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1. Internet comme rampe de lancement : l’exemple de Micky Clément

1.1. Une médiation par l’image

Dès ses débuts, Micky Clément a placé ses images au centre de son discours. Son blog A

quoi ça sert les voyages était une sorte de « carnet de notes »146 en images, où le texte était peu présent (figure 1). De 2011 à 2016, Micky y a publié 240 posts147 : images de commande, de travaux personnels, portraits… Ces posts étaient relayés sur son compte personnel Facebook (figure 2)où, la encore, les images sont publiées sans commentaires ou presque.

On retrouve cette économie du discours sur la première version de son site créé en 2012, avec l’appui d’un webdesigner (damienrichard.com)148 (figures 3 à 6). Micky Clément souhaitait un site « simple, propre et épuré »149. L’écran était divisé en deux parties : la partie gauche était dédiée aux textes (menus, légendes) ; la partie droite était réservée à un cadre carré de présentation des images, qui rappelle à la fois les pochettes de disques - sans doute un clin d’oeil à la musique - et les galeries Instagram. En ne publiant presque aucun élément de langage, mis à part les titres des séries, et quelques éléments biographiques (listes d’expositions), le photographe avait choisi de laisser dans l’ombre son parcours d’artiste, et de garder un certain mystère sur son univers artistique, tout en donnant une grande place à l’image.

Ce site était donc, avant tout, une galerie de photographies présentant par catégorie, mais de manière indistincte, les différents travaux du photographe : les séries artistiques, les commandes et les travaux personnels étaient, en quelque sorte, mises au même niveau. Cette mise en forme, tendant à l’exhaustivité, témoignait des errances photographiques de

Figure 1 : page d’accueil du blog de Micky Clément. Figure 2 : extrait du journal Facebook de Micky Clément (2012).

Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

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Nombre de posts / an : 2011 : 77 ; 2012 : 96 ; 2013 : 34 : 2014 : 18 ; 2015 : 11 ; 2016 : 4.

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Cf. Analyse de la première version du site Internet de Micky Clément, Annexe 2.3.

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Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

Micky Clément qui, durant cinq ans, a touché à toutes les formes de photographie : « Mes boulots ont été assez diversifiés, j’ai fait un peu de presse, quelques pochettes d’album, deux ou trois campagnes de pub… […] Pendant trois ou quatre ans, j’aimais tout faire »150.

Pour la deuxième version de son site lancé en 2016 (figures 7 à 10), Micky Clément souhaitait un site très épuré en termes de graphisme, très simple en termes de navigation et plus sélectif en termes de contenu: « Je vais faire un site où il y aura très peu de photos, une petite dizaine, voir un peu moins. Pas de rubriques, mais par contre afficher clairement mon travail de galerie. […] Du coup, gommer tous mes trucs de commande. »151. En faisant ce choix, il souhaite s’éloigner des codes propres aux sites de photographes et se rapprocher de ceux des artistes contemporains : « Je casse le côté site de photographies »152.

Dans cette nouvelle version, l’image affichée en page d’accueil - une photographie de l’exposition Waiting Period à la Galerie Derouillon, invite à l’internaute à parcourir le site comme un visiteur le ferait dans une galerie (figure 7). Le parcours est simple : « Portfolio » pour découvrir les images et « About », pour découvrir l’artiste. La rubrique « Portfolio » est

Site Internet version 1 : copies d’écran des principales pages du site.

Figure 3 : page d’accueil du site. Figure 4 : page « Waiting Period »

Figure 5 : page « Bio » Figure 6 : Page « Contact »

Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

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Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

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Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

constituée d’une sélection d’une dizaine d’images choisies par l’artiste, décontextualisée de leur série d’appartenance initiale (figure 8). La rubrique « About » liste les expositions de l’artiste, ses principales commandes, affiche ses coordonnées et celles de sa galerie, ainsi que ses réseaux sociaux (figures 9 et 10). Le résultat répond à la commande de Micky Clément : on perçoit bien sa volonté, à travers son choix d’images, de se présenter désormais plus comme un photographe plasticien, que comme un photographe professionnel. Le langage photographique de Micky Clément tient lieu de discours, à la fois sur l’artiste et son oeuvre, pour qui sait l’interpréter. Plus encore que dans la version 2012, ce site est dépourvu d’éléments de discours littéraires sur l’artiste et son oeuvre : les légendes des photographies ont disparues, les textes sont strictement informatifs. Ce parti pris entretient une forme de mystère, mais tient également le spectateur à distance.

Cette volonté de créer un dialogue par l’image, et non par le discours littéraire, se ressent également dans son rapport aux médias sociaux153. Si Micky Clément y est très présent, depuis une dizaine d’années, il en fait une utilisation essentiellement professionnelle : « Ma page perso (Facebook), je l’utilise comme une page pro. Je ne mets que des informations professionnelles, je ne mets jamais de trucs personnels. Du coup, je l’utilise comme ça et je trouve que j’arrive à pas trop mal la gérer, régulièrement, du coup j’ai une interaction privée

Site Internet version 2 : copies d’écran des principales pages du site.

Figure 7 : page d’accueil du site. Figure 8 : page « Portfolio » (une page du slider).

Figure 9 : page « About » (haut de page). Figure 10 : page « About » (bas de page).

Cf. ARRONDEAU (Christine), BAOUDOUR (Marie-Charlotte), FORT (Sarah). - L’e-réputation des artistes : stratégie de

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avec les gens »154. Il y emploie volontairement un ton factuel : « Je suis rentré dans une logique de comm' sur Internet où je me disais - je caricature - "J'y vais frontal, j'annonce une expo, je mets une photo, et je ne mets pas commentaires dessus, je fais ma promo et c'est que de la promo". C'est frontal, c'est sec, c'est froid. J'ai envie de ça […]. »155. Pour éviter de donner une image complaisante, Micky Clément va jusqu’à supprimer les commentaires trop élogieux de ses proches sur Facebook : « Dès que j’ai un commentaire de la famille, je le dégage. […] Dès que c’est trop copain-copain, ça m’est arrivé de virer des trucs »156.

Outre son compte Facebook (figure 11), le photographe, était également présent, depuis ces cinq dernières années, sur Instragram (figure 12), Tumblr (figure 13), Youtube, Vimeo, Dailymotion, Twitter…

Conscient que cet éparpillement de sa présence pouvait lui être nuisible, il mène en parallèle de sa réflexion sur son site, une réflexion sur ses publics et sa prise de parole sur les médias sociaux : « J'ai une réflexion plus globale là-dessus : c'est à qui j'ai envie de m'adresser. Mon but du jeu, ce n'est pas d'avoir un maximum de gens qui aiment mon travail ou qui voient mon travail. Je dis ça parce qu'en fait, par exemple, je vois le travail que l'on fait en galerie, c'est une espèce de niche. Alors, il faut que je parle à cette niche là et si cela va au-delà de cette niche là, tant mieux. […] Je ne suis pas à la recherche de la célébrité, et encore moins sur Internet, tout en ayant conscience et envie, malgré tout, d'être visible et efficace dans le réseau numérique. »157.

Cette réflexion l’a amené à supprimer certains comptes (page Fan sur Facebook, blog A

quoi ça sert les voyages) et à adapter sa prise prise de parole, notamment sur Instagram :

« Je vais essayer de trouver mon angle, je ne mets plus que mes photos, mais je mets des trucs d'expo que je vais voir, des références, même des trucs pas intimes mais perso, un peu rigolos, décalés un peu. […] Je sais qu'il faut que je joue le jeu. »158.

Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

154

Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

155

Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

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Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

157

Cf. Entretien avec Micky Clément, Annexe 1.3.

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