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Les parcours de Micky Clément, Laura Bonnefous ou Marion Gambin démontrent combien il est crucial pour un « jeune photographe » d’identifier rapidement sa voie, de trouver son univers et son identité en tant que photographe, et de construire son discours afin d’être en mesure de commenter et de défendre son langage photographique, d’exposer son oeuvre. Aussi talentueux soit-il, le « jeune photographe » ne peut, dans la plupart des cas, effectuer seul ce cheminement indispensable. La formation, les professionnels, et notamment les intermédiaires du monde de la photographie, sont bien souvent des guides incontournables.

VAUCLARE (Claude), DEBEAUVAIS (Rémi). - Le métier de photographe -, Ministère de la Culture, 2015

202

Archives contemporaines, Eyrolles…

203

GAY JACOB VIAL (Fabiène). - Artiste photographe: se former, construire son portfolio et vivre de ses oeuvres -, Editions

204

Eyrolles, 11 sept. 2014, 229 p.

NETHIN (Rachel). - Photographe 3.0: Optimiser sa présence sur le Web et créer une dynamique commerciale efficace -,

205

Editions Eyrolles, 21 mai 2015 - 192 p.

AMYOT (André). - Vivre de ses photos: Et si le marketing était la clé ? -, Editions Eyrolles, 2013, 148 p.

1.1. La formation comme guide

Pour Laura Bonnefous, comme pour Marion Gambin, la formation a joué un rôle indiscutable dans leur parcours. Issues toutes deux de formations « Beaux-Arts », elles ont chacune fait le choix de la photographie et ont, pour acquérir un bagage technique qui leur semblait indispensable, intégré des écoles qui correspondaient à leur vision de la photographie : GOBELINS pour Laura, et l’ENS Louis-Lumière pour Marion. Ces deux profils ne sont pas totalement représentatifs de l’ensemble des profils de photographes, bien que ceux-ci soient de plus en plus diplômés, mais témoignent, dans une certaine mesure, de la nécessité d’acquérir un bagage technique spécifique à la photographie.

Lorsqu’on l’interroge sur l’apport de la formation dans la construction de son univers photographique, la réponse de Laura Bonnefous est claire : « Toute ma réflexion sur ce que je veux gratter dans mon univers artistique, où je veux aller, mes références d'artistes contemporains, etc... Tout ça, je l'ai construit aux Beaux-Arts, parce qu'on est plus dans une école qui forme à ça. On passe des après-midi à discuter avec son chef d'atelier. Chacun présente son travail. On amène des références, etc. »207. Pour elle l’apport de GOBELINS a été essentiellement technique : « Une école comme GOBELINS, on est plus dans la technique, on est dans l'action en fait… ».

En effet, comme le souligne David Loignon, responsable du département Photographie de l’école, « Au départ, GOBELINS n’est pas une école artistique » mais il indique que ce qui fait la spécificité de l’école réside dans sa capacité à favoriser la créativité des élèves : « […] quand je suis arrivé dans le département, j'ai observé et je me suis rendu compte que les professionnels […] ne maîtrisent pas tout, ce ne sont pas des geeks, loin de là. Ils ont autre chose, comme Olivier Mauffrey par exemple […] : un oeil, un style, une créativité. On ne peut pas tout avoir. Et bien nos étudiants, quelque part, ils partent sur cette voie là. »208. Ce point vue est partagé par Denis Rebord, enseignant-formateur à GOBELINS : « Aujourd'hui, en tant qu'école, il faut qu'on arrive à former des gens qui soient bons techniciens, qui savent utiliser les outils qu'on utilise dans le monde de la photo mais pas que. Parce que si ils ne savent faire que ça, ils ne vont pas y arriver. Il faut également qu'ils arrivent à développer une écriture. C'est là où la différence se joue. Parce que la photo, […] ce n'est pas que de la technique. La photo, c'est exprimer quelque chose. C'est ça qui est difficile. »209.

Le « jeune photographe » doit donc envisager sa formation (ou son auto-formation) à la fois comme un temps d’acquisition de savoir-faire technique, mais également comme une période privilégiée d’introspection, de réflexion sur son univers photographique, de

Cf. Entretien avec Laura Bonnefous, Annexe 1.2.

207

Cf. Entretien avec David Loignon, Annexe 1.5.

208

Cf. Entretien avec Denis Rebord, Annexe 1.6.

construction d’un discours qui lui deviendra rapidement indispensable pour convaincre le monde professionnel, car de la qualité de cette démarche, dépendra ensuite la cohérence de ses choix et de son parcours. Cette période d’introspection sera d’autant plus riche si la formation propose, ou si le « jeune photographe » suscite des échanges avec des intermédiaires, tels que des commissaires d’exposition, agents, galeristes, etc.

1.2. Le dialogue avec les professionnels comme révélateur

Quels que soient leurs parcours, les jeunes photographes se retrouvent rapidement confrontés à de multiples intermédiaires, parfois présents au sein des écoles, lors de workshops, dans les lectures de portfolios ou des jurys de concours, de festival… La rencontre avec ces différents intermédiaires sont autant d’opportunités, pour les jeunes photographes en formation, fraîchement diplômés, ou démarrant dans leur vie professionnelle, d’éprouver la cohérence de leur univers et de parfaire leur discours.

David Loignon, comme Denis Rebord en sont convaincus et n’hésitent pas à faire entrer ces professionnels - photographes de renom, commissaires d’exposition, agents, galeristes - à GOBELINS, à l’occasion de workshops ou de jurys de fin d’année. Ainsi, les élèves ont pu travailler sous la direction des personnalités du monde de la photographie, tels que les directeurs artistiques Michel Maidenberg ou Guillaume de Sardes (magazine Prussian Blue), les photographes Mathilde de l’Ecotais, Sarah Moon ou Ola Rindal, le commissaire d’exposition Gabriel Bauret… Ces expériences peuvent parfois se révéler déstabilisantes pour les élèves, mais sont toujours constructives et enrichissantes.

Parmi ces expériences, la lecture de portfolio constitue un moment privilégié d’échange avec un professionnel, qui peut inviter le photographe à approfondir sa réflexion, à se remettre en question, comme le soulignait Laura Bonnefous lors de son entretien : « Moi, j'aime vraiment faire des lectures de portfolios parce que c'est un échange, que je trouve intéressant et qui me permet, moi aussi, d'analyser ce qu'on me dit. […] A Arles, j'ai une ou deux lectures de portfolios, justement un peu sportive […]. Plus j'en fait, plus ça me permet de me renforcer dans mon discours. »210. Il s’agit là d’un exercice exigent mais constructif, sans aucun doute.

Le rôle du galeriste peut également, dans certains cas, être déterminant dans un parcours de photographe, ainsi que nous avons pu le voir pour Micky Clément dans le précédent chapitre. L’artiste souligne que Benjamin Derouillon l’a guidé dans la réflexion qu’il a menée, ces derniers mois, sur son positionnement : « Benjamin me dit que je ne suis pas photographe, mais artiste-plasticien. Mon médium, c'est la photo. Mais c'est anecdotique, en

Cf. Entretien avec Laura Bonnefous, Annexe 1.2.

fait. C'est assez intéressant, je trouve, parce que ça m'a enlevé une aiguille du pied, un truc où je ne me sentais pas super légitime. »211.

Au travers de ces différents exemples, on perçoit le rôle de conseil que ces intermédiaires peuvent jouer auprès des « jeunes photographes », et combien l’échange avec des professionnels peut se révéler essentiel dans la construction d’une identité, d’un univers, du discours et d’un parcours.

Se connaître en tant que photographe, déterminer sa voie, construire son univers et son discours constituent, à notre sens, un préalable nécessaire pour envisager un parcours dans la monde de la photographie. Ainsi armé, le « jeune photographe » sera en mesure d’élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie professionnelle cohérente avec son univers et ses ambitions, de défendre son langage photographique, et par là-même, d’imaginer une stratégie de communication et de promotion.