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Design de la recherche, collecte et analyse des données

3. METHODE DE COLLECTE DE DONNÉES

4.2. Méthode d’analyse

normativité des opinions partisanes (« normativity of ‘party’ opinions ») de ceux qu’il appelle les « gourous de la culture organisationnelle ». C’est également l’objectif que nous assignons à ce projet de recherche : dévoiler quelles sont les « opinion partisanes », qu’est-ce qu’elles cherchent à nous dire, et comment les individus construisent leur « qui suis-je ? » en rapport avec (ou contre) ces opinions. Ainsi, la démarche de notre recherche n’est pas de distinguer le vrai du faux, mais d’interroger pourquoi tel discours est choisi plutôt que tel autre et quel est son effet, nous souscrivons en cela à l’approche d’Alvesson&Kärreman (2000).

> Enfin, nous souscrivons à l’approche d’Hatch & Schultz (1997 :356) qui considèrent que la disparition progressive des barrières entre l’interne et l’externe de l’entreprise plaide pour une recherche académique sachant elle aussi dépasser ses propres frontières. Elles proposent ainsi de combiner les savoirs développés dans les champs distincts du marketing et de la théorie des organisations. Elles mobilisent par exemple dans leurs travaux les concepts de culture organisationnelle, d’identité et d’image tels qu’ils ont pu être développés dans ces deux champs. Notre objet d’étude (le luxe, industrie dominée par les marques…objet d’étude traditionnel du marketing … faisant l’objet d’un intérêt naissant en théorie des organisations), notre focale (le manager, unité d’analyse traditionnellement vouée à une approche en théorie des organisations…bien que de récents travaux en marketing s’intéressent à une « vision élargie du capital-marque » (Berger-Rémy et Michel, 2015)) et notre sujet (l’identité) poussant tout spécialement à dépasser les frontières entre ces champs. La démarche de cette recherche, menée en co-direction avec un Professeur de Marketing et un Professeur en Théorie des Organisations, par une chercheuse insider professionnelle du marketing s’inscrit dans cet agenda de recherche.

4.2. Méthode d’analyse

Si le cœur de notre matériau empirique est constitué du matériau narratif collecté en entretien, notre méthode d’analyse n’est pas à proprement parler une analyse de discours. En effet, l’analyse de discours vise à révéler les structures narratives sous-jacentes. Notre propos est ici de nous concentrer sur le contenu et le sens des discours recueillis (Eriksson et Kovalainen, 2008 : p.217-219) et – en nous inscrivant dans la perspective du pragmatisme discursif - de considérer le matériau discursif comme l’indice d’éléments extralinguistiques qu’il convient d’analyser au-delà de ce simple niveau (Rylander et Kärreman, 2008).

Nous adoptons la définition du discours comme étant l’ensemble des formes de langage, textes et conversations au sein des « frontières » de l’organisation (Bergström et Knights, 2006 :355), ces formes s’exprimant en langage écrit ou oral (‘talks and text’), représentations visuelles ou

artefacts culturels (Thornborrow et Brown, 2009 :631), « toute action affectant le champ des possibles » (Bardon et Josserand, 2011). Ainsi, et à la suite de Boje (1995), si la littérature distingue les notions de discours, dialogue et narration, nous nous départirons de ces frontières et aborderons l’organisation comme un vaste « système narratif » où plusieurs niveaux de récits et interprétations de récits coexistent et s’affrontent et analyserons dans un même instant et à un même niveau discours officiels et discours officieux.

Le volume de ces données secondaires étant relativement contenu, leur codage a été effectué manuellement. Nous n’avons pas utilisé de catégories pré-définies et avons crée les codes au fil de l’étude des données, selon un codage ouvert. Nous sommes arrivés à un premier dictionnaire des thèmes du discours officiel du luxe. Dans le même temps, nous avons découvert les travaux séminaux de Boje (1995) et avons appliqué sa grille d’analyse du discours pré-moderne aux discours managériaux du luxe .

A l’issue de cette analyse des discours managériaux officiels, nous avons procédé à l’analyse des 20 entretiens de notre première phase de récolte de données, à l’aide des codes définis au cours de l’analyse des discours officiels. Certains thèmes du discours officiels se retrouvaient dans les entretiens, illustrant les cas dans lesquels le discours de marque soutient positivement les processus de RI des managers. En revanche, certains thèmes dissonants sont apparus. Dans une démarche inductive, les données ont été alors analysées à plusieurs reprises - en fonction du dictionnaire de thèmes établi à l’analyse des discours officiels et d’une revue de littérature approfondie – afin d’identifier manuellement des segments codés (Miles et Huberman, 1994). Cette analyse de contenu manuelle, élaborée au gré de multiples relectures des données et en nous appuyant sur les matrices de Miles et Huberman (1994), a permis d’enrichir notre dictionnaire des thèmes, facilitant le classement de données devenues nombreuses. Nous sommes alors retournés sur le terrain, munis de ce dictionnaire des thèmes et de la littérature sur les « Brands at Work » et la Régulation Identitaire, afin de recueillir de nouvelles données. Ces nouveaux entretiens ont été analysés au fil de l’eau, sans attendre, nous permettant de réabsorber les nouvelles catégories émergentes dans nos entretiens en cours.

Nous sommes alors abouti à un riche catalogue de plus de 35 thèmes dans lesquels la marque soit soutient les processus de RI, soit joue un rôle corrosif. A ce stade, nous avons alors confronté notre dictionnaire des thèmes à la grille d’analyse des processus de RI construite par Alvesson & Willmott (2003) et qui nous a permis de classer et problématiser nos thématiques selon les 4

mettre en forme le matériau très riche que nous avions recueilli, à monter en généralité et bien qualifier les processus de RI. En parallèle, ayant le souci de valider notre méthodologie d’analyse qualitative, nous avons pris le temps de lire les travaux consacrés à la normalisation des méthodes qualitatives (Corley, 2012), et aux méthodologies « à la Gioia » (Gioia et al., 2012) ou au comptage des données qualitatives (McPheson et Sauder, 2015). Si notre méthodologie n’est bien sûr pas à proprement parler une méthodologie « à la Gioia », étant donné que nous disposions déjà d’une grille d’analyse avec les travaux d’Alvesson & Willmott, ces travaux nous ont inspiré pour le classement de nos données. Nous avons ainsi à posteriori repris notre analyse des discours officiels et sommes ‘monté en généralité’ en faisant émerger des concepts de 2° ordre (nous en étions finalement initialement restés au concept de 1° ordre). Munis de ces concepts de 2° ordre, nous avons également repris nos entretiens pour structurer les tensions que fait naître le discours officiels managérial.

Nous avons donc tout au fil de la recherche affiné notre analyse, revu, modifié, enrichi, structuré notre dictionnaire des thèmes (ou concepts de premier et second ordre pour adopter un vocabulaire « à la Gioia »).

4.3. Critères de validité de la recherche

En premier lieu, nous adoptons la vision interprétativiste selon laquelle l’activité humaine est un « texte », un assemblage de symboles que le chercheur cherche à déchiffrer (Miles & Huberman, 1994), afin de faire sens du matériau recueilli plutôt que de chercher à dévoiler des relations causales ou mécanistes. Il ne s’agit donc pas ici de fournir la bonne explication mais d’être à même de dévoiler l’expérience vécue des acteurs (Eriksson et Kovalainen, 2008).

« The story may not be true, but, as it is taken to be true by the actors in the situation, it provides the researchers with potentially valuable insights into how organizational actors make sense of themselves and others » (Beech & Sims, 2007 :290)

De plus, la régulation identitaire étant un processus discursif, ambigu et intersubjectif, les critères de validité de la présente recherche ne sont ni la fiabilité ni la validité mais bien plutôt la capacité à se faire l’écho du vécu des acteurs. Nos données ont donc le statut de récits co-construits (Alvesson, 2003 ; Alvesson et Kärreman, 2000) par le chercheur et le manager.

Ensuite, comme le rappelle Czarniawska (2005), « l’étude des organisations affronte un univers qui est et restera polyphonique, où de multiples langages ou dialectes s’élèvent, s’affrontent et se confrontent (p.370). La capacité à « préserver la multitude des voix, sans avoir recours à un

langage artificiellement monolithique » (Czarniawska, 2005) est donc un critère de validité important de notre recherche, en ligne avec notre positionnement épistémologique et avec la nature de notre question de recherche. C’est dans cette optique que nous avons fait le choix de rendre compte, assez largement et en détail, du récit de 4 répondants, afin de livrer un « discours panaché » (Czarniawska, 2005) qui donne à entendre de multiples récits de régulation identitaire. La capacité à montrer de la variance constitue donc notre critère de validité.

Afin de cadrer notre procédure d’analyse et d’accompagner le « saut créatif » (Langley et Tsoukas, 2010) que constitue le passage du matériau brut des entretiens à leur problématisation, nous avons :

 multiplié les types de données (entretiens, vidéos, revue de presse, etc …) afin de pouvoir procéder à une triangulation des données

 interrogé certains répondants plusieurs fois, à intervalle de temps relativement long et au cours d’entretiens longs (ainsi 3 répondants ont été interrogés 2 fois)

 visé à atteindre riche niveau de description (« thick description », Geertz, 1994) afin d’être à même d’aboutir à une bonne généralisation des résultats,

 les résultats intermédiaires de nos analyses de données ont été régulièrement partagés avec la communauté scientifique, lors de présentations en conférence (AIMS 2015) ou en séminaire doctoraux, afin de valider nos interprétations

 et, comme présenté plus haut dans notre chapitre consacré à la recherche insider, pratiqué une démarche constante d’auto réflexivité, critère supplémentaire de validité.

Synthèse du chapitre 4.

Nous avons présenté dans le chapitre 4 nos motivation à conduire la recherche à travers le récit de notre vécu d’insider (1.1), la démarche générale de la recherche 1.2.) et avons éclairé les implications méthodologiques propres au statut d’insider (1.3). Nous avons cherché à montrer la cohérence de notre design de recherche entre position épistémologique (approche constructiviste du réel), objet théorique (l’identité) et méthodologie choisie (entretien, entendus comme co-création, particulièrement adapté à notre statut d’insider jouissant d’une pré-connaissance du champ, Alvesson et Kärreman, 2000).

Nous avons ensuite présenté l’industrie du luxe, terrain de la présente recherche (2.). Nous avons souligné que, si l’industrie a depuis 20 ans considérablement cru, elle fait face actuellement à de nombreux défis. Le défi d’attirer, retenir et motiver les bons talents en est un. Il souligne l’intérêt de notre sujet de recherche qui cherche, entre autres, à dévoiler les éléments du discours de marque qui participent à soutenir la régulation identitaire d’une population clef pour les conglomérats : les managers.

Enfin, nous avons présenté notre méthode de collecte de données (3.). En ligne avec les approches traditionnelles d’analyse du discours, nous avons présenté les données qualitatives de nature variée que nous avons recueillies. D’une part des données secondaires nous permettant de caractériser les discours officiels des conglomérats (sites internet, rapports annuels, etc) et d’autres part, des sources se faisant l’écho de la polyphonie au sein de l’industrie : revue de presse mais aussi et surtout, 59 entretiens longs menés auprès de managers seniors du luxe. Nous avons justifié le choix de l’entretien, entendu comme « « co-création » (Alvesson, 2003b) et méthode de récolte de données en cohérence avec notre épistémologie constructiviste, notre objet de recherche (l’identité) et notre pré-connaissance du champ liée à notre statut d’insider.

Chapitre 5.