• Aucun résultat trouvé

Parcours théorique : l’origine périphrastique de DO en question

6. In the 15 th century periphrastic do became generally accepted in prose later in the East than elsewhere Causative do remained longest in

2.4 Approches sociolinguistiques

Ce que les approches sociolinguistiques ont en commun c’est la prise en compte de la possibilité que l’émergence de DOPER peut – en plus

des considérations d’ordre linguistique, être attribuable à un ensemble de phénomènes d’ordre social, géographique, culturel ou même politique. Cependant, il convient de signaler que les hypothèses s’inscrivent dans des orientations différentes selon qu’elles accordent de l’importance à un type de phénomène sociolinguistique spécifique ou à un autre.

2.4.1 L’hypothèse germanique

En partant d’un point de vue similaire à celui qui a été développé plus haut par R. Haussmann (cf. § 2.3), Ingrid Tieken-Boon van Ostade (1988) confirme que l’emploi périphrastique de DO remonte au germanique-commun. En démontrant l’existence d’un DO substitutif dans le germanique-commun, l’hypothèse de Tieken subsume le point de vue selon lequel cette périphrase existait dans toutes les langues du groupe germanique. Cette hypothèse va l’amener à admettre contre toute évidence – et malgré l’existence de données empiriques, que l’emploi causatif de DO est issu de son emploi périphrastique.

S’il est évident que l’emploi substitutif de DO constitue une des propriétés NICE (le ‘code’ !) qui distinguent en anglais contemporain des opérateurs syntaxiques dans la classe des auxiliaires, cela ne peut être vrai pour le vieil-anglais où DO n’avait même pas encore un véritable statut d’auxiliaire.

En observant l’emploi périphrastique de DOEN dans les dialectes néerlandais, I. Tieken-Boon défend son hypothèse en appliquant tout simplement ses conclusions au système de l’anglais ; mais ce qu’elle omet de mentionner c’est que l’emploi de l’auxiliaire DOEN en néerlandais dialectal (cf. Devos & Taeldeman (1986) pour la dimension historique) coïncide très souvent avec la topicalisation du verbe lexical ou avec la mise en place d’une structuration présupposante. De plus, avec la simplification du marquage temporel, l’infinitif néerlandais a un plus grand potentiel nominal car l’adjonction d’un article défini lui permet de basculer dans la classe des nominaux.

Pour mener à terme la validation de son hypothèse, I. Tieken-Boon va aussi s’appuyer sur le langage de son jeune fils qui emploie généralement DOEN dans des structures périphrastiques. Cependant, il est avéré (cf. Denison : 1993) que l’emploi de l’auxiliaire DOEN par les jeunes Hollandais a le plus souvent une coloration emphatique et peut dès lors être réduit à la structuration impérative.

Pour finir, l’argument de I. Tieken-Boon ne peut que donner lieu à un ensemble de conjectures lorsqu’elle met en avant le non moins célèbre emploi périphrastique de DO dans les Canterbury Tales de G. Chaucer.

(16) His yonge sone, that thre yeer was of age, | Unto hym seyde, ‘fader why His young son that three year was of age to him said ‘father why

do ye wepe? | Whanne wol the gayler bryngen our potage? | Is ther no

do you weep? When will the gaoler bring our soup Is there no

morsel breed that ye do kepe?’ (Chaucer: [v.1386]: The Monk’s Tale, 442) morsel bread that you do keep

‘His young son, three years of age, said to him, “Father, why are you weeping? When will the gaoler bring our soup? Isn’t there a little bit of bread left that you are keeping?”’

Selon I. Tieken-Boon, cet emploi périphrastique que G. Chaucer place sur les lèvres du jeune enfant n’est pas innocent. Car son emploi était une trace de l’héritage germanique, surgissant lors du processus d’acquisition du langage. Cependant, Ellegård (1953 : 21-22) pense que c’est pour les besoins de la métrique (notamment la rime !) que G. Chaucer a fait appel à cette construction jugée peu recherchée. Que l’une ou l’autre positions soient défendables, nous dirons à la suite du développement fait

plus bas (cf. l’approche créolo-syncrétique) que Chaucer n’a fait qu’utiliser une structuration qui bien que peu recherchée, existait déjà dans le substrat basilectal du moyen-anglais.

2.4.2 L’hypothèse acquisitionniste

En observant la portée des structurations faisant appel à DO, Ossi Ihalainen (1982) suggère que le principe de généralisation (découlant de l’apprentissage), même dans les phrases affirmatives pourrait être à l’origine de l’emploi périphrastique de DO. Une telle généralisation ayant pour but de donner de la transparence à la dérivation interrogative. O. Ihalainen s’appuie sur l’observation des généralisations du type went

did go chez les jeunes enfants et les apprenants de l’anglais comme langue seconde. Ce constat va l’amener à établir cinq facteurs qui, selon lui, favoriseraient l’émergence de l’emploi périphrastique de DO :

(A) Availability of syntactic pattern

(B) A need to integrate a lot of foreign lexical material

(C) A need of communication simplification (pidginisation)

(D) Existence of a learning problem

(E) A cross-linguistic tendency for VO languages to have prefixes rather than suffixes, hence perhaps favouring pre-position of tense marking

Etant donné que toute innovation syntaxique ex-nihilo est rarissime, voire inexistante, le point (A) est tout à fait évident. L’évidence veut aussi que l’on admette la pertinence partielle du point (E) par rapport aux verbes (faibles ?) du vieil-anglais et les adverbes de phrase en anglais

contemporain. Le point (D) a déjà été analysé supra par I. Tieken-Boon. On peut néanmoins ajouter à la suite de Denison (1993 : 285) qu’en anglais contemporain aussi, les jeunes enfants ont tendance à généraliser l’emploi de DO à cause de sa forte fréquence dans le langage des adultes. Les enfants peuvent donc produire les phrases du type : Did you be quiet ? I didn’t be naughty. Cependant, étant donné que DO n’avait aucun statut d’auxiliaire en vieil-anglais (en plus du fait que les études menées par Lightfoot (1979) ont démontré que l’existence même de la catégorie des auxiliaires (modaux ou non) était douteuse), il ne pourrait pas y avoir eu de facto un problème d’apprentissage ou d’acquisition. Quant aux point (B) et (C), bien que O. Ihalainen doute de leur viabilité, ils constituent un des points centraux de l’hypothèse créolo-syncrétique (vide infra) ; car pour ce qui est de la pidginisation, il est évident que le continuum anglais ait été au contact avec d’autres systèmes de langue ; notamment le latin, le français, les langues scandinaves, celtiques, … etc.

2.4.3 L’hypothèse celtique

Centrée sur les langues en contact et l’influence des langues celtiques (gallois, cornais), l’hypothèse celtique est principalement défendue par Preusler (1956) et Poussa (1990).

Selon Walther Preusler (1956 : 334-6), DOPER a été « calqué » sur la

périphrase GWNEUTHUR → DO + Nom verbal en vieux gallois commun43. L’argument de Preusler repose sur la survivance de l’emploi non marqué de

43 Cette périphrase a trois sens en gallois moderne : (a) futur ou volition, (b) emphase, (c) élément plus

DOPER dans les dialectes anglais du sud-ouest44. Pour la même raison,

Preusler attribue la fréquence de TUN périphrastique (dans les dialectes allemands du sud) à l’influence celtique.

Sur la base des critères plutôt empiriques, W. Preusler va aussi attribuer la morphologie de DO à l’influence celtique. Car les périphrases verbales en gallois (y compris celles avec le verbe BOT → be) contiennent un élément -d lorsqu’elles sont (a) au parfait et ont la forme négative ou interrogative, (b) à l’imparfait et ont la forme négative et/ou +/- interrogative). W. Preusler pense que cet élément – d a été ressenti comme un marqueur de l’interrogative et de la négation par les « angliens ». Cependant W. Preusler passe sous silence l’absence de cet élément – d en anglais écossais et en gaélique alors qu’il est supposé présent dans le substrat celtique. Tout semble dès lors reposer sur une question de contingence insaisissable. Par ailleurs, une étude de Visser (1963) montre déjà que l’emploi périphrastique de DO remonte à plusieurs siècles après la période des contacts supposés entre les anglais et les celtes. Il y a donc un vide qu’il est nécessaire de combler pour la viabilité de l’hypothèse.

Venant au secours de l’approche de W. Preusler, Patricia Poussa (1990) apporte plus de convergence en procédant initialement à une recherche des emprunts celtes dans le continuum anglais. Elle va ensuite soutenir que l’emploi périphrastique de DO a commencé dans l’Ouest et entrait dans un usage informel de la langue. Cela résultant du principe de la simplification qui émerge à la suite du contact avec les parlers celtes. En

44 Les isoglosses que nous utiliserons dans cette recherche sont celles du XIIIe siècles qui permettent de

découper les régions dialectales de la façon suivante:

- Nord-Ouest : Cheshire, S.Lancs, N. Derby et N. Staffs

- Centre : Berks, Bucks, W. Northants, Oxford, Warwick, W. Leicester, S. Derby et SE. Staffs.

- Est (Sud-Est : Kent, Surrey, Sussex et E. Hants) les autres comtés de l’est au sud du Humber.

- Ouest (W. Midland et Sud-Ouest séparés d’Ouest en Est par le Serven estuary) : L’Irlande et

tous les comtés à l’ouest de ceux mentionnés plus haut. - Nord : l’Ecosse et le reste de l’Angleterre.

s’appuyant sur le principe selon lequel les langues issues d’une situation de contact font généralement usage des périphrases verbales, P. Poussa pense que l’emploi de DON est issu du système aspecto-temporel celtique45. L’emploi périphrastique de DO aurait donc eu un sens habituel à l’origine ; sens que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les dialectes du sud-ouest (cf. Ihalainen (1976)).

Cependant, la présentation faite par P. Poussa pèche par manque de clarté quant à l’apparition tardive de l’emploi périphrastique. Elle pense en réponse à cette préoccupation, que l’emploi périphrastique était une variation non formelle et n’apparaissait pas par conséquent dans les textes littéraires. Ce qui est vrai en termes sociolinguistiques ; mais ne peut être tenu pour seul responsable d’une telle apparition tardive qui se fait d’ailleurs d’abord en poésie (formelle par excellence !). Ce qu’elle n’explique pas non plus. La réponse à cette dernière question est à rechercher entre autre, du côté de l’état de langue ultérieur issu du contact avec le vieux français et du principe de la rémanence basilectale (cf. hypothèse créolo-syncrétique).

45 Old Welsh had three compound verb forms made up of forms of BOT ‘be’ + verbal noun which could

have durative meanings ; also a synthetic verb form with durative or futural meaning ; also a non-durative compound form made up of GWNEUTHUR ‘do’ + verbal noun (résumé des conclusions de Wagner : 1959).

2.5 Conclusion

Après avoir fait un parcours théorique aussi exhaustif que possible sur l’origine périphrastique de DO (cf. Denison (1993)), on peut retenir une certaine convergence explicative – au delà de la divergence méthodologique.

Sur le plan structural, si les hypothèses emphatiques et anticipatives paraissent peu viables, les hypothèses causatives et perfectives ont le plus souvent reçu une certaine considération méthodologique. Si l’hypothèse causative telle qu’elle est défendue par Ellegård (1953) se fonde sur le concept – peu ou prou défendable, de la permutation pour expliquer le passage de la causation à la périphrase, l’hypothèse perfective est quant à elle appuyée sur l’hypothétique fréquence de la structure DO + INFINITIF en moyen-anglais. Laquelle structure étant supposée avoir connu une interprétation perfective.

Sur le plan syntaxique, on a pu noter que bien que les propositions de Hausmann (1974), Lernez (1982), et Warner (1990 & 1992) soient peu défendables, la proposition de Kroch (1989), – reprise de Robert (1985), quant à elle garde une certaine pertinence en attribuant la cause de l’émergence périphrastique de DO à la disparition de la règle de la montée du verbe lexical au nœud INFL (Rule of V(erb)-to-I(NFL) raising).

Axé sur les principes fondamentaux de la créolistique, le plan sociolinguistique a permis de situer la cause de l’émergence périphrastique (a) soit au niveau de sa parenté germanique (Tieken-Boon (1988)), (b) soit au niveau du contact avec les langues celtiques (Preusler (1956) & Poussa (1990)), (c) soit au niveau de la pidginisation et l’inférence acquisitionniste (Ihalainen (1982)).

Ainsi, si chaque hypothèse prise individuellement se veut indéniablement pertinente à plus d’un titre, il nous a été donné – à chaque fois, de mettre l’accent sur les limites de chacune des approches. Leurs limitations étant généralement liées au manque d’intégration de facteurs connexes (interne ou externes) au développement du continuum, on a pu se faire l’idée que les approches sociolinguistiques et structurales étaient complémentaires, mais restaient limitatives. C’est dans ce sillage que nous proposons de prendre en compte l’inférence glossogénétique dans le développement périphrastique de DO.

3