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3 Mécanismes proposés dans la littérature pour la formation du n-butanol

Chapitre IV: Identification de la nature des sites actifs

II- 3 Mécanismes proposés dans la littérature pour la formation du n-butanol

La dimérisation directe de l’éthanol par déshydratation implique l’activation d’une liaison C-H en β d’une molécule d’éthanol par un site basique, suivie de la dimérisation avec une autre molécule d’éthanol par déshydratation (figure IV-1).

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Figure IV-1: Réaction d’une dimérisation directe de l’éthanol2

Ce mécanisme a été proposé par Yang et Meng6 pour expliquer la formation du butanol sur des zéolithes Rb-LiX à 420°C. Yang et al.2 et Toni Riittonen et al.3 reportent ce même

mécanisme en étudiant la conversion d’éthanol sur des alumines γ supportées par du nickel et du ruthénium à des températures de 200°C et 250°C respectivement. D’autres proposent la synthèse directe du butanol à partir de l’éthanol sur MgO à 450°C13. Le chemin réactionnel ainsi que la nature des sites actifs impliqués dans le processus ne sont cependant pas décrits. La possibilité de la formation de n-butanol comme produit primaire de réaction sur hydroxyapatite est étayée par une étude cinétique récente26. Cette étude souligne toutefois qu’une fraction du n-butanol formé n’est pas obtenue par voie directe et renvoie à une variante de la voie initiée par la condensation aldolique de l’acétaldéhyde décrite ci-après.

II-3-2 Réaction de Guerbet

Le mécanisme le plus souvent proposé sur les hydroxyapatites au calcium12, 22, 27, mais aussi pour des hydrotalcites10 suit l’enchainement d’étapes reportées sur la figure IV-2. La réaction débute par la déshydrogénation de l’éthanol en acétaldéhyde, se poursuit par la condensation aldolique, la déshydratation et enfin l’hydrogénation en 1-butanol.

Figure IV-2: Mécanisme de formation du butanol à partir de l’éthanol27

Birky et al.11 déduisent que l’acétaldéhyde est le produit primaire formé sur MgO à 400°C et concluent que le butanol est le produit secondaire provenant de la transformation de l’acétaldéhyde via la réaction de la condensation aldolique. Riittonen et al.4 proposent également ce mécanisme sur des alumines supportées par des métaux à 240°C. Ogo et al.22 ont observé que la sélectivité du butanol sur les HAps substituées par le strontium à 300°C, est maximale pour un temps de contact précis, les sélectivités en acétaldéhyde, crotonaldéhyde, butanal et de 2-butène-1-ol diminuent quand le temps de contact augmente.

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S’appuyant sur ces observations, ils attestent que ces derniers sont probablement des intermédiaires dans la formation du n-butanol. Sur la base de considérations cinétiques et thermodynamiques, Scalbert et al.26 réfutent l’occurrence de la condensation aldolique de l’acétaldéhyde et proposent alternativement une condensation entre une molécule d’acétaldéhyde et une molécule d’éthanol. Cette étude ne considère pas la nature des sites présents en surface des hydroxyapatites.

Tsuchida et al.12 sont quant à eux allés plus loin dans le formalisme et ont fondé les quatre étapes de leur mécanisme en postulant l’intervention de la paire acide-base Ca-PO43-.

1) Dans une première étape, l’éthanol se dissocie via l’interaction entre l’oxygène de la

fonction alcool avec un calcium et du proton avec un oxygène basique d’un PO43-. Il en résulte la formation d’un hydrogénophosphate stable; l’éthanolate se réarrange en acétaldéhyde adsorbé en laissant un hydrure adsorbé sur un ion calcium (figure IV-3) :

Figure IV-3: Activation de l’éthanol et formation de l’acétaldéhyde12

2) L’acétaldéhyde se décompose en énolate qui réagit ensuite avec une autre molécule

d’acétaldéhyde pour donner un aldol comme le montre la figure IV-4 :

Figure IV-4: Condensation aldolique12

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Figure IV-5 : Déshydratation de l’aldol pour former un crotonaldéhyde12

4) Enfin le crotonaldéhyde va être hydrogéné en butanol par restitution des 4 hydrogènes

générés par l’adsorption dissociative de l’éthanol au cours des étapes 1 et 2 (figure IV-6).

Figure IV-6 : Hydrogénation du crotonaldéhyde 12

On remarquera aussi que le même mécanisme décrit par Tsuchida a été proposé par ces auteurs sur MgO (figure IV-7), ce qui expliquerait que le MgO présente une certaine sélectivité en butanol, mais ils indiquent qu’un hydrogène adsorbé sur MgO diffère légèrement de celui d’un hydrogène adsorbé sur une HAp.

Figure IV-7 : Mécanisme de déshydrogénation de l’éthanol sur MgO12

En effet, d’après eux, la distance Mg-O (0,210 nm) étant plus courte que celle qui existe entre Ca2+ et l’oxygène d’un PO42- (0,239 et 0,240 nm), dans le cas du MgO, les espèces hydrogène issues de la déprotonation de l’éthanol en acétaldéhyde vont être en mesure de migrer pour former du H2 qui va désorber en phase gaz12. On peut toutefois souligner que ce type de considérations n’expliquerait pas l’absence de la condensation aldolique sur CaO, les

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distances Ca-O étant très proches de celles observées sur les hydroxyapatites (distance Ca-O de 0,240 nm28, versus la distance entre Ca2+ et l’oxygène d’un PO42- est de 0,239 et 0,240 nm12). Ceci oriente plutôt vers une importance particulière de la force relative des sites acides et basiques.

Par ailleurs, compte tenu des résultats déjà reportés dans les chapitres précédents quant à la nature des sites superficiels à la fois accessibles et impliqués dans l’adsorption de molécules sonde ou dans la réactivité basique en surface, à savoir :

i) La faible accessibilité des ions calcium en surface,

ii) L’effet négatif de la présence accrue d’ions calcium sur la sélectivité en butanol, iii) L’absence de perturbation des groupements PO43- par adsorption de l’acétylène

alors que les pendants acides PO-H le sont, et

iv) L’influence de la concentration en OH basiques sur le niveau de conversion en

éthanol,

on peut s’interroger sur la pertinence de la nature de la paire acide-base proposée par Tsuchida.

Enfin, la question de l’hydrogénation intervenant lors de la dernière étape du chemin réactionnel reste ouverte 29: certains mentionnent que la production d’un dihydrogène lors de la première étape est nécessaire pour assurer le transfert d’hydrogène et former finalement le butanol à partir du 2-butèn-1-ol22.

La question est de savoir si selon les systèmes, le dihydrogène en question va être entrainé dans la phase gaz ou rester adsorbé en surface pour être restitué lors de la dernière étape d’hydrogénation. Quoi qu’il en soit, ceci suppose qu’une surface enrichie en hydrogène, consécutivement à la déshydrogénation d’éthanol, sera plus sélective en butanol27. Une autre possibilité a été envisagée par d’autres équipes: le transfert d’hydrogène se ferait suivant la réaction de Meerwin-Ponndorf-Verley (MPV) entre un alcool sacrificiel (généralement la molécule réactive) et le produit issu de la condensation aldolique sans la participation de l’hydrogène de la première étape7, 26, 30.

Ainsi, le bilan de la littérature met en évidence un déficit de données expérimentales permettant d’affuter la discussion sur la nature des sites superficiels impliqués. C’est ce que nous chercherons à faire dans ce chapitre via des études operando.

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