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MÉDIATHÈQUE DU CCFN DE ZINDER : JOURNAL

Dans le document 92-93 : À quoi servent les bibliothèques ? (Page 105-107)

D’UN PHŒNIX AU SAHEL

Le vendredi 16 janvier 2015, en milieu de journée, des manifestations

anti Charlie Hebdo à Zinder (deuxième ville du Niger avec plus de 300 000

habitants) ont vu, entre autres, l’incendie volontaire de bâtiments du

Centre culturel franco-nigérien CCFN.

L

e Centre culturel fran- co-nigérien CCFN, comme l’indiquent ses statuts, est « un lieu de rencontre apo- litique à vocation cultu- relle. Il a pour but de constituer un centre de rayonnement et d’échanges d’idées entre tous les hommes ; de participer à l’épanouissement des sciences, des arts et des lettres, enfin de mettre à la disposition des publics les moyens de parvenir à une meil- leure connaissance des patrimoines culturels africains et français, franco- phones et européens ».

La double appartenance franco-ni- gérienne est symbolique d’une coo- pération culturelle riche et assumée qui se traduit par un projet culturel

ambitieux. Ce projet est établi en conformité avec la mission assignée par la France à ses établissements culturels (Instituts français par exemple) et en cohérence avec le projet culturel du Niger.

La médiathèque de Zinder, pivot cen- tral de cette activité culturelle, est entièrement détruite.

LE CCFN, UN INSTRUMENT DU

DIALOGUE CULTUREL FRANCO-NIGÉRIEN DEPUIS 1963

Créé le 9 février 1963, soit trente mois après l’indépendance du Niger, le Centre culturel franco-nigérien est une institution unique et remar- quable en Afrique de l’Ouest. En effet il est le seul survivant des centres franco-nationaux créés au lendemain

des indépendances. De ce fait, il constitue une référence pour les éta- blissements de statut analogue plus récemment inaugurés (en Namibie, au Mozambique et en Guinée). « Le Franco », comme le surnomme la majorité des Nigériens est, par son statut binational, un instrument du dialogue culturel franco-nigérien. Chargé de diffuser la culture fran- çaise et francophone sous toutes ses formes mais aussi, et c’est une de ses singularités, de promouvoir l’expression artistique et culturelle contemporaine du Niger par la forma- tion et la professionnalisation de ses acteurs, le soutien à la création et la diffusion. Depuis 1977, une conven- tion passée entre le Gouvernement de la République du Niger et le Gouvernement de la République française régit le fonctionnement du CCFN et lui donne le statut d’éta- blissement public de droit nigérien. P A R É R I C D U R E L

« EN CES TERRES

AFRICAINES, COMME

NOUS LE RAPPELLE LA

CITATION D’AMADOU

HAMPÂTÉ BÂ, LA VIE

HUMAINE, LE SAVOIR,

LA CONNAISSANCE ET

LES TRANSMISSIONS

DES SAVOIRS QUE

PEUT REPRÉSENTER

UNE BIBLIOTHÈQUE

SONT INTIMEMENT

LIÉS. »

Avant et après, la bibliothèque adulte entièrement consumée du sol au plafond

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N O 9 2- 93 - JUIN 2 01 8

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L’ AFRIQUE FRANC OP HONE

À ce jour, le CCFN, est placé sous la double tutelle du ministère nigérien chargé de la culture et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) français.

Ses deux établissements de Niamey et Zinder offrent les deux plus impor- tantes médiathèques publiques du Niger : sections adulte et jeunesse, centre de ressources documentaires, fonds Niger, espaces presse natio- nale et internationale, fréquentés par un large public. L’antenne de Zinder est rattachée au centre principal de Niamey qui assure la gestion unique des deux structures.

BIBLIOTHÈQUE DU CCFN DE ZINDER, UNE DESTRUCTION TOTALE

La médiathèque du CCFN de Zinder, était l’une des briques d’un réseau de quatre médiathèques françaises au Niger : deux du CCFN de Niamey et Zinder et deux autres des Alliances françaises de Maradi et Agadez. Cette bibliothèque avait été entiè- rement refaite en 2008. Avec 18 000 documents (12 000 documents adultes et 6 000 jeunesse), 900 m2 et quatre personnels qualifiés, cette bibliothèque normative était la plus importante des bibliothèques de la ville de Zinder en l’absence de structures municipales ou universi- taires performantes. Ici, les publics de jeunes, d’adultes, d’étudiants et d’universitaires y trouvaient une documentation essentielle à leurs découvertes du monde, de la langue française et des langues nationales ou à leurs études. C’était aussi un lieu de rencontres, d’animations et de spectacles, de contes, de cinéma, d’ateliers ou de formations et enfin de débats d’idées.

FÉVRIER 2015, L’HEURE DE LA RÉFLEXION

Très rapidement, les tutelles du CCFN Jean Rouch, le ministère fran- çais des Affaires étrangères et du développement international MAEDI et le ministère nigérien de la Culture des Arts et des Loisirs,

s’activent pour que puissent reprendre au plus vite des activités dans les locaux de Zinder.

Les premiers jours verront défiler un ensemble de réflexion, allant du désarroi aux projets les plus ambi- tieux : si la question de la fermeture définitive de l’équipement n’a pas totalement été exclue les premiers jours, c’est clairement une mobilisa- tion des équipes, des acteurs locaux et internationaux qui amèneront la volonté de continuer, et ensuite un ambitieux projet de recons- truction qui durera deux années. Pour éviter les licenciements, la totalité du personnel a été passée

administrativement en « chômage technique ».

À budget constant, la reconstruction de Zinder, immobilier, mobiliers, équi- pements et collections représentait l’équivalent de plus de quinze années de budget de fonctionnement de cette antenne. L’équation était donc simple, sans aide extérieure ou exception- nelle, aucun projet possible.

MARS 2015, L’HEURE DE L’APPEL À RECONSTRUCTION

C’est toute une médiathèque qu’il faut remettre sur pied : collections (livres et revues mais aussi DVD et CD), mobiliers et étagères, réseau infor- matique et matériels d’animations. Hors collections de la médiathèque et matériels de celle-ci (mobiliers, étagères, matériels d’animations…), un ensemble de premiers devis, éta- blis par un cabinet d’expertise indé- pendant, laisse déjà apparaître un besoin financier de 75 000 euros (50 000 000 de F/CFA) pour la simple réfection des bâtiments incendiés et de 150 000 euros au minimum (1 000 000 F/CFA) pour le rachat des collections.

Un des premiers actes a été l’écriture et la diffusion d’un appel à reconstruc- tion : sa diffusion a été faite officielle- ment (courrier officiel d’accompa- gnement) à plus de 350 destinataires : tutelles respectives, autres minis- tères français et nigériens, collectivi- tés locales nigériennes et françaises, députés et sénateurs, coopérations et représentation diplomatique étran- gère, bibliothèques françaises tous statuts confondus (BN, BM, BU…), fondations, institutions, entreprises nationales et internationales.

C’ÉTAIT AUSSI UN

LIEU DE RENCONTRES,

D’ANIMATIONS ET DE

SPECTACLES, DE CONTES, DE

CINÉMA, D’ATELIERS OU DE

FORMATIONS ET ENFIN DE

DÉBATS D’IDÉES

Avant et après, la section jeunesse entièrement détruite

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MOBILISER LE LOCAL, S’APPROPRIER LE PROJET COLLECTIVEMENT

Sur place à Zinder, une première mission du directeur du CCFN et du secrétaire général du minis- tère de la Culture, des Arts et des Loisirs s’est déroulée du 28 au 30 jan- vier 2015. Les rencontres avec les autorités locales (gouverneur, maires, président du Conseil régio- nal, Sultan) et la société civile (Association pour la réhabilita- tion du CCFN, Association des professeurs de français, artistes, professionnel de l’animation, syn- dicat d’enseignants, entreprises…) montrent une forte mobilisation. La société civile, et la Jeune Chambre Internationale (JCI- Section Zinder) avaient adressé un courrier aux res- ponsables du CCFN, condamnant fortement ces actes de destruction. Dans la même lettre, elle proposait d’apporter sa contribution en net- toyant les locaux incendiés du CCFN.

MOBILISER L’INTERNATIONAL : COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE, COLLECTIVITÉS ET INSTITUTIONS

Du Niger, de France et de l’inter- national des messages de soutiens, d’encouragements nous sont arrivés par centaines. De toutes ces prove- nances, les collectivités et particuliè- rement le monde des bibliothèques nous ont témoigné ainsi leur solidarité et leur envie de nous aider à recons- truire. Sans les citer tous ici, ce sont principalement : l’Institut français de Paris, le Conseil départemental du Val-de-Marne, la ville de Toulouse, la ville de Chenôve, la Bibliothèque nationale de France BnF, la fondation MSH, les entreprises de transports AGS et Nécotrans, les associations Biblionef et Adiflor…

Leurs aides futures, soit financières, soit en dons d’ouvrages dans le cas des bibliothèques, ou encore en ventes d’ouvrages neufs à prix réduits dans le cas de Biblionef et Adiflor, et enfin en aides logistiques, seront déterminantes.

LA RECONSTRUCTION : UN NOUVEL AMÉNAGEMENT REPENSÉ AUTOUR DU PROJET DE SERVICE

Le bâtiment a été presque entière- ment détruit, la superstructure des

plafonds en poutre d’acier est entiè- rement fondue, seule les murs d’ori- gines sont encore utilisables : c’est donc une réhabilitation à 100 % à effectuer (plafonds, cloisons inté- rieures, sols, portes et menuiseries, réseau eau, électrique, informa- tique et internet, climatisations et ventilations…)

Nous avons profité de cette recons- truction totale pour réaménager les locaux, en accord avec un nou- veau projet de service : penser la médiathèque comme un espace convivial, accueillant, organiser un accueil et prêt centralisé pour tout l’équipement, privilégier les open spaces, prévoir des espaces de transi- tion pour les publics jeunesse de plus de douze ans (espace adolescent), créer des espaces communs d’ani- mations (salle polyvalente pour des conférences ou du cinéma), création d’une salle d’exposition, refondre la totalité des salles de cours (enseigne- ment du français et du FLE) dans un même bâtiment (plusieurs sites aupa- ravant), construire un bureau pour la bibliothécaire responsable, un espace commun de travail interne (circuit du livre et catalogage sur quatre postes, une réserve pour les documents, des

DU NIGER, DE FRANCE ET

Dans le document 92-93 : À quoi servent les bibliothèques ? (Page 105-107)