• Aucun résultat trouvé

Nous présentons ici quelques mécanismes de base (152), à partir de l’exemple des euro-dollars. Nous enregistrerons les opérations dans des bilans bancaires différentiels, tenus en variation d’actif et variation de passif (la variation étant notée Δ dans les tableaux suivants).

1 – Aux Etats-Unis, General Motors demande un crédit de 10 millions de dollars à la Chase ; on sait que la monnaie nouvelle créée apparaît en tant que dépôt de General Motors, au passif du bilan de la Chase.

Chase (153)

Variation d’actif Variation de passif Crédit à General Motors : + 10 Dépôt de General Motors : + 10 Il n’y a pas création d’euro-dollars, mais seulement de dollars.

2 – General Motors paie IBM, pour régler une dette qu’elle possède à l’égard de cette société et IBM dépose cette somme dans sa banque, la Citibank, aux Etats-Unis.

Chase (154) Citibank

Δ d’actif Δ de passif Δ d’actif Δ de passif

Dépôt de General

Motors : - 10 Dépôt d’IBM : + 10

Il n’y a toujours pas de création d’euro-dollars, mais circulation de dollars à l’intérieur du système bancaire américain.

3 – IBM veut placer son dépôt pour qu’il lui rapporte et constate que, pour une échéance donnée (par exemple, un an), la banque Barclays, à Londres, lui offre un taux plus intéressant que toutes les banques situées aux Etats-Unis. IBM transfère, alors, son dépôt de la Citibank vers la Barclays. En même temps, la Barclays, recevant un avoir en monnaie étrangère, voit le compte qu’elle possède auprès de sa correspondante aux Etats-Unis (par exemple la Morgan) crédité de la somme en question.

Citibank (155) Barclays

Δ d’actif Δ de passif Δ d’actif Δ de passif

Dépôt d’IBM : - 10 Dépôt chez Morgan : + 10 (compte de correspondant) Dépôt à terme d’IBM : + 10 Morgan (156) Δ d’actif Δ de passif Dépôt de Barclays : + 10 (compte de correspondant) (153) – Source : D’Arvisenet, Finance Internationale, 1983, p. 242. (154) – Source : D’Arvisenet, opcit, p. 242.

(155) – Source : D’Arvisenet, opcit, p. 242. (156) – Source : D’Arvisenet, opcit, p. 243.

Il y a création de 10 millions d’euro-dollars, puisqu’il y a apparition d’un dépôt en dollars à la banque Barclays, située hors du territoire américain. Toutefois, on constate que cette création d’euro-dollars ne s’accompagne d‘aucune contraction de la masse monétaire aux Etats-Unis, puisque la suppression du dépôt d’IBM est compensée par l’augmentation du dépôt dans la banque correspondante de Barclays. Ainsi, il n’y a pas, véritablement, « sortie » de dollars hors du territoire américain, mais création d’euro-dollars sans diminution, pour autant, de la masse monétaire américaine.

4 – La Barclays, qui doit rémunérer le dépôt d’IBM, va utiliser une partie de ce dépôt pour faire un crédit qui lui rapporte. Elle va prêter 80% de la somme à Rhône-Poulenc, gardant une fraction du dépôt d’IBM en réserve ; le crédit (qui est un « euro-crédit ») correspond à de la monnaie, libellée en dollars, disponible pour Rhône-Poulenc.

Barclays (157) Δ d’actif Δ de passif Crédit à Rhône-Poulenc : + 8 Dépôt de Rhône-Poulenc : + 8

Il y a création supplémentaire de 8 millions d'euro-dollars. On voit, avec cet exemple, que la croissance des euro-dollars est largement indépendante de la croissance de la masse monétaire des Etats-Unis, puisqu'elle se fait, de façon autonome, à partir de dépôts initiaux en euro-dollars. Si Rhône-Poulenc décide de transférer son dépôt dans une autre banque que la Barclays, banque située hors du territoire américain comme la Barclays, il pourra y avoir un nouveau crédit, en euro-dollars, à partir de ce nouveau dépôt. Ainsi, le processus peut théoriquement, se poursuivre à l'infini. Il n'est limité que par la demande d’euro-crédits des agents non bancaires et par la constitution de réserves par les banques qui ne prêtent qu'une fraction des dépôts reçus. De plus, il existe des fuites dans le système, liées à la possibilité qu'un euro-dollar soit converti en dollar, comme cela est exposé dans le point suivant.

5 – Rhône-Poulenc utilise une partie de son dépôt chez Barclays pour régler un achat (5 millions d'EUD) à une firme américaine, Universal-Cyclop, qui possède un compte dans une banque située aux États-Unis, la Bank of America. Le dépôt de Rhône-Poulenc chez Barclays diminue de 5 millions de dollars, ce qui correspond à une réduction d'un même montant de l'avoir de Barclays auprès de sa correspondante, la Morgan. Par contre, la Bank (157) – Source : D’Arvisenet, opcit, p. 243.

of America reçoit un dépôt nouveau de 5 millions de dollars :

Morgan (158) Barclays

Δ d’actif Δ de passif Δ d’actif Δ de passif

Dépôt de Barclays : - 5 Dépôt auprès de la Morgan : -5 Dépôt de Rhône Poulenc : - 5 Bank of America Δ d’actif Δ de passif Dépôt de Universal-Cyclop : + 5

Le stock d'euro-dollars, qui était de 18 millions après l'opération [note précitée 157], s'est réduit de 5 millions (il est passé à 13 millions), du fait que le paiement dont bénéficie Universal-Cyclop fait l'objet d'un dépôt dans le système bancaire résident des États-Unis (dépôt auprès de la Bank of America). La conversion d'euro-dollars en dollars provoque la diminution du stock d'euro-dollars. Par contre, à cause de la compensation entre la diminution du dépôt de la Barclays auprès de sa correspondante et l'accroissement des dépôts réalisés par un agent non bancaire (l’entreprise) auprès d'une banque résidente (Bank of America), la masse monétaire des États-Unis n'a pas varié. La destruction d'euro-dollars ne correspond à aucune « entrée » nette de dollars sur le territoire américain.

Pour résumer :

-a) il y a création d'euro-dollars dès qu'il y a dépôt nouveau de dollars dans le système bancaire situé hors du territoire américain, mais cette création ne correspond à aucune diminution de la masse monétaire américaine ;

b) il y a aussi création d’dollars lorsqu'une banque où existent des dépôts en euro-dollars fait des euro-crédits en euro-dollars à des agents non bancaires, et « le mécanisme de multiplication des euro-dollars » qui est lié à ce processus est quantitativement limité par les réserves que constituent les banques et par la conversion en dollars d'une partie des euro-dollars créés ;

c) cette conversion correspond à une destruction d'euro-dollars, sans pour autant que la masse monétaire américaine soit affectée.

Paragraphe II

« La théorie du multiplicateur de crédit » des euro-dollars.

En 1974, Michel Lelart [auteur de l’Article intitulé : « La multiplication européenne des dollars »] (159) a calculé un multiplicateur de crédit des euro-dollars en définissant :

 Un coefficient de réserve (a) par le rapport des avoirs en dollars des euro-banques placés aux U.S.A par rapport à leurs engagements en dollars envers le reste du monde.

 Un coefficient de liquidité (b) par « les avoirs en dollars du reste du monde » placés directement aux Etats-Unis par rapport à leurs avoirs en dollars dans les euro-banques et aux U.S.A.

Le multiplicateur de crédit est obtenu à partir des deux ratios, à partir de la formule suivante (160) :

1 M =

a + b - ab

Le multiplicateur est égal au rapport des avoirs du reste du monde en dollars aux engagements de l’économie américaine envers les non-résidents.

L’auteur ci-dessus cité obtient 1,523.

A notre sens – Un « multiplicateur de crédit des euro-dollars » se caractérise par trois éléments : un multiplicande, un coefficient de déperdition et un coefficient d’induction.

– « Le coefficient multiplicateur » est égal au rapport du montant des crédits accordés à la clientèle non bancaire à l’encaisse disponible en monnaie fiduciaire ; cette encaisse (sauf bien entendu celle disponible en billets de banque) se trouve sous forme d’avoirs auprès des banques sises aux Etats-Unis, qui seules peuvent opérer des transferts et des émissions fiduciaires en dollars, leur monnaie nationale ;

– « Le coefficient de multiplication des crédits » varie en fonction des coefficients de fuite et de réserves obligatoires.

Le système des relations entre les banques avec l’utilisation des écritures pour créditer et débiter les comptes de correspondants permettent le fonctionnement du marché des euro-monnaies, (les prêts donnant, en effet, des dépôts : Loans Make Deposits).

(159) – Rev. Banque, 1974, n° 376, p. 40, Cf. Boukrami – Les mécanismes financiers et monétaires internationaux, E.N.A.P E.NA.L, 1986, p. 43.

Au niveau interne, les banques primaires sont soumises à un contrôle strict qui est bien plus délicat à mettre en œuvre lorsqu’il s’agit des euro-banques.

Lorsque l’on compare la progression des engagements extérieurs américains vis-à-vis des détenteurs privés et celle des engagements en euro-dollars, on constate que la seconde est environ cinq fois plus forte que la première pour une période de 10 années (1964-1973). « La théorie du multiplicateur » de crédit semblait fournir une explication satisfaisante. Pour nombre d’auteurs, la croissance du marché des euro-dollars résulte d’une création monétaire effectuée par l’ensemble des euro-banques. On est alors en droit de se demander si la notion « de risque d’intermédiation » possède encore une quelconque signification dans la mesure où le marché serait capable de « créer » des dollars nécessaires à son fonctionnement.

Paragraphe III