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Chapitre 3. Revue de la littérature

3.6. Fonctions du fer sur les métabolismes des eicosanoïdes et des lipides

3.6.2. Métabolisme des lipides

3.6.2.1. Notions générales

Le complexe multienzymatique ∆9-désaturase catalyse la désaturation de l’acide stéarique, C18:0 en acide oléique, C18:1 (312-314). Il ne contient pas seulement le cofacteur enzymatique (cytochrome B5,

Cyt.B5) potentialisant l’activité de l’enzyme, mais possède également une désaturase terminale,

protéine ferrique sans hème (312-314). Ainsi, chaque complexe enzymatique désaturase contient 2 atomes de fer.

Ce dernier est également requis pour la synthèse des acides gras polyinsaturés (AGPI) (319). La ∆6-désaturase métabolise les acides α-linolénique (Aα-LN, C18:3 n-3) et linoléique (AL, C18:2 n-6). Ces 2 acides gras (AG) essentiels chez l’homme, entrent en compétition avec l’enzyme (Cf. Figure 1) dont l’activité de conversion en AG à longue chaîne et plus insaturés (AA, acide

arachidonique; AEP, acide eicosapentaenoïque; ADH, acide docosahexaenoïque) semblerait altérée chez le rat déficient en fer (54,55). Le fer, via le cytochrome B5 (Cf. Figure 14), agit également comme

cofacteur de la réaction enzymatique (50-53).

Figure 14 : représentation d’un coenzyme cytochrome B5 (Cyt.B5), composé d’une

porphyrine complexée à un atome de fer. Ce dernier confère au Cyt ses propriétés oxydoréductrices.

De même, la carnitine est nécessaire pour le transport des acides gras à longue chaîne vers la mitochondrie, lieu de la β-oxydation (voie énergétique de dégradation des acides gras). Sa synthèse implique notamment 2 hydroxylases requérant du fer ferreux (Fe2+) (320,321). Des niveaux de carnitine

hépatiques diminués ont été observés chez des petits anémiques issus de rates déficientes en fer (diète : 6 ppm de fer) durant la gestation et la lactation (322), associés à une élévation des triglycérides (8× les valeurs des animaux témoins).

3.6.2.2. Lipides et déficience en fer

 Acides gras et phospholipides plasmatiques et érythrocytaires :

Sur des modèles animaux (rats), l’étude de Tichelaar et al. (55) a mis en évidence qu’une déficience en fer postnatale sévère (Hb : 86 ± 8 g/L) de 4 semaines (diète sans fer) induite chez de jeunes rats mâles après leur sevrage (JPN 21), provoquait une élévation des acides stéarique (C18:0), γ-linolénique (AGL, C18:3 n-6), dihomo-γ-linolénique (ADHGL, C20:3 n-6) et une augmentation de l’acide linoléique (AL, C18:2 n-6) au sein des phospholipides plasmatiques. Parallèlement, les acides α-LN et ADH étaient majorés par rapport au groupe de rats du groupe témoin. Au niveau érythrocytaire, l’acide palmitique (C16:0) et l’Aα-LN étaient diminués, et l’AL et l’acide docosatetrænoïque (ADT, C22:4 n-6) augmentés dans la fraction phosphatidyléthanolamine (PE) ; dans la fraction phosphatidylinositol (PI, située dans la partie interne de la membrane), l’acide oléique (AO, C18:0) ainsi que l’Aα-LN étaient également diminués, associés à une élévation significative de l’AA. Les auteurs n’évoquent pas la possibilité d’une altération de l’activité de la ∆6-désaturase chez les animaux déficients au vu des élévations plasmatiques de l’AGL et ADHGL plasmatique. Parallèlement, l’élévation de l’AA suggère

que l’apparent déficit du métabolisme de l’AL n’a pas altéré le métabolisme des membranes. Enfin, ils concluent que, chez le rat sévèrement anémique, les érythrocytes utiliseraient un phénomène

compensatoire en modifiant le contenu en n-3 et n-6 des membranes afin d’en maintenir l’intégrité. Dans cette précédente étude, Tichelaar et al. (55) précisent que ces résultats observés chez le rat ne seraient pas extrapolables chez l’humain. Son implication dans l’étude de Smuts et al. (323) a effectivement confirmé que chez de jeunes enfants (6-11 ans) déficients en fer (Hb : 12,4 ± 1,1 g/L ; ferritine : 8,2 ± 5,4 μg/L ; saturation de la Tf : 10,6 ± 6,8 %), la proportion en AGS des érythrocytes était augmentée (PE), alors que la plupart des AGPI n-3 étaient significativement réduits (dans le PC : AEP, ADP, ADH réduits ; dans la fraction PE : Aα-LN, AEP, ADH réduits). Après 15 semaines de supplémentation en fer (20 mg + 100 mg vit. C / jour), et une normalisation du statut hématologique des enfants déficients (ferritine toutefois encore inférieure aux enfants du groupe témoin), l’incorporation des AGPI n-3 dans les érythrocytes a induit un retour des valeurs de l’ensemble des AG érythrocytaires

des fractions PC et PE (parmi lesquels l’ADH) à des valeurs semblables à celles du groupe témoin, et ceci malgré une diminution des niveaux plasmatiques et des apports diététiques en AGPI n-3.

Des altérations du métabolisme des lipides semblent également établies pour d’autres études qui, chez le rat modérément déficient en fer durant 3 mois (diète : 12 mg fer / kg), révéleront une diminution de l’AA et une élévation de l’AL and ADHGL dans le plasma, ainsi qu’un taux plus élevé d’AL uniquement dans les érythrocytes. Au niveau de ces derniers, les principaux effets de la déficience en fer touchent les phospholipides et le cholestérol, augmentés dans les deux cas (56). Selon les auteurs, une diminution de l’activité de la ∆6-désaturase ou de la Lécithine Cholestérol Acyl Transférase (LCAT) (324) pourrait justifier ces résultats. L’implication de cette dernière enzyme a été également évoquée chez le jeune cochon d’Inde (JPN 9) modérément déficient en fer (diète : 12 mg fer / kg) durant la gestation et la lactation. L’acide érucique (C22:1) était élevé au niveau érythrocytaire, et les AGPI totaux et l’AL (C18:2 n-6) diminués (49). Après instauration d’une réplétion en fer au moment du sevrage (diète : 145 mg fer / kg), l’ensemble des AGS, AGMI et AGPI étaient revenus à des valeurs normales ; seuls l’acide vaccénique (C18:1 n-7) et l’ADHGL étaient significativement diminués chez les animaux anciennement déficients en fer (JPN 42) (48).

 Acides gras hépatiques :

Au sein des deux dernières études précédemment citées (48,49), les niveaux diminués en AGMI et élevés en AGPI n-3 totaux, ADP et ADH ont également reflété une modification du profil hépatique des AG (49). Après presque 5 semaines de réplétion, ces mêmes animaux présentaient une concentration totale en AG et une proportion en acide palmitique (C16:0) plus basse que celle du groupe témoin, ainsi que des acides eicosanoïque (AE, C20:1 n-9) et eicosadiénoïque (AED, C20:2 n-6) significativement plus élevés. Les AGS, AGMI et AGPI, AG n-6 et n-3 ne différaient pas (48). À différents degrés de déficiences en fer et d’anémies (diète : 9, 13 et 18 mg fer / kg, pendant 5 semaines), de jeunes rats sevrés présentaient également une dépression dans la proportion en AGS (C16:0) et AGMI totaux et C18:1 n-9, ainsi qu’une proportion élevée en acide stéarique (C18:0), AL et au sein des AGPI n-3 ; ces différences s’estompent avec le moindre degré de déficience (325). De semblables résultats (AL augmentés) seront également déterminés par d’autres chercheurs sur de jeunes rats sevrés, nourris avec une diète déficiente en fer (5,6 g / kg, 42 jours) (326). D’autres chercheurs montreront une diminution de l’AA couplé à une élévation de l’AL et de l’acide palmitoléique (C16:1 n-7) hépatique chez de jeunes rats, déficients en fer en période postnatale (327).

 Acides gras cérébraux :

Au niveau du cerveau, de nombreuses études ont également mis en évidence de fortes variations parmi les AG. Une déficience en fer prénatale (diète : 12 mg fer / kg) a ainsi eu pour incidence un remodelage des composants lipidiques chez de jeunes cochons d’Inde anémiques (JPN 9), caractérisé par une diminution du pourcentage en AGS (16:0, 18:0), une élévation significative du 20:1 n-7 (PC) et des AGPI n-3 totaux (PC, PE) , ADP et ADH (49). Après réplétion des petits anémiques (JPN42 ; diètes : 145 mg fer / kg), leurs proportions en AGPI totaux, ADHGL, AED étaient élevées, ainsi que les niveaux d’AGPI n-3 totaux, ADP et ADH (48). Une autre étude déterminera que de jeunes rats ayant eu un développement influencé par une déficience en fer prénatale sévère (diète : 8,1 ppm de fer) avaient une conversion de l’acide lignocérique (ALC, C24:0) en acide nervonique (AN, C24:1 n-9) diminuée et qu’une réplétion en fer (74,5 ppm de fer, 2 semaines) au moment du sevrage (JPN 21) permettait de rétablir cette étape métabolique (328). À la même époque, le même groupe de recherche établira un protocole semblable chez des rats adultes initialement anémiques durant la gestation, couplé à des mesures histologiques, et révélera un moindre développement de la myéline (JPN 11 et 17), à l’inverse du groupe au statut hématologique normalisé après une réplétion en fer (36). Enfin, l’étude de Kwik- Uribe et al. (41) illustrera de profonds changements dans la composition de la myéline chez la descendance issue de souris nourries avec une diète modérément déficiente en fer (14 mg / kg diète) durant la gestation et la lactation, dont le statut hématologique était rétabli au JPN 75. Ainsi, les petits n’ayant pas reçu de diète témoin (75 mg fer / kg) au moment du sevrage présentaient une diminution de l’AA (C20:4 n-6), de l’acide adrénique (AAD, C22:4 n-6), de l’ADH (C22:6 n-3), l’AO (C18:1 n-9) et des AGPI totaux ; les AGS totaux étaient significativement plus élevés. Parallèlement, et en dépit de l’attribution de la diète témoin (8 semaines) à l’autre groupe de petits issus de mères déficientes, les proportions en AGPI n-6 et AGS restaient altérées et les AGMI totaux significativement diminués. Les auteurs concluent qu’une altération de l’activité des enzymes ∆6- et/ou ∆9-désaturase (seule cette dernière ayant été potentiellement affectée par la déficience en fer, au niveau hépatique) serait peu envisageable. Des altérations de la synthèse des lipoprotéines sériques et/ou d’enzymes spécifiques pourraient expliquer un manque de disponibilité en AG durant le développement post-embryonnaire.

3.7. Autre considération nutritionnelle : les acides gras