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Outils d’analyse : approche, méthode et source de données

1.3 Méthode d’analyse

Il est avéré qu’aucune recherche digne de ce nom ne peut être concluante que si elle se dote – en plus des outils théoriques, d’un arsenal méthodologique pouvant rendre compte infailliblement de la pertinence des outils conceptuels développés initialement sur le plan théorique. Cette recherche de l’approche méthodologique adéquate nous a d’emblée amené à considérer l’importance indéniable de la linguistique historique.

Dans le cadre de cette recherche, ceci semble être un pré-requis essentiel à toutes investigations exhaustives et profondes en synchronie, car elle donne une vision macroscopique des faits et réduit les coefficients d’erreur. La même approche macroscopique justifiera le recours à la contrastivité.

L’étude en synchronie étant microscopique par excellence, il a fallu mettre en œuvre un outil méthodologique qui soit à la fois macroscopique et microscopique ; bref un méta-outil. Avant d’examiner toute question d’ordre méthodologique, il convient de commencer par le paramètre de départ : la diachronie.

1.3.1 De l’importance de la diachronie comme vecteur d’éclairage synchronique

Sous l’appellation diachronie nous avons expressément choisi de subsumer l’approche historique et l’approche diachronique en linguistique ; bien que les deux formulations ne renvoient pas nécessairement à une seule et même démarche. Ce qui signifie dans l’acception qui est la nôtre, que nous entendons mettre en œuvre l’exploitation de toute donnée qui peut comme un fossile en linguistique archéologique être révélateur dans l’exploration de certains faits plus ou moins obscurs. Elle est donc une fenêtre ouverte sur la synchronie (cf. Kiparsky: 1968). Cette démarche suppose aussi la prise en compte – sur le plan diachronique, de l’existence d’une dialectique entre les faits purement linguistiques (intralangue) et les facteurs sociaux et historiques (interlangue). Les facteurs sociaux d’ordre historique (linguistique socio- historique) permettent d’analyser l’impact des situations de contact et de mettre en avant l’intérêt de la dimension créolistique du langage. D’où la mise en place de critères explicatifs multifactoriels dans l’analyse diachronique des faits de langue.

Ainsi, à la question de savoir si l’approche diachronique peut éclairer les faits synchroniques, nous répondrons par l’affirmative. Ce qui est l’avis de nombreux linguistes contemporains (notamment les énonciativistes !) qui n’hésitent plus à avoir recours aux faits de langue d’ordre historique pour étayer leurs investigations en synchronie11. Plus édifiant encore, les linguistes se réclamant des courants formels ont de plus en plus recours à la diachronie ; nous n’en voudrons pour preuve que ces

11 Ce point de vue contient sans doute la substance du discours tenu par Pierre Cotte (1999) lors de

l’ouverture du 4e séminaire de linguistique diachronique organisé par l’ALAES à l’université de Paris III

propos de Kroch (1989 : 199) dans lesquels la dernière phrase – que nous soulignons, met l’accent sur une importance avérée de l’étude historique :

In fact, since data, including negative evidence, are easily obtainable for living languages and since the number and diversity of living languages is so great, one might conclude that historical studies were of marginal significance for general linguistics. They would inform us about the pasts of cultures and give information on the genetic relationships and contacts among languages; but they would not be needed in the construction of a general theory of language. (…) In historical materials, we find a kind of information which is necessarily absent in synchronic data and which offers the prospect of an important contribution to general linguistics from history; that is, information about the time course of language change.

Vue sous cet angle, cette démarche initiale que se propose cette recherche (c’est-à-dire la prise en compte des considérations diachroniques !) ne constitue en rien une innovation ; au contraire, elle semble s’inscrire dans la mouvance actuelle des études linguistiques. Cependant, on notera qu’il ne s’agit pas d’une participation injustifiée à un schème de linguistic fashion mais l’évidence diachronique – dans l’analyse synchronique, viendra en justifier la méthode.

1.3.2 Perspectives synchroniques et contrastivité

Dans une perspective résolument néo-saussurienne, la méthode d’analyse que nous nous proposons de suivre dans la synchronie actuelle est directement inspirée de l’initiation méthodologique à l’explication grammaticale proposée par Delmas & alii (1992 : 42)12. Pour se persuader de la pertinence (voire la légitimité) de notre choix et saisir de façon

subséquente les outils conceptuels sous-jacents, il convient d’en faire un parcours schématique :

Les concepts fondamentaux sous-jacents à la démarche méthodologique proposée par Delmas (1992) s’appuient sur l’existence en matière de faits de langue de trois domaines d’opérations nécessaires à la constitution d’un énoncé. On distingue (a) le domaine des opérations infra- verbales, (b) le domaine des opérations de structuration linguistique et (c) le domaine des opérations pragmatiques. Présentés de façon sommaire13, en voici les paramètres de leurs représentations respectives :

D1 : Le Domaine des opérations infra-verbales : « perception »

dont le produit peut faire l’objet d’une intention de communication (ce qui dans une étape suivante est susceptible d’être traduit linguistiquement. L’énonciateur utilisera des unités symboliques verbalisables (mots, lexèmes, morphèmes grammaticaux, intonation, …)). Le plan des structurations infra-verbales s’en tient seulement à l’étape qui précède la traduction en mots :

perception visuelle, auditive, catégorisation, prise en compte des relations spatiales ou localisantes, des repérages d’un « objet » ; les relais gestuels ou graphiques sont importants dans la mesure où ils « structurent » une représentation extralinguistique.

D2 : Le Domaine des opérations de structuration linguistique :

domaine symbolique (linguistique) ou domaine du linéaire pose deux problèmes :

- la gestion dans le linéaire des grandes catégories lexicales ou mots renvoyant aux « choses » ou aux « événements ». Plus leur

13 Pour toute investigation approfondie de ces paramètres, il serait indispensable de consulter Delmas.

1992. Faits de langues, faits de discours en anglais. Initiation méthodologique à l’explication

poids sémantique est grand, plus leur poids grammatical est faible. Ils consistent en : une « étiquette » (Sa) qui peut être phonétique ou graphématique ; une combinaison d’attributs essentiels (Se) ; et éventuellement des attributs secondaires ; des exemples qui illustrent ce à quoi l’étiquette et les attributs renvoient dans le monde perçu ou conçu en D1.

- la gestion d’autres mots, structuraux, donc hiérarchisant, liés à la prise en compte de la « texture » du linéaire linguistique : d’où des problèmes de commentaire sur les mots et les relations entre ces mots, des degrés de soudure, de compatibilité et d’harmonie entre les mots. Ils concernent la « texture linéaire » des énoncés et peuvent avoir deux fonctions : (a) ils « figurent » des « relations », (b) ils font un commentaire sur la structuration des autres mots.

fonction métalinguistique (naturelle) [META = à côté, après] : ce sont des mots qui se trouvent à côté d’autres mots pour mieux les commenter. Les opérations peuvent être de phase 1 ou 2.

D3 : Le Domaine des opérations pragmatiques : la pragmatique

est ce domaine qui relève de tout ce que l’énonciateur fait faire ou essaye de faire faire à son destinataire qui peut devenir co-énonciateur. A travers d’outils grammaticaux ou métaopérateurs, l’énonciateur peut faire appel au destinataire ou signaler sa coopération ; dans ce dernier cas, l’acquis entraîne l’emploi des outils de phase 2.

Les caractéristiques fondamentales de chacun de ces domaines pouvant être schématisées de la façon suivante :

D1 ∆ NOTION ∆

D2 NOTION + STATUT: PHASE 1 / NOTION + STATUT: PHASE 2

Sur la base de ces paramètres de conceptualisation d’ordre énonciatif, la méthodologie proposée par Delmas (1992 : 44) met en place un itinéraire explicatif qui s’articule autour de six points que sont :