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Mémorisation de la position verticale et horizontale des cibles

Chapitre 7 Seconde étude 111

7.4 Présentation des résultats

7.4.5 Mémorisation de la position verticale et horizontale des cibles

Au delà de la distinction « colonnes entrantes / colonnes centrales », nous avons observé 4 tendances distinctes de « comportements » oculaires, qui traduisent indirectement la qualité de la mémorisation de la position verticale des cibles :

1. le sujet réalise un balayage vertical sur toute la hauteur des colonnes entrantes ou centrales lors du défilement de la représentation ;

2. le sujet réalise un balayage vertical d’une amplitude limitée à quelques photographies, centré sur la ligne où figure la cible ;

3. le sujet observe uniquement la ligne sur laquelle est positionnée la cible, lors du défilement. Ce qui se traduit par une sorte de suivi horizontal (des colonnes entrantes aux colonnes centrales) d’une image, suivi dont l’amplitude varie en fonction de la vitesse de défilement. Le sujet peut également réaliser un balayage horizontal sur la ligne de la cible ;

4. le sujet effectue des parcours visuels horizontaux et verticaux de grande amplitude, avec des fixations dispersées sur la quasi totalité de l’écran.

Si le premier comportement et le dernier semblent indiquer une absence de mémorisation de la position verticale de la cible, le deuxième et surtout le troisième dénotent, à l’inverse, une bonne mémorisation de la position verticale de la cible. Ces comportements sont illustrés par la carte de chaleur présentée dans la figure 7.15 : plus la couleur d’une zone est chaude (i.e. rouge), plus le nombre de fixations a été fréquent dans cette zone. Ne sont représentées que les fixations ayant eu lieu lors du défilement de la représentation pour un sujet et une cible.

Sur la figure 7.15 (a), on observe des fixations sur toute la hauteur de la colonne entrante, tandis que l’amplitude de celles-ci est limitée aux lignes 6 à 8 sur la figure 7.15 (b). La figure 7.15 (c) montre que le sujet s’est particulièrement focalisé sur la ligne 3, en observant surtout la colonne entrante, ce qui traduit la mémorisation de la position verticale de la cible. Enfin la figure 7.15 (d) indique une absence de souvenir de la position de la cible dans la mesure où on n’observe aucune focalisation sur une zone particulière de l’écran.

Si les stratégies « colonnes entrantes » et « colonnes centrales » sont utilisées de manière constante d’une recherche à l’autre pour une même vue, il n’en va pas de même pour les com-portements présentés précédemment qui, d’une part, peuvent varier d’une recherche à l’autre en fonction de la qualité de la mémorisation et, d’autre part, au sein d’une même recherche. En effet, même si un participant pratique un balayage vertical de la colonne entrante, son attention peut être attirée par une image particulière de la collection, ce qui se traduit par une suite de fixations horizontales balayant la largeur de l’écran. Le tableau 7.10 présente la répartition des comportements par vue, cumulés sur l’ensemble des recherches et des sujets (soit 120 recherches de cibles par vue au total). Ce tableau résume l’analyse qualitative des rejeux, pendant T2, des interactions des participants avec les trois vues.

Le comportement visuel de chaque participant au cours de la recherche de chaque cible a été caractérisé « manuellement » comme suit. L’analyse a porté uniquement sur les moments où la vue défile. La caractérisation du comportement visuel d’un participant au cours de la re-cherche d’une cible s’appuie sur l’observation de la direction (verticale, horizontale, oblique) des saccades successives. Le comportement est étiqueté, en fonction de la répartition des directions

7.4. Présentation des résultats 139

(a) balayage vertical sur la hauteur (b) balayage vertical limité

(c) focalisation sur une ligne (d) parcours irréguliers, horizontaux et verticaux

Fig. 7.15 – Cartes de température correspondant aux 4 comportements visuels identifiés (4 sujets, 4 cibles) : les zones colorées (du bleu au rouge) correspondent à la position des fixations ; les variations de couleur représentent la densité des fixations, croissante du bleu au rouge

des saccades en volume et dans le temps (nature des enchaînements temporels), comme suit : « balayage vertical », « balayage vertical limité », « point fixe » qui correspond à un balayage horizontal sur une seule ligne (à partir des colonnes entrantes), ou « grande amplitude » qui ca-ractérise des parcours irréguliers combinant mouvements horizontaux, verticaux et en diagonale, ou encore « indéterminé » qui caractérise les parcours très brefs ou très variables dans le temps. Un traitement automatique des saccades n’aurait pas permis une caractérisation aussi précise ni aussi robuste des comportements. Les indications quantitatives reportées dans le tableau 7.10 représentent, pour les 120 recherches de cibles effectuées avec chaque vue par l’ensemble des participants, le nombre de comportements relevant de chacune des 5 classes distinguées.

Bien que le tableau 7.10 ne l’exprime pas explicitement, la vue 2D est la plus sensible à la « dispersion » des fixations oculaires sur l’affichage. Pour évaluer cette dimension des compor-tements oculaires, nous avons éliminé des recherches visuelles des trois premières colonnes du tableau, celles qui présentaient une certaine variabilité comportementale, par exemple pour les recherches de la première colonne (« balayage vertical »), celles qui incluaient des suites de fixa-tions relevant d’autres catégories de comportements (e.g., catégorie « point fixe »). Les recherches

BV sur hauteur BV limité point fixe grande amplitude indéterminé

VE 29 30 34 23 4

VI 42 26 24 25 3

2D 34 21 35 18 12

Tab. 7.10 – Cumul des comportements visuels sur l’ensemble des recherches effectuées avec chaque vue par les 20 sujets, pendant T2

visuelles restantes sont qualifiées de comportements stables. Si l’on considère, pour chaque vue, les pourcentages de comportements stables calculés sur l’ensemble des comportements, on ob-tient 38 % (46/120) pour la vue 2D, 44 % (53/120) pour la vue externe et 47 % (56/120) pour la vue interne. La vue interne semble donc réduire sensiblement la dispersion des fixations ocu-laires observée avec la vue 2D et, à un degré moindre, avec la vue externe. En d’autres termes, les vues 3D semblent permettre un meilleur contrôle des mouvements oculaires que la vue 2D, ce qui contribue à confirmer l’hypothèse B. Cependant, la supériorité de la vue interne sur la vue externe contredit en partie les attentes exprimées dans cette hypothèse, dans la mesure où les caractéristiques géométriques de la vue externe (i.e., la saillance des colonnes centrales) pa-raissent avoir eu moins d’influence sur les comportements visuels des participants que celles de la vue interne. Néanmoins, pour être validés, ces résultats qualitatifs doivent être confirmés par les conclusions d’une étude où le nombre de participants et le nombre de recherches visuelles de type T2 effectuées seraient nettement plus importants de façon à rendre possible une analyse statistique pertinente de leur signification, nécessaire pour envisager leur généralisation.

Le pourcentage de cibles dont la position verticale a été mémorisée (comportements de type « point fixe » et « BV limité ») varie également d’une vue à l’autre : de 42 % environ pour VI à 53 % pour VE. Si on ne considère que le souvenir précis de la position verticale (colonne « point fixe »), le pourcentage varie de 20 % pour VI à 30 % pour VE et V2D. Ces résultats suggèrent que VI favorise moins la mémorisation de la position verticale de la cible que VE ou V2D. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que la taille des images non déformées des colonnes centrales est maximum dans VE et minimum dans VI ; les positions verticales des cibles se différencient donc moins les unes des autres dans VI que dans VE.

Quant à la mémorisation de la position horizontale des cibles, elle se mesure, pour les vues 3D, par le sens de rotation choisi pour les recherches de type T2, car les positions des 6 cibles dans chaque visualisation définissent des parcours de longueur très différente selon le sens de rotation adopté. 11 participants ont gardé, avec VI, le même sens de rotation pour les 6 cibles de T2, et 9 avec VE, ce qui restreint la portée de l’analyse et de ses conclusions. 2 participants sur les 9 qui ont changé de sens de rotation avec VI ont choisi le sens optimal pour au moins 5 des 6 cibles ; 6 participants sur les 11 qui ont changé de sens avec VE semblent également avoir mémorisé la position horizontale d’au moins 5 cibles sur les 6. Pour comparer les trois vues entre elles, l’indice essentiel est le pourcentage de cibles identifiées dès leur première apparition à l’écran : il est de 84 % pour VI, 87 % pour V2D et 90 % pour VE. Bien que les différences entre ces pourcentages soient relativement faibles, ces résultats ne sont pas en accord avec l’hypothèse C : aucune des trois vues ne semble faciliter sensiblement, par rapport aux autres, la mémorisation

7.4. Présentation des résultats 141 de la position horizontale des cibles dans les visualisations des collections. En outre, VI qui met en œuvre la métaphore de la « locomotion » obtient le score le plus faible et VE le meilleur. Ces résultats incitent à poursuivre les recherches empiriques et expérimentales sur ce thème, en vue de mieux comprendre l’influence éventuelle des trois vues sur la mémoire spatiale et d’être en mesure de déterminer la validité exacte de l’hypothèse C. La difficulté majeure est la conception d’un protocole pertinent qui permette, en particulier, de mettre en œuvre des mesures objectives de la mémorisation de la position des cibles dans les visualisations qui soient (i) non intrusives (i.e., qui ne perturbent pas l’activité des participants), (ii) applicables à chacune des tâches visuelles réalisées par chaque participant, et (iii) utilisables avec chacune des trois vues.

Pour compléter cette analyse de la mémorisation de la position horizontale des cibles avec chacune des trois vues, nous allons évaluer l’intérêt effectif de la « continuité » des vues 3D cylindriques, donc celui de l’utilisation du sens de rotation optimum, en comparant les temps de recherche obtenus avec chacune des vues pour les deux photographies proches de l’affichage initial. Etant donné qu’un seul sujet (S8) a trouvé les deux cibles de chaque vue (VI, VE et V2D) dès leur première apparition et en choisissant le sens optimum de rotation pour les vues 3D, nous avons choisi de calculer, pour chaque vue, la moyenne des temps de recherche de chacune de ces deux cibles vérifiant les contraintes suivantes : la cible a été trouvée dès sa première apparition à l’écran (pour les trois vues), en choisissant le sens de rotation optimum (pour les vues 3D). Les résultats sont présentés dans le tableau 7.11.

n° cible position (col.) moyenne (sec.) E.T. nb. rech

VI 1 16 18,9 11,7 10 4 76 10,7 4,6 12 VE 2 77 9,8 4 8 4 16 16,5 7,2 14 2D 3 65 39,0 30,4 18 4 16 17,4 5,2 10

Tab. 7.11 – Temps de recherche moyen (secondes), calculé sur l’ensemble des participants (20), pour les deux cibles les plus proches de l’affichage initial, trouvées dès leur première apparition à l’écran et, pour les vues 3D, en choisissant le sens de rotation optimal. « nb. rech » désigne le nombre de recherches visuelles satisfaisant ce(s) critère(s)

Lorsque la cible se trouve à la fin de la visualisation (voir les cibles 4 pour VI, 2 pour VE et 3 pour V2D), on observe que la « continuité » des vues 3D permet de diviser par trois, voire quatre, le temps de recherche moyen obtenu avec la vue 2D, ce qui représente un gain appréciable en efficacité. Ce résultat confirme une des attentes exprimées dans l’hypothèse A (la dernière mentionnée). A noter que, pour les vues 3D, les temps moyens obtenus pour les cibles en colonnes 76 et 77 sont plus courts que ceux correspondant aux cibles en colonne 16. Cette différence pourrait être liée aux gestes à effectuer à la souris pour visualiser la cible, le déplacement de la souris vers la droite étant plus rapide, plus précis et plus naturel que le déplacement vers la gauche. Pour expliquer cette différence, une étude complémentaire serait nécessaire, les données recueillies au cours de cette étude étant insuffisantes pour conclure.