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Chapitre 3. Revue de la littérature

3.1. Épidémiologie et facteurs de risque liés à la déficience en fer

3.1.1. Définitions de la déficience en fer et de l’anémie

Le fer est un minéral déterminant dans de nombreuses fonctions biologiques qui seront abordées dans les chapitres ultérieurs, mais il est principalement requis pour la formation de l’hémoglobine (Hb). Des apports inadéquats en fer dans l’alimentation induisent la déficience en fer. L’anémie est une condition pathologique due à une diminution du nombre de globules rouges circulants, dont la cause principale est la déficience en fer ; elle se caractérise par une diminution de l’Hb sanguine, dont elle est la manifestation clinique principale. Une insuffisance d’apport en fer durant les phases de développement et/ou de croissance résulte en une déficience en fer, et potentiellement en une anémie lorsque la déficience est majeure.

La déficience en fer est donc une condition progressive, s’initiant avec un statut en fer normal, évoluant

vers un statut subnormal, puis en voie d’épuisement du fait de faibles apports diététiques, d’une absorption inadéquate ou de pertes majeures. Avec la progressive sévérité du manque de fer, la synthèse des protéines requérant ce dernier est altérée (telle l’Hb), et lorsque les concentrations en Hb passent sous les valeurs normales, la déficience en fer a atteint le stade de l’anémie (104). Concernant cette dernière, les valeurs d’Hb de référence varient selon l’âge, le sexe et l’état physiologique (105). Elle sont établies à 120 g/L pour la femme adulte, et 110 g/L pour la femme enceinte (105). Selon les références (106-116), les différents stades progressifs de la déficience en fer chez une femme adulte pourraient être résumés comme au Tableau 1 (Cf. page suivante).

3.1.2. Épidémiologie et prévalence

L’anémie par déficience en fer est une préoccupation de santé majeure, considérée comme étant le plus commun et répandu des troubles alimentaires à l’échelle mondiale (1,6), avec 1 à 2 milliards de personnes affectées (2). Le nombre d’individus affectés par la déficience en fer pourrait être estimé à près de 5 milliards, soit 70 % de la population mondiale (117). Selon l’OMS, 800 000 morts pourraient être attribuées à la déficience en fer et à la vitamine A chaque année (118,119).

Tableau 1 : différents stades progressifs de la déficience en fer chez une femme adulte.

Abréviations : E = élevés ; Hb = hémoglobine ; Hct = hématocrite ; N = normaux ; rTf = récepteur de la transferrine ; Tf = Transferrine. Adapté selon les références (106-116).

Hématologie

normale Débalancement en fer précoce

Stade 1 Déficience en fer (épuisement des réserves) Stade 2 Déficience en fer modérée à sévère Stade 3 Déficience en fer sévère anémie Ferritine plasmatique μg/L 100 ± 60 < 30 15 < ... < 24 15 < ... < 24 < 12 Fer plasmatique μg/L 115 ± 50 < 120 115 < 60 < 40 Saturation Tf % 35 ± 15 30 30 < 15 < 15 Capacité liaison fer-Tf μg/dL 330 ± 30 330 - 360 360 390 410 Proto porphyrine érythrocytaire μg/dL 30 30 30 100 200 Hb g/L ≥ 120 ≥ 120 ≥ 120 ± 110 < 110 Hct % ≥ 37 ≥ 37 ≥ 37 < 37 < 37 rTf sérique N N à E E E + E +

Érythrocytes N N N N hypochromiquesMicrocytaires

Beaucoup des individus affectés sont des femmes, enfants et nourrissons (38). À l’échelon global, la prévalence de l’anémie parmi les enfants et femmes en âge de procréer, dans différentes parties du monde, indique que plus de 50 % des femmes enceintes et jeunes enfants sont anémiques (6). On rapporte ainsi, en Asie du Sud-Est, dans la région des îles du Pacifique Ouest et en Afrique, respectivement 76 %, 55 % et 50 % de cas d’anémie chez ces 2 cibles de la population. En Inde, la prévalence de l’anémie oscille entre 60 et 90 % selon les groupes d’âge (120), avec notamment 79 % des enfants (moins de 3 ans, Hb < 120 g/L), 59 % des femmes enceintes (Hb < 110 g/L) et 56 % des femmes en âge de procréer (Hb < 110 g/L) affectés (121).

La magnitude du problème est particulièrement importante dans les pays émergeants, mais elle n’en demeure pas moins tout aussi grave dans les pays industrialisés où, de manière plus surprenante encore, 18 % des femmes enceintes sont diagnostiquées anémiques (7,122,123). L'anémie ferriprive liée à la grossesse n'est donc pas uniquement un problème associé au statut économique de pays pauvres. Ainsi, aux États-Unis, les données obtenues du « National Health and Nutrition Examination Survey » révèlent que la prévalence de la déficience en fer est de 12 % chez les femmes entre 20 et 49 ans. Plus précisément, cette prévalence est variable d’une communauté à l’autre, où les caucasiens, afro-américains et hispano-américains présentent respectivement 10 %, 19 % et 22 % de cas de déficience en fer ; variabilité expliquée notamment par les apports nutritionnels, les différents niveaux de parité et les écarts de statut socioéconomique (124,125). Ces disparités ethniques et

socioéconomiques sont par ailleurs visibles au travers d’une étude sur l’anémie ferriprive réalisée sur des femmes caucasiennes et afro-américaines à faible revenu dans plusieurs états américains (125). Chez les caucasiennes, la prévalence était de 3,5 %, 6,4 % 18,8 % pour respectivement les 1er, 2ème et

3ème trimestres de gestation ; parallèlement, les données des afro-américaines étaient de 12,7 %,

17,8 % et 38,1 %. Dans l’est canadien, l’étude conduite par Rioux et al. (126) a notamment révélé que

19,4 % des femmes enceintes à faible revenu et niveau d’éducation présentaient une anémie (Hb < 110 g/L) et 16,1 % présentaient une anémie ferriprive (Hb < 110 g/L + Ferritine sérique < 10 μg/L), confirmant des résultats précédemment obtenus lors d’une étude rétrospective où 11,5 % à

21,4 % des femmes de cette même province présentaient une anémie (127). Toujours dans cette localisation, 0 %, 7 % et 23 % des femmes enceintes seront respectivement diagnostiquées anémiques aux 1er, 2ème et 3ème trimestres de leur gestation (10). Une autre étude chez des femmes enceintes du

nord du Canada révélera par ailleurs que 34 % d’entre elles étaient déficientes en fer durant les 2 premiers trimestres de leur gestation, au vu de leurs faibles taux de ferritine sérique (< 15 μg/L) (128). En France, 13,5 % et 25,5 % des femmes en âge de procréer ont une déplétion ou de faibles réserves en fer, respectivement. La prévalence de l’anémie dans ce même groupe de femmes est de 5,7 % et de 4,5 % chez les femmes en absence de grossesse (129,130).

3.1.3. Étiologie et facteurs de risque

L’étiologie de la déficience en fer peut-être multiple et de nombreux facteurs de risque peuvent l’aggraver. Nous l’avons vu précédemment, le niveau socio-économique est un intervenant aggravant le risque de carence en fer. L’environnement nutritionnel en est un autre (5), que l’on retrouvera détaillé parmi la liste des facteurs de risque présentée dans le Tableau 2 (131-134) :

L’âge, le sexe ainsi que les états physiologiques spécifiques sont autant d’éléments pouvant augmenter la prévalence de la déficience en fer. Au chapitre ultérieur, intitulé « biodisponibilité du fer et états physiologiques spécifiques », seront abordés plus en détails les mécanismes d’apparition reliés notamment à l’enfance, l’adolescence et la gestation, qui représentent en tant que tels des facteurs de risque de déficience en fer.