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5 Utilisation de bactériophages

6. Mécanismes d’inhibition inconnus ou non démontrés

Dans de nombreuses études, une inhibition de Listeria par des consortia de surface de fromage ou la présence de est observée, mais le ou les mécanismes d’actions ne sont pas connus ou encore seulement suggérés mais non démontrés.

Maoz et al. (2003) ont contaminé avec L. monocytogenes des surfaces de fromages à pâte molle ensemencées avec des consortia microbiens issus de 3 fromageries, à 6 mois d’intervalle. Les

68 consortia de 2 fromageries ont montré un effet anti-Listeria, à la différence du consortium de la 3ème fromagerie qui a été considéré comme un témoin sans effet anti-Listeria. Pour le consortia de la première fromagerie, l’effet anti-Listeria était de 4 à 6 Log par rapport au témoin. Cet effet anti-Listeria était stable dans le temps et associé à la stabilité de la population du consortia. Le mécanisme n’a pas été élucidé mais l’absence de synthèse de substances inhibitrices par les bactéries a été mise en évidence. Pour le consortium de la 2ème fromagerie, l’effet anti-Listeria s’est avéré variable en fonction de la saison et de la quantité de consortium déposé, de 1 à 6 Log de réduction par rapport au témoin. Mayr et al. (2004) ont ensuite réimplanté 4 consortia microbiens de surface de fromage avec une activité anti-Listeria prouvée, issus des 2 fromageries étudiées par Maoz et al. (2003), sur des fromages à pâte molle affinés. Ces fromages ont ensuite été contaminés avec L. monocytogenes (101 et 102 UFC/ml de saumure) et le comportement de Listeria suivi à des températures différentes (13 à 16°C). Pour une fromagerie, la protection anti-Listeria des 2 consortia était stable par rapport à la température, avec une protection notée jusqu'à 40 jours. Pour l’autre fromagerie, l’activité anti-Listeria était variable en fonction de la durée et de la température d’affinage. Les auteurs soulignent que la spécificité de la composition des consortia et la température optimale de l’effet inhibiteur sont des caractéristiques propres à chaque environnement, pour l’effet anti-Listeria. Ils préconisent donc des traitements anti-Listeria adaptés à chaque environnement. Bockelmann et al. (2005) ont contaminé avec L. monocytogenes des surfaces de fromages de type Limburg, lavés avec différents mélanges de souches (Microbacterium gubbensee, Arthrobacter nicotinae,

Brevibacterium linens, Halomonas spp, Corynebacterium casei). Durant les 2 semaines

d’affinage, aucune inhibition n’a été observée, à la différence de la phase de stockage à 8°C dans les 2 semaines suivantes. Le mécanisme de cette inhibition est inconnu, mais les cultures pures de ces bactéries n’ont pas permis d’inhiber Listeria par test de diffusion en milieu gélosé. Les auteurs suggèrent le rôle de la faible température, de la forte salinité et du faible taux d’oxygène. Carminati et al. (1999) ont contaminé avec L. monocytogenes des fromages taleggio (pâte molle) à différents stades d’affinage, préalablement ensemencés avec 2 mélanges bactériens candidats à l’inhibition de Listeria. Un effet listériostatique a été observé dans les 2 cas, lié à la présence d’un riche complexe microbien et à un pH bas, suite à un problème d’affinage. Sur la surface de ces mêmes fromages (taleggio), Carminati et al. (2000) ont déposé 3 Log(UFC) par fromage de

L. innocua après 2 ou 4 semaines d’affinage. Lors de la contamination à 2 semaines d’affinage, 5

69 fromage) et des contaminations croisées avec d’autres fromages affinés ensemble ont été observées (3,5 Log(UFC) par fromage), à priori par la solution de lavage des fromages. Lors de la contamination à 4 semaines d’affinage, 3 semaines plus tard, Listeria n’avait pas colonisé la totalité de la surface (3,7 Log(UFC) par fromage) et moins de contaminations croisées ont été observées (souvent au seuil de détection de 0,89 Log(UFC/cm²)). Listeria a aussi été trouvée dans les eaux de lavages des fromages 5 jours après la contamination, mais pas par la suite. Ainsi, les contaminations croisées sont moins présentes lorsque Listeria est contaminée sur des fromages à 4 semaines d’affinage, avec une population totale de surface supérieure de 2 Log(UFC) aux fromages à 2 semaines d’affinage. Les suggestions des auteurs pour le mécanisme sont la compétition nutritionnelle ou la synthèse de molécules inhibitrices, bactériocines ou acides organiques.

Certains micro-organismes isolés à la surface de fromages ont aussi démontré une activité anti-

Listeria. Carnio et al. (1997) ont analysé différents consortia présents à la surface de fromages

français et allemands. Pour les fromages français, sur 2613 isolats, 48 ont montré une inhibition de Listeria sur milieu solide. Pour 3 de ces isolats, la présence de substances inhibitrices solubles a été démontrée. Pour les fromages allemands, sur 300 isolats, 30 ont montré une inhibition de

Listeria sur milieu solide, sans mécanisme associé. Lors du programme européen SCM (Etude

Smear Cheese Microflora Projet QLK1-CT-2001-02238 « Biodiversity and anti-Listerial activity of surface microbial consortia from Limburger, Reblochon, Livarot, Tilsit ans Gubbeen cheese, 2002-2004), l’étude sur la flore fongique de surface du reblochon de Savoie a été effectuée. Pour les 439 levures isolées sur 3 sites de production, l’activité anti-Listeria a été évaluée sur 5 souches de L. monocytogenes en milieu solide. Seize levures ont montré une forte inhibition de

L. monocytogenes. Parmi celles-ci, 3 ont été sélectionnées pour tester leur activité anti-Listeria à

la surface de reblochons. Les levures ont été déposées à la surface des fromages (106 UFC/cm²) 3 jours avant l’inoculation des L. monocytogenes (1 et 10 UFC/cm²). A la différence des essais en milieux de culture, l’inhibition de L. monocytogenes par les levures sélectionnées n’a pas été observée à la surface de fromages.

En conclusion, de nombreux mécanismes d’inhibition ont été démontrés envers L.

70 encore à effectuer. Pour la majorité d’entre eux, Listeria n’est pas éliminée, mais sa croissance ralentie ou inhibée.

Par contre, très peu d’études ont montré une interaction favorisante de bactéries envers L.

monocytogenes. Leriche (1999), Mettler et Carpentier (1998) ont montré que des biofilms de

certaines souches de Pseudomonas favorisaient la formation de micro-colonies de L.

monocytogenes. Buchanan et Bagi (1999) ont montré qu’en fonction des conditions

environnementales (température, NaCl, pH), une souche de Pseudomonas fluorescens pouvait ne pas affecter, favoriser ou inhiber la croissance de L. monocytogenes en milieu liquide. En ce qui concerne l’adhésion de Listeria, Hassan et al. (2004) ont démontré une adhésion de L.

monocytogenes plus importante (3 Log(UFC/cm²)) sur un biofilm préexistant de Pseudomonas putida que sur de l’acier inoxydable. Bremer et al. (2001) ont révélé qu’un plus grand nombre de

cellules de L. monocytogenes adhéraient sur de l’acier inoxydable en co-culture avec

Flavobacterium spp qu’en culture pure.

Ainsi, Listeria monocytogenes semble avoir des difficultés à s’implanter et à se développer en surface en communauté avec d’autres bactéries. Carpentier et Chassaing (2004) ont démontré que seules 4 souches (Kocuria varians, Staphylococcus capitis, Stenotrophomonas maltophilia et

Comamonas testosteroni) parmi 29, isolées dans l’environnement agro-alimentaire, ont permis la

croissance de Listeria en co-culture binaire sur des coupons d’acier inoxydable.

Les moyens de prévention du développement de Listeria recensés dans la littérature sont pour les molécules d’origine laitière, une diminution de l’adhésion et une inhibition de croissance. Pour les micro-organismes, l’effet anti-Listeria peut être lié à plusieurs mécanismes : une diminution de l’adhésion, une synthèse de molécules inhibitrices et une compétition nutritionnelle. Ces différents mécanismes associés à la difficulté de Listeria à se développer en communauté avec d’autres micro-organismes font du biofilm barrière ou positif, un moyen particulièrement prometteur pour maîtriser Listeria dans les aliments ou les ateliers agro-alimentaires

Pour une application alimentaire, en plus d’une totale innocuité, d’autres facteurs sont à prendre en compte comme la possibilité d’inclure le traitement de prévention de Listeria dans la fabrication de l’aliment, l’absence de modifications des qualités organoleptiques du produit fini et l’acceptation par le consommateur du traitement de prévention de L. monocytogenes

71 (Devlieghere et al., 2004). Tous ces traitements de prévention restent néanmoins à associer à la première barrière contre Listeria : les bonnes pratiques de fabrication, de stockage et de distribution des aliments (Holzapfel et al., 1995).

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