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Métabolisme secondaire chez Streptomyces ambofaciens 1 Présentation de Streptomyces ambofaciens

Streptomyces ambofaciens ATCC23877 est une souche bactérienne isolée dans les sols de Péronne (dans la Somme) au début des années 1950 (Pinnert-Sindico, 1954). Comme la plupart des espèces de Streptomyces, S. ambofaciens possède un chromosome linéaire de grande taille (8,3 Mb) ainsi que deux plasmides nommés pSAM1 et pSAM2 (Pernodet et al., 1984 ; Leblond et al., 1990). Il s’agit d’une souche initialement utilisée industriellement pour la production de l’antibiotique spiramycine. En 1952 il a été montré que cette souche pouvait produire un deuxième antibiotique, la congocidine, trop toxique pour un usage médical. Outre la production d’antibiotiques, S. ambofaciens constitue un excellent modèle pour l’étude de l’instabilité génétique. Il a notamment été montré que cette souche pouvait perdre jusqu’à 2 Mb de génome dans les régions terminales (Leblond et al., 1991).

En collaboration avec le Génoscope (Evry, France) et le laboratoire de Pierre Leblond (Université de Lorraine, France), notre laboratoire a entrepris de séquencer le génome de S. ambofaciens ATCC23877. Cette analyse a permis de montrer que cette souche est très proche de S. coelicolor A3(2), avec seulement 1,1% de divergence au niveau de la séquence de l’ARN 16S (Choulet et al., 2006). Il existe, de plus, un haut niveau de synténie entre les deux espèces, exception faite de deux événements d’inversion autour de l’origine de réplication. La recherche, par « genome mining », de gènes du métabolisme secondaire a également permis d’identifier environ 25 clusters (putatifs ou non) de gènes du métabolisme secondaire. L’étude de ces différents clusters a permis d’identifier de nombreux métabolites secondaires dont deux antibiotiques : la kinamycine (déjà connue mais dont la production n’a jamais été observée chez S. ambofaciens (Pang et al., 2004)) et les stambomycines (nouveaux antibiotiques) (Laureti et al., 2011).

4.2. Métabolites secondaires connus chez S. ambofaciens

4.2.1. La spiramycine

Première molécule aux propriétés antibactériennes isolée chez S. ambofaciens ATCC23877 (Albouy et al., 1955), la spiramycine est utilisée en médecine comme antibiotique et possède également des propriétés antiparasitaires contre plusieurs espèces de

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Toxoplasma (Chew et al., 2012). La spiramycine est un macrolide dont le macrocycle est constitué de 16 atomes. Sur ce cycle sont greffés trois sucres : le mycaminose, la forosamine et le mycarose.

Le cluster de gènes de biosynthèse de la spiramycine (srm) comprend 41 gènes regroupés dans une région de 84 kb (Figure 31) (Karray et al., 2007). Parmi ces gènes, 36 sont directement impliqués dans la biosynthèse de la spiramycine, tandis que deux sont impliqués dans la régulation et trois dans le mécanisme de résistance. La spiramycine est assemblée par cinq enzymes de type PKS (codées par les gènes srm8 à srm12) qui comptent, en tout, 8 modules et 36 domaines. Après assemblage du squelette polycétide, plusieurs modifications sont effectuées sur la molécule. Ces modifications comprennent une oxydation, une réduction et l’ajout des trois sucres mycaminose, forosamine et mycarose, dont les gènes de biosynthèse font partie du cluster srm. La régulation de la voie de biosynthèse de la spiramycine est assurée par le gène srm22, un activateur transcriptionnel qui permet l’expression de srm40, second activateur transcriptionnel (de type TylR), qui permet l’expression de quasiment tous les gènes du cluster srm (Karray et al., 2010).

Figure 31 : A) Cluster de gènes de biosynthèse de la spiramycine. B) Structure de la spiramycine (adapté de Aigle et al., 2013)

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4.2.2. La congocidine

La congocidine est un antibiotique de la famille des pyrrolamides, une classe de molécules caractérisées par la présence d’un ou plusieurs groupements pyrrole-2- carboxamide. Ces molécules sont capables de se fixer de façon non covalente (pour la plupart) au petit sillon de l’hélice d’ADN et ce avec une certaine spécificité de séquence (au moins 4 bases A/T) (Kopka et al., 1985). Cela leur confère par conséquent des propriétés antibiotiques, antivirales et anticancéreuses, mais les rend trop toxiques pour un usage médical.

Les gènes de biosynthèse de la congocidine (cgc) ont pu être identifiés en 2009. Il s’agit du premier cluster de biosynthèse identifié pour les pyrrolamides (Figure 32) (Juguet et al., 2009). Ce cluster est situé dans un ilot génomique détectable par comparaison des génomes de S. ambofaciens et S. coelicolor (rupture de synténie au niveau du cluster cgc). Le cluster est constitué de 22 gènes (cgc1 à cgc22), comprenant 19 gènes de biosynthèse des précurseurs et d’assemblage, 1 gène de régulation et 2 gènes de résistance. La congocidine est assemblée par un système atypique de NRPS. Cinq gènes sont impliqués dans cet assemblage : un module Cgc18, deux domaines de condensation Cgc2 et Cgc16, un domaine PCP Cgc19, et une acyl-CoA synthetase Cgc22. L’assemblage de la congocidine requiert trois types de précurseurs : le guanidinoacétate, le 3-aminopropionamidine et le 4- acetamidopyrrole-2-carboxylate. Tous les gènes nécessaires à la synthèse de ces trois précurseurs sont situés dans le cluster cgc.

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4.2.3. Les kinamycines

Les kinamycines sont des antibiotiques appartenant à la famille des angucyclinones, des polycétides de type II. Ces molécules ont été découvertes chez S. murayamaensis (Gould et al., 1998). Le cluster de gènes de biosynthèse des kinamycines, alp (initialement appelé « angucyclinone-like polyketide »), a pu être identifié par « genome mining » chez S. ambofaciens ATCC23877. Chez cette espèce, le cluster a également pu être relié à la production d’un pigment orange diffusible. Ce pigment est considéré comme pouvant être un produit de modification ou de dégradation des kinamycines.

Le cluster est constitué de 27 ORFs réparties sur 30 kb situés dans les TIR (Figure 33), ce qui implique la présence de deux copies du cluster alp. Seuls 5 gènes sont impliqués dans l’assemblage du squelette PKS (alpR/Q/A/B/C), la majorité des autres gènes étant impliqués dans des modifications post-PKS. Le cluster alp a la particularité de posséder 5 gènes de régulation (alpT/U/V/W/Z) qui organisent un système de régulation complexe du système d’expression. AlpW, un pseudo GABR (γ-butyrolactone receptor), s’accumule durant la phase de production d’antibiotique et agit comme répresseur de alpV (SARP), un activateur de la transcription des gènes structuraux (Aigle et al., 2005). De ce fait la production de kinamycines se fait durant une période très limitée du temps de culture.

Figure 33 : A) Cluster de biosynthèse des kinamycines. B) Structures des kinamycines C et D identifiées chez