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Méthode de développement

Le processus de création d’un produit est complexe et stratégique. Il englobe non seulement les éléments fonctionnels et techniques du produit, mais aussi les aspects esthétiques et économiques, les contraintes et les normes liées à la sécurité et à l’environnement. Enfin, il prend également en compte l’histoire, les valeurs et la culture de l’entreprise. Il s’inscrit donc dans un travail collectif.

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Pour que le designer puisse intégrer de manière cohérente ces différents fac-teurs, il agit en interaction avec tous les acteurs de la chaîne du processus de développement, au sein de l’entreprise mais aussi en externe, en amont et en aval de la création.

Un designer crée un objet, en plusieurs étapes, du concept (ou de sa compré-hension s’il n’en est pas l’auteur) à la recherche d’idées créatives et techniques, jusqu’au suivi des prototypes ou des séries. Ce travail doit faire émerger la solution la plus adéquate qui correspond aux exigences ou souhaits de l’entreprise : c’est la « recommandation » du designer, compromis entre plu-sieurs paramètres, qui répond au cahier des charges.

Voici une méthode de développement en cinq phases :

phase 1 : audit, analyse. Détermination d’un cahier des charges marketing et fonctionnel ;

phase 2 : recherche de concepts et axes de développement (ou « avant-projet » ;

phase 3 : développement de la solution retenue (ou « projet ») ;

phase 4 : mises au point ;

phase 5 : prototypage et accompagnement de projet.

Selon les projets, le contenu de ces phases est très différent.

1. Phase d’audit et d’analyse. Cahier des charges

L’entreprise, le designer, le consultant ou le chef de projet, selon les cas, sont responsables des deux premières phases. En matière d’audit, on étudie la marque elle-même, ses valeurs, son positionnement et le positionnement du projet, ses concurrents, ses cibles en général et la cible du projet. Au niveau technique, on s’interroge sur les formes, les matériaux, les systèmes existants non seulement en France mais dans le monde (benchmarking), qu’on regroupe sous forme de boards ou de feuillets.

À cette étape, on travaille avec des experts et des consultants extérieurs.

L’analyse consiste ensuite à confronter les résultats de l’existant à la demande elle-même. Cette analyse permet de déterminer un cahier des charges compor-tant généralement deux volets :

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un cahier des charges marketing : marque, positionnement prix, cible, circuits de distribution, importance du levier « design » dans la communication ;

un cahier des charges fonctionnel, qui résume ce qu’on attend du produit en termes de fonctionnalités, de services.

2. Recherche de concepts (avant-projet)

Sur la base du cahier des charges précédent, on recherche différents concepts et idées. Chaque concept est écrit, schématisé, illustré. Les chapitres de défini-tion du concept sont très différents d’un projet à l’autre.

3. Développement de la solution retenue (projet)

Cette séquence consiste à développer la piste retenue, à préciser le projet défi-nitif du produit futur (illustration et recherche formelle, 2 D et 3 D, cotes de principe permettant de préciser le volume, le système).

4. Mises au point

Cette avant-dernière phase consiste à finaliser et à mieux définir le produit sélectionné. Il s’agit de concrétiser le travail précédent par la mise au point des formes, des volumes, des matières et des couleurs. Plusieurs allers-retours ont lieu entre le designer et le chef de projet, en fonction des validations point par point des différentes parties prenantes dans l’entreprise : marque, ventes, bureau d’études, production (faisabilité), commercial (potentiel de vente, quantités attendues en fonction du design et de la pré-présentation aux commerciaux, aux filiales), communication (potentialité de l’objet à communiquer), gestion (respect des coûts), etc. Des maquettes non fonctionnelles sont en général réali-sées à ce stade.

5. Prototypage et accompagnement de projet

Le designer peut accompagner la réalisation de maquettes fonctionnelles, de prototypes cotés pour la fabrication et la préproduction, en optimisant à nou-veau les différents paramètres du processus : encombrement, fonctionnement, coût, etc.

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Entretien avec Christophe Rebours, fondateur d’In Process

Ergonomie : une ressource pour les designers

Se baser sur la compréhension du comportement des usagers pour favori-ser l’optimisation ou l’innovation des produits et des favori-services adaptés aux usages que l’homme en fait, tel est l’objectif de l’agence In Process, issue de la culture du design industriel. Dans cette logique, le travail de l’ergo-nome représente un outil informatif d’aide à la décision. Explications de Christophe Rebours : « L’ergonomie est une composante des sciences humaines et sociales ou des sciences cognitives. Globalement, ces expertises représentent un enjeu stratégique d’un point de vue méthodologique quand une entreprise veut s’engager dans un projet d’innovation. C’est très différent d’une approche conduite par la marque (ses valeurs et ses

attributs). » En clair, In Process propose un modèle différent du couple habituel marketing et designer. Il s’agit de transformer un savoir intuitif en un véritable outil d’investigation. « Les desi-gners ont toujours entretenu un certain regard sur l’usage des choses.

L’ergonomie est une expertise scientifique de ce regard. C’est notre lien avec les ergonomes. Ce qui est important pour nous, c’est qu’il soit une ressource pour créer. »

In Process a imaginé un design ergonomique pour le casque MXP4 de la société Musinaut. Sa spécificité : ses trois capteurs (derrière l’oreille et sur le front) orientent,

à partir de trois zones de sensibilité neuro-physique spécifiques du cerveau, les choix de musique selon l’état psychologique et émotionnel de l’auditeur.

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Mini-cas

Dyson : le design doit s’intéresser à la fonction de l’objet

Dyson et design sont deux termes qui riment plutôt bien. Deux termes même indissociables pour ceux qui connaissent quelque peu la philosophie du designer et entrepreneur James Dyson. Ce dernier est bien entendu connu pour être l’inventeur éponyme de l’aspirateur cyclonique (sans sac). Mais il est également devenu, de par sa gestion de l’innovation, l’une des figures imposées de tous les ouvrages, conférences ou exposés sur l’innovation, au même titre que Steve Jobs.

Ce qu’il est intéressant de rappeler, c’est la détermination (il aura fallu plus de quinze ans à Dyson pour imposer la technologie de l’aspirateur sans sac) et l’état d’esprit d’un homme et de toute une entreprise qui n’ont pas pour seul objectif de vendre les produits que le marché et les consommateurs souhaitent, mais de conce-voir des produits innovants. Chercher à améliorer les produits existants, leurs fonctions, en décelant leurs points faibles avant de vouloir créer un marché, telle est la devise de Dyson. L’aspirateur cyclonique est d’ailleurs né d’une frustration : celle de James Dyson face à son propre aspirateur qui se bouchait rapide-ment, freinant le système d’aspiration. Pour Dyson, le design doit avant tout s’intéresser à la fonction de l’objet. C’est la fonction qui doit guider sa concep-tion. La forme « suit » la foncconcep-tion.

Entretien avec Éric Vermelle, directeur marketing de LaCie

Quand le monde du designer rencontre le monde industriel Dès l’entrée au siège social, il règne comme un parfum de design chez LaCie : portraits de designers ayant collaboré pour la maison, livres de design pour faire patienter les visiteurs, canapés dessinés par les créateurs Bruno et Catherine Lefebvre, etc. Il faut dire qu’entre cette société française, spécialisée dans les solutions de stockage externes, et le design, c’est une histoire ancienne, qui remonte au début des années 1990, quand Philippe Spruch, le P-DG de la société (qui porte alors le nom de Électronique d2), décide de soigner l’aspect de ses nouvelles gammes

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de produits. Et, quant à faire du design, autant frapper à la bonne porte : ce sera celle de Philippe Starck, qui prêtera son coup de crayon pour donner naissance au K1. Banco ! La petite entreprise française vend son boîtier comme des petits pains. Forte de son succès, elle rachète un con-current américain, LaCie, dont elle adoptera le nom, et entre, un an plus tard, en Bourse. Depuis, la démarche design perdure et plusieurs grands designers (Ora-ïto, Sam Hecht, Karim Rashid, Neil Poulton, F. A. Porsche, etc.) ont planché sur les projets de la société. Au rythme de quatre innovations majeures par an, l’entreprise cumule les prix et distinctions, dont les Janus de l’Industrie. LaCie est résolument une entreprise design engagée. Elle travaille avec environ cinq designers, mais n’hésite pas à faire appel à de nouvelles personnalités pour chercher de nouvelles pistes. Et, via ces différentes collaborations, LaCie a acquis un véritable savoir-faire. Éric Vermelle nous explique son mode de fonctionnement. « Nous essayons de laisser au designer, qui est un créatif, un espace de liberté en proposant des briefs pas trop figés, mais le spectre ne doit pas non plus être démesurément large pour répondre à certaines contraintes. C’est un jeu d’équilibre : oser casser quelques contraintes tout en respectant les points-clés du brief. Généralement, nous partons sur un brief de deux pages. Ce n’est pas très long, mais du concentré, sur nos attentes en termes de taille, caractéristiques techniques, performances, prix, etc. » Il s’agit de travailler en parallèle l’esthétisme et les contraintes techniques. En fonction du produit à mettre au monde, LaCie invite un ou plusieurs designers à se pencher sur

Ora-ïto : GoldenDisk et Hub pour LaCie.

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le projet. Mais, de par son expérience, l’entreprise sait plus ou moins à l’avance, selon ses attentes, à quelle porte frapper, même si cela devient de plus en plus difficile de trouver la perle rare. Et le mariage ne va pas tou-jours de soi. « C’est aussi une histoire relationnelle et une affaire de caractères. » Après cette phase de « recrutement » et d’adhésion au projet, le designer passe ensuite à la phase créative. « Un bon concept doit alors pouvoir se résumer en quelques traits de crayon, bien que la plupart des designers travaillent désormais sur informatique. Il arrive parfois qu’il y ait des collaborations avortées, à cette étape, mais c’est très rare, car nous parvenons généralement à dialoguer et à nous faire comprendre aisément des designers. » Après cette phase créative, qui reste sans doute la plus onéreuse, débute la modélisation en 3 D des pistes rete-nues. « Le monde du designer et celui de l’industrie se confrontent. Il faut alors faire les bons choix, et certains éléments devront parfois être remis en cause si la technique ne trouve pas de solutions. Je dirais que c’est la phase des compromis, mais dans le bon sens du terme. Le designer et l’ingénieur tentent, à partir des con-traintes, de trouver des solutions et de nouvelles idées. C’est une phase du processus assez longue, mais essentielle pour prendre dès le départ les bonnes pistes. » Vient ensuite la phase de développement ; c’est l’intégration industrielle du pro-duit. Mais qu’on ne s’y trompe pas, la mission du designer ne s’arrête pas là pour autant. « Il reste encore actif et peut être amené à corriger certains problè-mes. Le designer industriel est celui qui peut également trouver des solutions aux problèmes. C’est en cela que nous pouvons dire que le design peut contribuer à la réduction des coûts. Il s’agit encore de créativité, même si celle-ci n’est pas purement stylistique. Le bon designer industriel aime autant le style que trouver des solutions aux problèmes. On pourrait même dire que le designer industriel a de l’appétence pour les problèmes ; il aime gérer les contraintes et répondre à une problématique. » Enfin, le design est aussi une affaire de courage. Ce n’est pas une science exacte, loin s’en faut. L’industriel et le designer qui l’accompagne accep-tent de prendre des risques. « Celui qui n’ose pas est voué à l’échec, avertit Éric Vermelle. Et ce n’est généralement pas le leader qui tire en premier, car, lui, a de l’avance. Sur des marchés fortement concurrencés, la prime va à celui qui saura surprendre et anticiper. Faire appel au design, c’est aussi admettre que l’on peut se tromper, c’est prendre le risque de perdre quelques milliers d’euros. Mais sans risque, il n’y a pas de réussite. »

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