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5 Utilisation de bactériophages

Chapitre 3 Le support bois en agro-alimentaire

III. Ecologie microbienne du bois

2. Interactions des micro-organismes avec le bois

Une première synthèse sur les interactions entre le bois et les micro-organismes ainsi que sur le statut hygiénique du bois en contact avec les aliments a été réalisée sur 12 articles par Carpentier en 1997. Elle révèle la variabilité des facteurs expérimentaux de ces différentes études, qui peuvent expliquer les différents taux de survie des bactéries observés sur le bois : méthode de contamination, origine et conditions de précultures des micro-organismes traceurs, durée entre la contamination artificielle et l’évaluation de la contamination, essence du bois, orientation des fibres, taux d’humidité et état de surface du bois, méthode de décrochage des micro-organismes. Malgré ces différences, il ressort de cette synthèse que la dessiccation du bois semble entraîner une perte de cultivabilité des micro-organismes provenant des collections, à la différence des souches sauvages, sauf en présence de matière organique. La microflore naturelle apparaît plus résistante que les souches du laboratoire. Du fait de la pénétration des bactéries dans le bois, la méthode de décrochage est un point très important. La supériorité des polymères de synthèse remplaçant le bois n’a pas été démontrée. Un autre point important abordé est la structure poreuse du bois qui rend ce matériau difficile à étudier, car l’humidité du bois est un facteur difficile à maîtriser.

2.1 Contamination naturelle du bois

Certains bois présentent des risques microbiologiques car ils sont naturellement contaminés à des degrés divers par des bactéries à Gram positif et négatif (séquoia et sapin par Klebsiella

pneumoniae et autres entérobactéries) (Brown et Seidler, 1973 ; Bagley et al., 1978 ; Talbot,

1979). Par contre, les planches en épicéa destinées à l’affinage des fromages qui sortent de scieries ont des taux de contamination négligeables (Canillac et Mourey, 2001).

87 2.2 Survie des micro-organismes après contamination artificielle

Gehrig et al. (2000) ont démontré que le bois n’était pas moins hygiénique que le polyéthylène. En effet, dans une atmosphère sèche, 15h après une contamination artificielle avec E. coli (106 UFC/ml), des boites contact simulant le transfert bactérien, récupéraient moins de bactéries d’une surface en bois que d’une surface en polyéthylène. Le phénomène de séchage a été mis en avant par les auteurs pour expliquer cette différence. Par contre, en atmosphère très humide, les dénombrements des bactéries récupérées par la même technique étaient élevés pour les 2 surfaces. Des observations au Microscope Electronique à Balayage (MEB) ont aussi révélé qu’après une utilisation intensive des surfaces en polyéthylène, elles devenaient rugueuses, avec des anfractuosités. Revol-Junelles et al. (2000) ont démontré par mesure d’impédance, qu’aucune bactérie n’était détectée 24 h après la contamination artificielle de 2,4x102 E. coli sur une caisse en peuplier autoclavée sèche alors qu’un développement bactérien a été observé sur une surface en verre dans les mêmes conditions. Pour un taux d’inoculation supérieur (106 E.

coli), seules quelques bactéries étaient détectées après 145 h d’incubation à 25°C. Pour cette

expérimentation, l’humidité au moment de la contamination (après l’autoclavage) était de 17%. La perte de l’activité métabolique des bactéries sur le bois est liée au faible taux d’humidité du bois. Pour Miller et al. (1996), des substances contenues dans certains bois peuvent inhiber les flores indésirables. En effet, après 24 h de culture d’E. coli O157:H7 inoculée à 7 Log(UFC/ml) en présence d’extrait aqueux de frêne blanc à 37°C, aucune bactérie n’était détectable. Des cultures d’E. coli pIE639 et Enterococcus faecium en présence de sciures de 7 bois (pin, épicéa, érable, chêne, peuplier, mélèze et hêtre) et de chips en polyéthylène ainsi que le suivi de la survie de ces 2 bactéries sur ces mêmes bois et du polyéthylène ont permis d’émettre des recommandations pour utiliser le bois au contact des aliments : choix des essences (pin, chêne), bonne pratique d’utilisation et stockage au sec (Schönwälder et al., 2002 ; Milling et al., 2005). En effet, pour ces auteurs, l’activité antimicrobienne du bois est liée aux propriétés hygroscopiques et aux substances contenues dans les extraits aqueux des différentes espèces de bois, probablement des polyphénols (tanins ou flavonoides). Toutefois, Gough et Dodd (1998) ont démontré la possibilité de contaminations croisées pour les planches à découper en bois et en polyéthylène avec une persistance de S. Typhimurium plus importante sur le bois surtout s’il est usé.

88 Le bois peut être favorable à certaines bactéries puisque Kallioinen et al. (2003) ont démontré que le bois pouvait être utilisé comme source de carbone par Pseudomonas spp, Acronobacter spp et Rahnella aquatilis. Ces bactéries peuvent en effet se multiplier à partir de chips de bois d’épicéa dans des bioréacteurs sur 7 et 14 jours à 30°C.

2.3 Nettoyabilité du bois étudiée après contamination artificielle

Miller et al. (1996 ) ont comparé la nettoyabilité du bois et du polyéthylène avec de l’eau et différents détergents suite à un contact de 30, 60 et 90 min avec de la viande à 20°C. Ils concluent que le bois est aussi nettoyable voire plus que le polyéthylène. Par étude de la pénétration d’E. coli et de spores de Bacillus subtilis, Pretcher et al. (2002) ont démontré l’importance du sens des fibres de bois (pénétration maximum de 4 et 2,5 mm pour des fibres transversales et longitudinales). Le sens des fibres est tout aussi important pour la nettoyabilité du bois. Ainsi, après contamination par E. coli des surfaces de bois coupées longitudinalement et de polyéthylène recouvertes de matière grasse, le nettoyage par brossage à l’eau chaude avec du détergent était aussi efficace sur les 2 matériaux.

D’autres études ont reporté que les polymères inertes étaient significativement plus « hygiéniques ». Ainsi, Welker et al. (1997) ont démontré que l’usure des surfaces en bois après plusieurs nettoyages s’est révélée au MEB être plus importante que pour les surfaces en polypropylène. De plus, ce polymère est apparu plus nettoyable que le bois après inoculation de 106 UFC d’E. coli et analyse par ATPmétrie, suite à un nettoyage à 55°C avec un détergent, suivi d’une désinfection avec 200 ppm d’eau de Javel et un séchage d’1 à 2 h (Welker et al.,1997). Pour les auteurs, les surfaces en bois permettent la rétention des bactéries pendant le nettoyage à cause de leur structure poreuse. Pour Tebutt (1991), après contamination par E. coli, la surface du bois est en général fortement contaminée avant et après nettoyage (différents protocoles testés, avec ou sans hypochlorite). La présence d’anfractuosités à la surface du bois peut aussi être favorable aux bactéries (Boucher et al., 1998). En effet, la structure du bois, notamment les pores et les anfractuosités protégent Campylobacter jejuni du stress par aération en culture dans un milieu liquide, agité à 150 rpm, à 30°C. Ainsi, C. jejuni a été détecté à 105 UFC/ml dans la culture après 28 jours d’agitation, uniquement si des cubes de bois étaient placés dans la culture, alors que les bactéries n’étaient plus détectées à 5 jours d’agitation, en l’absence du bois.

89 Pour la désinfection, l’utilisation de micro-ondes de 450 à 600 g pendant 3 à 4 min permet une élimination quasi complète des cellules végétatives de E. coli , alors que ces ondes n’ont pas d’effet létal sur ces bactéries déposées sur des polymères (Park et Cliver, 1996).

En conclusion, sur la base des études décrites dans cette partie, la supériorité des polymères de synthèse sur le bois n’est toujours pas démontrée : la multiplicité des facteurs et la différence des conditions d’études ne permet pas de conclure, comme le suggérait déjà Carpentier (1997). Plusieurs facteurs apparaissent déterminants pour la survie ou l’inhibition des micro-organismes et la nettoyabilité du bois : la surface irrégulière, qui peut rendre le bois difficilement nettoyable, la porosité qui permet la pénétration des micro-organismes en profondeur mais aussi l’inhibition des micro-organismes par dessiccation en atmosphère sèche, et la présence de molécules inhibitrices pour certaines essences.

Plusieurs recommandations ont ainsi émergé de toutes ces études : une coupe longitudinale du bois pour diminuer la pénétration des micro-organismes, le choix d’essences spécifiques pour leur molécules inhibitrices et un stockage au sec pour favoriser la dessiccation du bois.