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Luxe ‘masstige’ ou la marque, instance de production d’objets-signes

La Régulation Identitaire

2. PERSPECTIVES MARKETING

2.1. Luxe ‘masstige’ ou la marque, instance de production d’objets-signes

mais souvent plutôt dans l’ « identité » ; entre « logique de démarcation » et « d’appui ». Les travaux de Rosa (2010, 2014) sur l’accélération sociale du temps rejoignent ce constat : « la vitesse prodigieuse des événéments et des transformations semble n’être qu’un phénomène superficiel, cachant à peine la profonde inertie culturelle et structurelle de notre époque ». (2014, p51-52).

Le luxe serait alors la marque des temps modernes, caractérisée, par une approche « copier-coller » (Beaume, Flamand, Leclair, 2016).

2. PERSPECTIVES MARKETING

LE LUXE, INDUSTRIE DE MARQUES

2.1. Luxe ‘masstige’ ou la marque, instance de production d’objets-signes

C’est le développement - selon une logique industrielle - des parfums de marques de luxe et le lancement de la collection Must de Cartier en 1972, qui actent de l’entrée des techniques marketing issues de la grande consommation dans le luxe et, de fait, du début du règne de la marque (de Ferrière le Vayer, 2007). L’inflation des lancements produits, l’élargissement des gammes à de nouveaux territoires produits et le raccourcissement de la durée de vie des produits vise à satisfaire les attentes du « nouveau consommateur culturel » (Bourgeon-Renault, 2010) des années 90 : évoluant dans un contexte d’effacement du clivage social, faisant des choix éclectiques et alliant des pratiques de haute culture (musique classique, théâtre de répertoire, littérature) à d’autres relevant davantage du divertissement (musique de variétés, music halls, séries télévisées) le « nouveau consommateur culturel » s’attache aux marques et aux expériences bien plus qu’aux produits. Sa figure révèle l’effacement des frontières entre culture légitime et culture de masse et constitue la remise en cause du modèle de Bourdieu. C’est à cette même époque que l’industrie entre dans une « seconde modernité » (Lipovetsky, 2013) avec un « changement d’échelle » qui signe le passage à une logique véritablement industrielle et financière. Les frontières entre ‘luxe légitime’ vs ‘luxe de masse’ (pour parler en détournant la terminologie de Bourdieu) s’effacent et le néologisme ‘masstige’ (« les produits de luxe produits en série », Roux, 1994) est forgé. Force est de constater a priori la dimension d’oxymore du concept de ‘masstige’. En conséquence, le challenge est de taille pour les manageurs de l’industrie du luxe ; il s’agit pour eux – pour reprendre le titre de l’article référent de Roux et Floch en 1996, de « gérer l’ingérable : la contradiction interne de toute maison de luxe ». Pour légitimer le ‘masstige’, les chercheurs en marketing ont alors recours à la notion de « paradoxe » :

il existerait « un paradoxe constitutif de toute maison de luxe. Toute maison tend à perdurer et se développer. Et toute maison exige pour cela que l’économie soit le principe même de sa gestion. Mais une maison … de luxe se doit, elle de concilier ce principe, vital, d’économie et le refus, éthique du tout-économique, refus qui est consubstantiel à l’idée même de luxe » (Roux, Floch 1996). C’est donc par le truchement de la marque - articulation de l’éthique et l’esthétique décrits par Roux et Floch (1996) - que pourrait se résoudre le paradoxe du luxe ‘masstige’.

Production Distribution Consommation

ETHIQUE Refus du tout économique

> Un plaisir d’exécution > Une part laissée au travail artisanal et à la main > Des matières et approvisionnements peu prévisibles, mais que l’on veut conserver Une entière disponibilité à la clientèle Le désir d’émouvoir le consommateur lors de son appropriation et de sa jouissance du produit ESTHETIQUE Un univers de marque comme cohérence des sens : synesthésie

>La marque comme univers sensible unique

>La réalisation d’une œuvre « parfaite »

Une synergie etre les différents éléments créant l’ambiance des boutiques Le produit comme œuvre polysensorielle

Figure 12 - La marque comme articulation d'une éthique et d'une esthétique (Roux et Floch, 1996, repris par Heilbrunn, 2013:426)

Ainsi le luxe industriel est avant affaire de marques, entendue comme « instance de production d’objets-signes » qui diffuse des « petites intrigues », des « structures narratives» (Floch et Roux, 1996).

2.2. Luxe industriel et storytelling de marque La marque de luxe existe par le storytelling …

Les travaux de Kapferer (2006, 2013) actualisent ceux de Floch et Roux (1996) en distinguent deux grands types de structure narratives : l’une fondée sur l’histoire et l’autre sur le récit, le storytelling. D’un côté les marques d’origine Européenne disposant d’une Histoire (« a History ») valorisant la rareté, la qualité, les savoir-faire et s’incarnant le plus souvent dans un créateur. De l’autre, les marques Américaines, proposent un storytelling (« a story »). Ralph Lauren est ainsi donné en exemple : « faute d’histoire, il n’hésite pas à s’inventer une histoire » (2008, p.165). Ainsi, la marque de luxe existe par le récit complexe qu’elle est capable de construire, par le richesse de l’univers qu’elle est capable de déployer : « ce qui fonde sa

distinction n’est pas son budget de publicité, mais ce qu’en disent les clients entre eux. C’est pourquoi la marque de luxe doit se penser comme une histoire : pas de marque de luxe sans storytelling. (…) La marque de luxe doit révéler son histoire, dans sa dimension à la fois historique et mythique.» (Bastien, Kapferer, 2008, p283-284).

Kapferer (2006) présente ainsi le discours de marque comme la solution ‘toute trouvée’ au paradoxe du luxe industriel: si ce qui pose problème dans le masstige c’est la dimension désormais industrielle de la production, alors pourquoi ne pas simplement utiliser le récit de marque pour évacuer la question, la masquer sous un storytelling approprié… Il propose ainsi de sous-titrer une oxymore (masstige) par une autre, en élaborant la notion d’ « abundant rarity » : « How to grow while remaining rare ? (…) Actual rarity is based on ingredients, processes and craftmanship. One should instead create impressions of rarity, virtual rarity » (2006, p70). La simplicité de la proposition en serait presque désarmante, si elle n’était pas le signe du détachement du marketing mainstream, de l’éthique dont parlaient Roux et Floch (1996) ; le signe d’une forme d’inauthenticité problématique. Le luxe industriel ne serait-il donc plus qu’une manœuvre sémantique ? Et si tel est le cas, que signifie alors ‘travailler dans le luxe’ ? Si l’on adopte le postulat que la marque a un effet sur l’identité des employés, alors quelle identité personnelle construire quand l’identité de marque est de nature paradoxale ?

mais le storytelling ne devient-il pas un discours-écran ?

Des contrepoints critiques aux analyses mainstream de Kapferer, se font jour, soulignant que la dimension paradoxale du luxe ne serait pas constitutive du concept de luxe en soi, mais bien plutôt de son acception contemporaine dans une réalité de production industrielle. Ces auteurs dénoncent l’argument d’un marketing ‘hors norme’ du luxe : « le marketing du luxe a de plus en plus de mal à soutenir la thèse de sa spécificité (…) D’où viennent les efforts de tous pour entretenir la conviction – peut-être l’illusion – que le luxe est un secteur à part » (Sicard, 2010, p.272). Ou encore : « les marques de luxe n’ont avec les autres que des différences de degré, non de nature. Une marque de luxe est d’abord une marque avant d’être une marque de luxe. En tant que tel, c’est une créature et une création de l’industrie. Le mensonge du luxe, c’est de nous faire croire que les marques fabriquent sur place, dans la grande tradition artisanale, et en utilisant les matériaux les plus précieux, des pièces uniques ou tout au moins des objets rares, d’une extrême qualité, donc très chers (…) Cette description n’est pas fausse, mais elle ne s’applique plus qu’à un très petit nombre de cas qui sont désormais autant d’exception à la règle commune. » (Sicard, 2003). Ainsi, en proposant aux manageurs de l’industrie du luxe de construire via le storytelling l’image d’une « abundant rarity », Kapferer leur demande de se faire la cheville ouvrière de ce

qui serait un « mensonge », une « illusion » (Sicard, 2010). Le manageur du luxe, et tout spécialement celui dont le rôle est de produire le storytelling (marketing, communication, ventes) se trouverait aux prises d’un « conflit entre éthos productifs » (Courpasson, 2014) ; entre le « souci de bien faire » et les impératifs financiers purs. L’« amour du travail bien fait » caractéristique de l’éthos professionnel de l’artisan (Courpasson, 2014), figure fondatrice du luxe et toujours axe de communication majeur de l’industrie, serait ainsi mis à mal. « Que demande-t-on vraiment au manager d’aujourd’hui ? Est-il l’animal laborans absorbé par sa tâche et devenu amoral par l’obsession du résultat, ou reste-t-il l’homo faber dont la compétence consiste aussi à juger du bien-fondé de ce qu’il est en train de faire ? » (Courpasson, 2014)

Encadré : Internet, nouvel outil du storytelling

Le paysage des marques s’étant densifié jusqu’à devenir très encombré (Roux, 2009), le défi principal pour les marques aujourd’hui est de se rendre audible et de se distinguer. Internet constitue en cela un formidable outil d’expression de la marque et de diffusion de son identité. Il nous semblait donc important d’ y consacrer un encart. Comme précédemment, la valeur de cet encadré est illustrative.

La forme que prend l’expression de chacun des trois conglomérats sur la Toile est spécifique à chacun. Ainsi, si la communication du Groupe Richemont reste relativement institutionnelle, n’offrant pas communication de type « lifestyle » et déployant des contenus peu évolutifs dans le temps, LVMH et Kering ont mis en place des sites internet aux contenus très riches et variés et fréquemment mis à jour. La profusion des informations, couplée à l’effacement de la dimension physique des contenus finit par plonger l’internaute dans un vaste flots d’informations de nature indifférenciée, participant à l’effacement des frontières entre discours marketing, discours managérial et discours institutionnel. Retour sur images…

« K-mag », le magazine du Groupe Kering

A coté de la section Finance, Talents, Marques ou Développement durable, la page d’entrée du site Kering.com propose à la lecture son magazine corporate intitulé simplement « K ».

Le magazine « K de Kering » rassemble sous une identité visuelle résolument moderne et accessible (le contraire de l’image d’un luxe à la française que d’aucuns décrivent parfois comme arrogant ou figé) des contenus de qualité, aux sujets très variés regroupés en 4 sections Style, Société, Imagination et Femmes (Image 1). Ce qui frappe le lecteur, c’est, d’une part, la densité des sujets offerts à la lecture, mais surtout la frontière disparue entre l’interne et l’externe, entre des contenus concernant spécifiquement Kering (une interview de Marco Bizzari, nouveau Directeur Artistique de Gucci, une interview « éco-responsable » de Kelly Slater, multiple champion du monde de surf et créateur d’une marque de vêtements de surf équitables, financée par Kering), et ceux relevant du sujet de société où aucune lien évident entre le Groupe et le sujet ne saute aux yeux du lecteur (la « fabrique moderne de la mode italienne » par Sonnet Stanfill, conservateur d’une exposition sur la mode italienne d’après guerre, un reportage sur le dernier film de Luc Jacquet sur la fonte des pôles), et ceux où l’on joue sur un dedans-dehors, au moyen de frontières joyeusement brouillées (le « portrait de Raffaella Bortoluzzi, architecte italienne » … qui a refait le concept de boutiques Pomellato, le programme « International Talents Support », programme international de soutien à la création, parrainé par de multiples entreprises … dont Kering). Ce mélange

des contenus, soutenu par une vraie ligne éditoriale, résolument dans l’air du temps, immerge l’internaute dans un univers total dont il faut bien avouer qu’il a un puissant effet. Même le chercheur, connecté en mode « attention ! réflexivité-démarche de recherche », a du mal à ne pas se laisser séduire par ce qui ressemble fort au déploiement d’une « vision du monde objectivée », une « weltanschaaung devenue effective, matériellement traduite ». (Debord, 1992 :17)

Image 1 - La page d'accueil du magazine en ligne K de Kering, Juillet 2016

« Rouge Cartier », le magazine de Cartier

Si K joue à plein des codes visuels d’internet, élaborant une page d’accueil digne des meilleurs sites communautaires en vogue (proposant d’ailleurs de partager les contenus sur les différents réseaux sociaux) le magazine Rouge Cartier ressemble plus, dans son format, à la mise en ligne du magazine papier, copié-collé. Le contenu est faible : après une phrase d’accroche, en cliquant sur « explorer », l’internaute peut feuilleter les pages du catalogue, avec photos produits et caractéristiques produits (poids d’or, taille du diamant) - rien de très évocateur, ni inspirant. Le contenu est donc d’un registre tout à fait différent de celui de Kering (rappelons que Rouge n’est pas un contenu corporate mais de marque…même si l’on parle toutefois de la première marque du portefeuille Richemont). Sa lecture, effectuée après celle de K-mag, donne l’impression d’une marque institutionnelle, ancrée dans un temps long (l’expression du temps de la joaillerie-horlogerie, secteur d’activité de Cartier)… presque arrêté car le débat sur la nécessaire adaptation des contenus à la nature du média ne date pas d’hier…

Image 2- Magazine en ligne Rouge de Cartier – Edito et 2 pages, Juillet 2016

La page Talents du site LVMH et « LV, The Book», le magazine de Vuitton

D’entre les 3 conglomérats étudiés, le contenu du site LVMH est indubitablement le plus dense, reflétant la puissance du Groupe et l’ampleur de son portefeuille de marques. La section “Talents” du site corporate lvmh (dont les contenus sont très fréquemment mis à jour) nous a fourni un précieux matériau pour cette recherche, il convient donc de prendre le temps de la présenter plus en détails.

> Section Talents du site LVMH : cette section s’ouvre sur une page très institutionnelle avec photo de la DRH Groupe et interview (image 3). En descendant sur la page, on découvre des témoignages variés de salariés présentant leur fonction, un focus sur un métier clef du groupe, puis une section de « case study » pour se préparer aux entretiens, une section initulée “In Situ” qui propose de « plonger dans le

quotidien » des collaborateurs via des vidéos les présentant en action et enfin le lien vers les offres d’emplois en cours.

En filigrane, on comprend que le Groupe s’efforce d’incarner des histoires individuelles, de véhiculer une image de dynamisme, de jeunesse aussi afin de donner corps à un univers professionnel fortement aspirationnel. Le registre est proche de celui développé par Kering sur sa page Talents, (le ton adopté étant bien sûr spécifique à chacun des Groupes) mais LVMH n’offre pas de plateforme corporate avec un registre lifestyle comme celui développé dans K de Kering. Ainsi, même la section « En coulisses » de LVMH.fr demeure centrée sur les Maisons et la mise en avant de leur attributs, un contenu finalement assez proche de ceux développés dans la section Talents.

Image 3 - Site LVMH, section Talents, page d'accueil, Juillet 2016

> Le magazine « The Book » de Vuitton (Image 4) :

Il s’agit d’un magazine disponible en version papier en boutique ou en e-magazine en ligne. Vuitton étant la marque clef de LVMH et la première marque de luxe au monde, il nous a semblé important de l’étudier. Ce magazine offre des contenus assez semblables à ceux des magazines féminins (présentation de produits, photos de mode, interview du designer, saga produit), le tout dans une facture de grande qualité. Toutes les informations se focalisent de manière claire sur Vuitton, son univers, ses produits, sa dernière application pour smartphone. Ainsi, un reportage sur la vision Vuitton de la féminité fait le détour par des figures historiques comme la Princesse Eugénie, des artistes comme Diana Vreeland ou une héroïne de manga, qui sont finalement présentées comme des archétypes de la femme Vuitton. Le message est propre, relativement massif et laisse percevoir l’enjeu que la communication représente pour la marque.

Image 4 - Magazine "LV The Book" – Couverture et reportages (Juillet 2016)

2.3. Marque et rhétorique de marque : le luxe industriel à la recherche de l’absolution ou comment re-légitimer le luxe industriel

«Le fétiche n’est pas un unicum sans équivalents, mais au contraire un objet indéfiniment remplaçable, sans qu’aucune de ses incarnations successives puisse épuiser le rien dont il est la marque. Le fétiche révèle ainsi un nouvel et inquiétant mode d’être des objets, des facticia fabriqués par l’homme. » G. Amgaben, 1994, p.68 Là où les approches marketing mainstream posent le storytelling comme un outil marketing efficace permettant de résoudre le paradoxe du luxe industriel, d’autres chercheurs, s’interogeant sur la possibilité de penser la marque de luxe à l’âge de la démocratisation du luxe » (Heilbrunn, 2011) et « l’objet de luxe à l’ère de la reproductibilité technique » (Remaury, 2011) interrogent la notion même de marque de luxe, et questionnent ce renflement du storytelling.

La marque permet de « ’racheter’ , au sens religieux du terme cette faute ou déchéance que constitue la production industrielle d’objets qui ne sont que des marchandises et non des valeurs, des attitudes, des idéaux ou des pratiques attachées aux personnes ou à des groupes sociaux » (Bertrand, 2012, p.46). Ce « rachat » s’opère par le truchement des récits de marques et par l’invention de toute une rhétorique, textuelle ou visuelle, pour tenter d’échapper au « désenchantement qui guette inexorablement les produits industriels» (Heilbrunn, 2012, p.58). Ainsi, la marque de luxe industrielle est « fondée sur un processus symbolique de re-présentation, au sens où il s’agit de substituer à l’absence une présence matérielle », de s’écarter du système rationnel de légitimité industrielle pour tenter d’articuler via le discours et la rhétorique, les signes d’une légitimité traditionnelle et ceux d’une « légitimité pseudo-charismatique » (Heilbrunn, 2012, p.57). Sous l’effet de « l’épiphanisation de la marchandise », se met en œuvre un « double mouvement de distanciation d’avec la réalité de l’objet et d’accès immédiat et accessible à un récit ‘allégé’» (Rémaury, 2007:92) qui se traduit par une double rhétorique : (a.) une rhétorique du grand récit, cherchant à réenchanter le luxe en l’incluant dans une mythologie qui le dépasse, (b.) une rhétorique de la simplicité et de l’artisanat pour dépasser la profusion industrielle.

 Rhétorique du ‘grand récit’

Mettant en œuvre une « logique poétique » (Danesi, 2006 :116), les marques confisquent le champ du récit en s’appropriant les grands récits culturels, populaires ou mythologiques. Elles les utilisent comme un canevas sur lequel elles viennent tisser leur récit de marque (Kornberger, 2010:109), rendant opportunément impossible de distinguer ce qui relève de la culture, de ce qui

relève de la marque. In fine, les récits de marque se substituent aux grands récits (Rémaury, 2007:86-87).

A titre illustratif, la campagne de publicité d’Hermès en 2010 s’appelait « La vie comme un Conte » et offrait une réinterprétation visuelle de grands contes populaires (Illustration 1). A l’occasion des fêtes de fin d’année 2013, Cartier a proposéun « Conte de Noël », sous la forme d’un dessin animé : une panthère (l’animal totémique du « Roi des joailliers ») partait de la boutique historique de la rue de la Paix, dans une tournée nostalgique guidée par un groom ‘à l’ancienne’ au volant d’une vieille voiture de livraison, à l’enseigne de la Maison, livrer ses cadeaux au pied du sapin, dans Paris enneigé (Illustration 2). En 2012 également, pour les 165 ans de la Maison, Cartier fait voyager sa panthère dans une « Odyssée de Cartier» : parcourant la Russie blanche (celle des tsars pour lesquels la Maison a réalisé couronnes et tiares) ; un jardin indien fleuri de la collection Tutti Frutti; poursuivant un dragon sur la muraille de Chine (les archives de la Maison regoregnt de dragons et dessins art déco traités dans une inspiration sinisante), et survolant Paris aux côtés du dandy brésielien fou-volant Santos Dumont pour qui Cartier a inventé le bracelet montre et dont une montre de la gamme de produits porte toujours son nom. Un récit qui puise donc ses sources dans l’histoire bien réel de la Maison et le mythifie de façon puissante (Illustration 3). Autre exemple de ce recours aux récits universels : en 2016, pour les 90 ans de Fendi, Karl Lagerfeld a conçu une collection intitulée « Artisans du rêve : Légendes et contes de fées », faisant défiler une princesse perdue dans la forêt des frères Grimm,