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Chapitre I : Revue Bibliographique

1.4 Approches locales en mécanique de la rupture

1.4.1 Mécanismes et modèles locaux pour l’amorçage du clivage

Le clivage est un mode de rupture fragile à très basse température pour les aciers ferritiques. Il est généralement décrit par deux phases successives :

• Phase de nucléation : la création d’un germe de fissure par l’empilement de dislocations sur un obstacle (macle, joint de grain, particule ...), conduit à la création de microfissures à l’échelle du grain pouvant générer l’instabilité.

• Phase de propagation: le micro-défaut est suffisamment nocif et soumis à une contrainte suffisamment élevée pour franchir les barrières microstructurales. La contrainte minimale requise est fortement dépendante de la microstructure : taille de grain, orientation… La taille de paquet de lattes dans l’acier bainitique semble être un facteur important pour la rupture par clivage dans ce type de matériau (Curry, 1980).

1.4.1.1 Modèle RKR

C’est un modèle déterministe qui prend en compte le mécanisme de clivage. Ritchie, Knott et Rice (Ritchie et al., 1973) ont proposé une relation entre la ténacité macroscopique du matériau et la contrainte locale de clivage. Selon ce modèle, l’amorçage d’une fissure se produit quand

la contrainte principale maximale ( * à une distance critique (,m de la pointe de fissure atteint une valeur critique ( m . En cas de plasticité confinée et de déformation plane, cette relation s’écrit :

= ½L ¥FK /A,mK/A¾ m¥FK /A

(¥LK /A

¿ Équation 1-22

avec ( : la limite d’élasticité de l’acier, m : la contrainte critique du clivage,

½ : l’amplitude de la singularité de contrainte du champ HRR, À : l’exposant d’écrouissage,

,m : la distance critique.

Dans ce modèle, les auteurs considèrent que la contrainte critique de clivage m est une constante, elle ne dépend pas de la température. En revanche, la ténacité du matériau dépend de la température à travers de la limite d’élasticité (. Lorsque la température augmente, (

chute. Par conséquent, une plus grande intensification des contraintes est nécessaire pour obtenir la contrainte critique m à une distance ,m.

La distance critique ,m est initialement définie comme une constante et elle ne dépend pas de la température. A l’amorçage, la microfissure initiée dans un grain est capable de se propager dans un grain voisin, c’est pourquoi les auteurs proposent que la valeur de la distance critique soit une entité microstructurale, égale à deux fois la taille du grain ferritique. Pour un acier bainitique revenu, cette distance serait égale à 2 à 4 fois la taille des anciens grains austénitiques (R. O. Ritchie, 1979). A l’aide de la Microscopie Optique (MO), la taille des anciens grains austénitiques est estimée variant entre 20@y et 40@y (Haušild,2002)(Tanguy,

2001)(Renevey,1998). La distance critique varierait donc de 40@y à 160@y. En revanche,

Curry et al (1978) montrent qu’il est difficile de relier cette distance critique uniquement à la microstructure, la distribution des tailles de défaut influence significativement le comportement du matériau. Ceci explique la dispersion de la ténacité du matériau. La contrainte critique est plus faible quand le défaut est proche de la pointe de fissure. Dans la littérature, Yang et al (2003) prennent la distance moyenne du lieu d’amorçage au front de la fissure comme la distance critique. Wu et al (2003) considèrent que cette valeur est la distance entre le front de fissure et la position du pic de contrainte. La plupart des sites d’amorçage se trouvent dans la zone entre le pic de contrainte et le front de fissure. En tous cas dans le modèle RKR, la contrainte critique est toujours liée à une distance critique, quelle que soit la valeur choisie pour cette dernière, nous ne pouvons pas séparer ces deux paramètres. Pour les calculs numériques, la taille de maille dépend de la distance critique choisie.

1.4.1.2 Modèle de Beremin

Les modèles statistiques permettent de prendre en compte la dispersion expérimentale de la ténacité ou de la contrainte critique ¼ du matériau. Ces modèles sont basés sur la théorie du maillon le plus faible. Cette théorie considère le matériau comme un ensemble de À volumes

élémentaires . La rupture d’un volume seul entraine la rupture totale de la structure. Le

volume élémentaire est généralement assimilé à un grain. Par contre, la probabilité de rupture pour un maillon n’affecte pas la probabilité des autres maillons voisins. La distribution de Weibull suppose que le matériau est uniforme, et que la probabilité de trouver un défaut dans chaque volume élémentaire est la même dans le tout le volume sollicité (Weibull, 1951). L’auteur propose une formule empirique de la probabilité de rupture :

©3 = 1 − ¡O¢ b− Á Â

4 ó

Ä

f Équation 1-23

avec :

: la contrainte seuil, au-dessous de la quelle, la probabilité de rupture d’un volume élémentaire est nulle. Elle est assimilée à la contrainte de clivage,

4 : la contrainte de normalisation, sa valeur augmente avec la température (Haušild et

al., 2005),

y : le paramètre du matériau, il est caractéristique de la dispersion. Le nombre de volumes élémentaires À augmente avec y, donc le volume élémentaire diminue

dans ce cas-là.

Pour l’acier 16MND5, 4 ≈ 2500 Œ© en considérant un volume élémentaire

de 50 @y (Chapuliot et al., 2005).

Le groupe de Beremin (1983) développe un modèle basé sur la théorie Weibull. Les hypothèses de ce modèle sont les suivantes :

• Il y a toujours un micro-défaut de taille suffisante disponible dans chaque volume élémentaire.

• La contrainte seuil est nulle.

• Les microfissures se trouvent uniquement dans la zone plastique, le volume sollicité dans le modèle de Weibull devient donc le volume plastifié 0. C’est pourquoi un minimum de déformation est nécessaire à la germination des microfissures, et ensuite à l’amorçage de fissure. Les microfissures, initialement crées dans la zone plastique, sont figées quel que soit le niveau de déformation au cours du chargement.

• C’est la contrainte principale maximale * qui contrôle la propagation de microfissures. • La dispersion du matériau (y) est indépendante de la vitesse de sollicitation et de la

température. L’Équation 1-23 devient : ©3 = 1 − ¡O¢ b− Á  * 4ó ÄÅ f Équation 1-24

Le modèle de Beremin est l’un des modèles statistiques les plus utilisés pour décrire la rupture par clivage dans les aciers faiblement alliés. Néanmoins, ce modèle ne permet pas de prendre en compte totalement l’influence de la triaxailité du chargement. Nous pouvons citer trois autres modèles similaires : modèle de Bordet (Bordet et al., 2005), modèle IWM (Wallin et al., 1984) et un modèle développé par Hohe et al (2007). Ces modèles reposent sur des hypothèses proches de celles du modèle Beremin. Ils permettent de mieux prendre en compte la triaxialité du chargement, mais au prix d’un nombre croissante de paramètre.

1.4.1.3 Modèle en contrainte seuil Æ

L’expérience de Hausild (2002) sur l’acier 16MND5 montre qu’en introduisant une contrainte seuil dans le modèle de Beremin, la probabilité prédite correspond mieux à l’expérience. La contrainte seuil est considérée comme la contrainte au-dessous de laquelle la probabilité

de clivage est nulle. La valeur de cette contrainte dans la littérature varie de 1300 Œ© à 1450 Œ© pour l’acier 16MND5 (Chapuliot and Le Corre, 2008) (Blouin, 2011).

Anderson (1993) introduit la notion de volume seuil , défini comme le volume sur lequel la contrainte principale maximale dépasse la contrainte seuil. La probabilité de rupture d’un élément unitaire est la même pour chaque élément de ce volume ( ), et nulle en dehors. Nous pouvons donc remplacer 0 par , et * par ( *) dans l’Équation 1-23. Basé sur cette hypothèse, Chapuliot et al (2008) développent un modèle simplifié pour prédire la probabilité d’amorçage en clivage pour l’acier :

©3 = 1 − exp − . Équation 1-25

La probabilité de rupture est en fonction du volume de seuil via une fonction de sensibilité du matériau F :

( = 1 k (

4l³ Équation 1-26

avec ( : la limite d’élasticité de l’acier, : le volume d’élémentaire,

y : le module de Weibull,

4 : la contrainte de normalisation.

Les paramètres y et 4 sont des caractéristiques du matériau. La fonction F dépend de la température via la limite d’élasticité (. Ce modèle a été validé par Le Corre (2006) sur un acier au C-Mn du circuit secondaire et sur un acier de cuve 16MND5. L’auteur a montré la transférabilité du modèle de l’éprouvette de laboratoire à la structure réelle. Le modèle a ensuite été validé par Nguyen (2009) et Blouin (2011) sur les joints soudés d’un acier ferritique du circuit secondaire.

1.4.2 Application des modèles d’amorçage à la propagation