (2005) étudient l’influence de la zone enrichie sur la vitesse de la convergence du calcul. Les auteurs montrent qu’il est possible d’optimiser la vitesse de la convergence du calcul en augmentant la zone enrichie ou en raffinant le maillage dans la zone enrichie.

Vu que les fonctions d’enrichissement (ý et ) ne sont pas polynomiales, leur intégration

numérique dans un élément pose problème. Moës et al (1999) propose de sous découper les éléments enrichis en plusieurs petits triangles. L’intégration numérique dans ces éléments sous découpés est une technique classique. Mais la technique de sous découper les éléments augmente le nombre de points Gauss. Dans un calcul non-linéaire, cela signifie qu’il faut projeter les champs non-linéaires (contraintes, déformations, variables internes…) sur les nouveaux points de Gauss dans les éléments proches de la pointe de fissure. Or un des principaux avantages de la méthode X-FEM est d’éviter la projection des champs, et cette projection à la pointe de fissure est délicate car les champs dans cette zone présentent un gradient particulièrement élevé. Prabel (2007) développe une technique alternative qui permet : • d’intégrer suffisamment précisément les contributions des fonctions d’enrichissement

(H et Fk),

• d’éviter les projections de champs mécaniques non-linéaires, notamment à proximité de la pointe de fissure.

Cette technique consiste à sous découper les éléments non enrichis proches de la pointe de fissure avant qu’ils soient plastifiés. La méthode est illustrée dans la Figure 1-39 : les éléments susceptibles d’être s’enrichis sont sélectionnés et sous découpés quand les champs dans ces éléments sont encore élastiques. Ce découpage peut aussi être considéré comme un raffinement local qui permet de décrire plus précisément les champs en pointe de fissure. L’auteur démontre que cette technique permet une bonne conservation de la masse et de l’énergie. Cette technique alternative est utilisée dans le code Cast3M (2012) notamment : un grand nombre de points de Gauss (64) est disposé de manière régulière dans les éléments XFEM constituant la zone de propagation. Cette dernière doit être définie en début de calcul (contenant les éléments XFEM par opposition au reste de la structure maillée en éléments standards). Ainsi l’intégration est suffisamment précise et aucune projection n’est nécessaire. Cependant, suivant la taille de la zone supposée de propagation (zone en éléments XFEM), le calcul peut être coûteux du fait du grand nombre de points de Gauss.

Figure 1-39 : Sous découpage non-conforme. (a) Sélection des éléments à sous découper (en vert). (b) Sous-découpage (Prabel, 2007) .

1.6.5 Conclusion

Pour modéliser la propagation et l’arrêt de fissure, les méthodes suivantes semblent peu adaptées à notre problématique :

• Eléments Finis standards : ce type de méthode nécessite le remaillage pendant la propagation de fissure. Ceci engendre des erreurs numériques pendant la projection des champs sur le nouveau maillage et pendant l’oscillation des lèvres de fissure. Trois méthodes fondées sur les éléments finis standards ont été utilisées pour modéliser la propagation et l’arrêt de fissure :

Relâchement des nœuds, Endommagement volumique, Zones cohésives.

Ces méthodes ont montré leur capacité à modéliser la propagation et l’arrêt de fissure. Néanmoins, elles sont limitées à des trajectoires rectilignes ou des trajectoires connues car la fissure doit suivre le bord du maillage.

• Eléments frontières : cette méthode est limitée pour résoudre les problèmes non-linéaires.

• Sans maillage : cette méthode manque encore de support théorique et de preuves mathématiques rigoureuses.

Pour modéliser des trajectoires de fissure complexes ou inconnues, la méthode des éléments étendus (X-FEM) semble une solution la plus adaptée. Elle présente les avantages suivants :

• La fissure est indépendante du maillage d’éprouvette. Il est donc possible de modéliser une fissure irrégulière avec un maillage de l’éprouvette assez simple. Le remaillage n’est pas nécessaire pendant la propagation de fissure, nous pouvons donc réduire le temps de calcul et éviter tous les problèmes liés au remaillage.

• Par rapport à la méthode des éléments frontières, la méthode X-FEM est applicable pour les problèmes non-linéaires et pour les matériaux non-homogènes.