• Aucun résultat trouvé

Les facteurs potentiels de variation de la composition microbienne du biofilm présent sur les planches d’affinage

PRESENTATION DES RESULTATS

Chapitre 1. Description du cadre de l’étude : L’AOC « Reblochon de Savoie », processus de production et

III. Les facteurs potentiels de variation de la composition microbienne du biofilm présent sur les planches d’affinage

La Figure I.15 résume toutes les informations essentielles pour émettre des hypothèses sur les profils microbiens présents sur les planches : gestion des planches, modalités d’affinage des fromages et connaissances de l’évolution des flores de surface des fromages. En effet, la forte correspondance entre les flores de surface des fromages et les flores présentes à la surface des planches a été démontrée par Mounier et al. (2006) et l’étude ACTIA n° RA 97.31 (ITFF, 2000). Les hypothèses quant aux profils microbiens des planches sont ici nécessaires pour choisir les stades à étudier au cours du processus d’affinage.

Trois types de populations présentes sur les planches peuvent être distingués :

- la première, en cave 1 ou début d’affinage, correspondrait à un biofilm en contact avec les micro-organismes du fromage : levures et bactéries principalement à Gram positif et catalase négative. La durée de contact d’une planche avec un fromage entre 2 nettoyages est courte (24 h).

- la deuxième, en fin de cave 3 ou fin d’affinage, s’installerait progressivement en caves 2 et 3 (5 à 9 jours de contact avec les mêmes fromages), pour atteindre une population maximum en fin de cave 3 avec une flore levurienne et bactérienne (Gram positif et catalase positive), proche de la surface des fromages.

- la troisième, après nettoyage, correspond au biofilm résiduel sur la planche après la procédure de nettoyage (brossage à l’eau froide et séchage ventilé), celui sur lequel les fromages sont déposés.

113

Figure I.15. Schéma du processus d’affinage d’un reblochon fermier et cycles d’utilisation des

planches chez l’affineur partenaire : détermination des hypothèses pour les profils microbiens présents sur les planches en fonction du stade d’affinage (D’après Etude Smear Cheese Microflora Projet QLK1-CT-2001-02238 « Biodiversity and anti-Listerial activity of surface microbial consortia from Limburger, Reblochon, Livarot, Tilsit ans Gubbeen cheese).

Pour la suite de l’étude, le stade d’affinage analysé correspond à l’affinage des caves 2 et 3, en raison du temps de contact plus important entre le fromage et la planche ainsi que la présence des flores dominantes installées en fin de cave 3. Les 2 stades de prélèvement retenus sont les stades

Fin d’affinage :

- 5 à 9 jours de contact - maximum de micro-organismes

- flores dominantes installées

20 origines de

fromages

Affinage chez l’affineur partenaire Brossage et séchage des

planches

sur planches entre 2 disques

Cave 1 11°C, 94%HR 7jrs Caves 2-3 13°C, 96-97%HR 6 à 9jrs Fabrication et phase de

séchoir chez les producteurs 16-18°C, 95%HR 10 à 12 jours Caisse 4 à 15°C 2 à 4 semaines Cave 1 : 24h de contact planche-fromage Consommation Après nettoyage :

Planche sur laquelle les fromages sont posés

F ro m a g e P la n ch e Levures 5,2 7,5 8,3 pH 5,5 5,3 6,6 6,8-7,2 Bactéries 6,6 8,4 9,6 Sortie Saumure Avant le premier lavage Fin d’affinage Consommation

Evolution de la matière sèche (MS) (g/100g), des flores (Log(UFC/cm²) et du pH de surface du reblochon

Majorité de Geotrichum candidum et Kluyveromyces lactis

Majorité de Gram + catalase - Majorité de Gram + catalase + : Corynéformes

MS croûte 46,6 48,9 56,7 MS pâte 46,3 47,0 45,5

114 « fin d’affinage, avant nettoyage» et « fin d’affinage, après nettoyage ». Le premier, qui sera nommé « fin d’affinage » est en effet le plus représentatif de l’écologie microbienne du biofilm présent sur les planches et à la surface des fromages. Le deuxième, nommé « après nettoyage » permettra d’évaluer l’impact du nettoyage. Il correspond aussi au stade où le risque d’introduction des flores pathogènes provenant du lait et des premières étapes de fabrication des fromages est le plus important.

En plus du stade de prélèvement, 2 autres facteurs peuvent faire varier la composition microbienne du biofilm : l’âge des planches en raison de son influence sur le séchage des fromages, et l’origine du fromage affiné sur la planche. En effet, les différences de technologies de fabrication et les caractéristiques des locaux de chaque producteur induisent des compositions physico-chimiques et microbiennes des fromages spécifiques, qui conduisent à des caractères organoleptiques spécifiques des fromages en fonction du producteur (goût et texture).

115

Chapitre 2 : Dynamique de l’écologie des communautés

de micro-organismes des planches en bois au cours de

l’affinage des fromages

I. Introduction

Malgré son utilisation quotidienne depuis des décennies pour la production alimentaire, d’un point de vue réglementaire, le bois est autorisé au contact des aliments traditionnels par une dérogation de la commission européenne (décision n° 96/536/CE du 29 juillet 1996). Très peu d’études ont été réalisées sur les interactions entre les micro-organismes et le bois, et le statut hygiénique du bois dans les industries agro-alimentaires. Ces études sont de plus, souvent réalisées dans des conditions expérimentales différentes et contradictoires (Carpentier, 1997).

La première caractérisation microbienne d’un biofilm implanté sur du bois a été réalisée sur des fûts de fermentation de cidre par Swaffield et al. (1997). Des bactéries, lactiques et acétiques ainsi que des levures ont été dénombrées et retrouvées jusqu’à une profondeur de 1,2 cm après 2 semaines d’immersion. La stabilité de ce biofilm et son influence sur les profils organoleptiques des cidres ont aussi été démontrées. En technologie fromagère, les écosystèmes microbiens peuvent être étudiés classiquement par dénombrement sur gélose ou, plus récemment, par des techniques biomoléculaires, comme la SSCP (Single Strand Conformation Polymorphism) et la TTGE (Temporal Temperature Gradient Electrophoresis) (Duthoit et al., 2003 ; Ogier et al., 2004) ou par spectroscopie Infra-Rouge à Transformée de Fourier (IRTF) (Wenning et al., 2006). Les influences de l’origine du lait (vache ou chèvre) (Bockelmann et al., 2001), du type de production fromagère (fermière ou industrielle) (Feurer et al., 2004) et du potentiel anti-

Listeria (Maoz et al., 2003) sur l’écosystème de surface du fromage ont été étudiées. A notre

connaissance, peu d’études ont été publiées sur l’écologie microbienne des planches d’affinage en bois. Une étude a décrit le développement microbien à la surface de gerles en bois utilisées

116 pour la fabrication du fromage salers par des observations au Microscope Electronique à Balayage (MEB) (Richard, 1997). Pour les planches d’affinage en bois, Mounier et al. (2006) et l’étude ACTIA n° RA 97-31 (ITFF, 2000), ont démontré la forte corrélation entre les flores présentes à la surface des fromages et à la surface des planches d’affinage en bois et le potentiel technologique des planches en bois traditionnellement utilisées. L’analyse de l’écosystème microbien présent sur les planches d’affinage en bois est donc une priorité pour évaluer le statut hygiénique du bois en fromagerie.

L’objectif de cette partie est la caractérisation microbiologique et physico-chimique de l’écosystème présent à la surface des planches d’affinage. La première étape a été de décrire le biotope des planches d’affinage en bois du reblochon de Savoie : paramètres physico-chimiques de surface, présence de chlorure de sodium (NaCl) et de matière organique. Ensuite, les consortia de surface des planches ont été dénombrés en fonction des facteurs de variations déterminés au chapitre 1 : âge des planches, origine des fromages et stade de prélèvement. L’objectif était ici d’identifier les sources de variation de la composition microbienne de surface des planches. Enfin, l’influence de biotope des planches sur le développement des micro-organismes a été déterminée.

En raison du peu de travaux publiés sur les planches d’affinage, une première partie a été consacrée aux choix méthodologiques. En effet, l’étude d’un biofilm naturel nécessitait la mise en place de méthodologie limitant au maximum les modifications du biofilm liées au transport des planches, au prélèvement et à la cryoconservation des consortia. Ainsi, une méthode de conditionnement des planches pour le transport des caves d’affinage jusqu’au laboratoire a été choisie. De même, 2 méthodes de décrochage ont été comparées : la méthode impliquant des ultrasons (Oulahal-Lagsir et al., 2003) et la méthode par brossage, décrite dans le programme ACTIA n°RA 97-31 (ITFF, 2000). Les ultrasons permettent un décrochage par l’intermédiaire d’un milieu liquide grâce au phénomène de cavitation et permettent de s’affranchir des irrégularités de forme sur la zone d’action localement recouverte du liquide propagateur et récupérateur. Par son principe, cette méthode semble plus appropriée pour le bois. Les chiffonnettes et les écouvillons n’ont pas été retenus en raison de leur moindre efficacité (Cerf et Carpentier, 1992). De même, en l’absence de travaux précédents sur les planches d’affinage une évaluation de la variabilité physico-chimique et microbienne de ce biofilm et de son

117 environnement a du être réalisée. Ainsi, la variabilité intra-planche des grands groupes microbiens et des paramètres physico-chimiques des planches (pH et activité de l’eau) a été étudiée.

Dans une deuxième partie, le biofilm et son environnement ont été analysés par détermination des courbes de sorption et des paramètres physico-chimiques des planches (humidité, pH, aw et

taux de NaCl) en fonction de l’origine, de l’âge de la planche et du stade de prélèvement. Les paramètres physico-chimiques peuvent en effet influencer la croissance des micro-organismes. En complément, une composition biochimique partielle d’une suspension de décrochage d’un biofilm a été réalisée. Des analyses par spectroscopie IRTF (Infra-Rouge à Transformée de Fourier) d’échantillons de planches d’affinage ont permis de caractériser certains composants moléculaires du biofilm directement à la surface des échantillons, sans prélèvement.

Enfin, dans une troisième partie, la description microbiologique du biofilm présent sur les planches d’affinage a été réalisée par dénombrement des groupes microbiens sur géloses sélectives en fonction de l’âge de la planche, de l’origine des fromages posés sur la planche et du stade de prélèvement. La technique SSCP (Single-Strand Conformation Polymorphism) a aussi été employée en parallèle de certains dénombrements pour mettre en évidence des microflores présentes sur les planches mais non cultivables ou non sélectionnées avec les géloses. Des observations morphologiques des différents biofilms au Microscope Electronique à Balayage et par Imagerie Spectrale Confocale ont été réalisées afin de déterminer la disposition et la répartition des micro-organismes au sein du biofilm sur le support bois.