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tout est mécanique !

Dans le document Rions ! La place du rire en architecture (Page 57-61)

‘‘ Les attitudes, gestes et mouvements du corps hu- main sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps

nous fait penser à une simple mécanique. [...] Le comique est

du mécanique plaqué sur du vivant.’’5

Selon Bergson, notre rire vient dès lors qu’un mécanisme s’impose chez quelqu’un malgré lui. La chute d’un homme qui marche et tombe en trébuchant sur une racine tirera son pouvoir comique de la raideur de sa démarche qui l’a empêché d’agir avec souplesse en adaptant sa foulée.

‘‘Rire, c’est se réjouir d’un préjudice, mais avec bonne conscience.’’6

5 Henri Bergson, op.cit.

6 Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, Chemnitz, E. Schmeitzner, 1882

Homme au parapluie chutant à vélo

http://www.gentside.com/chute/chute-velo-1_pic1589.html, [consulté le 02/04/2016]

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A p p r e n o n s !

Toute la théorie du Rire du philosophe français est en effet construite autour de ce fait : afin d’évoluer dans notre environnement, nous devons à chaque instant faire preuve de ‘‘souplesse’’. Si un obstacle - matériel ou intellectuel - se dresse sur notre chemin, c’est cette souplesse qui nous permettra de l’éviter. En revanche, si nous faisons preuve de ‘‘raideur’’, c’est-à-dire si nous perpétuons dans mouvement automatique, le comique apparait. Bien que persuadés du contraire, nous agissons en fait comme des pantins dont les ficelles sont tirées par une mécanique qui nous échappe.

La première illustration de cet effet comique se trouve dans l’archi- tecture canard. Ce terme désigne les édifices qui prennent la forme de leur fonction. Une cordonnerie est ainsi construite en forme de chaussure tandis qu’une usine de paniers est logiquement édifiée en forme de... devinez quoi : panier !

Ces architectures canards naissent d’un raccourci immédiat risible où l’architecte décide, non sans dérision, de la forme suivant ce que le bâtiment produit, comme s’il obéissait bêtement à une logique immé- diate et implacable.

De la même manière, la parodie et la caricature trouvent leur pou- voir comique dans le fait qu’elles révèlent au grand jour les mécanismes qui se sont imposés aux gens malgré eux. Elles nous donnent à voir les fils de la marionnette : toutes ces raideurs qu’on n’avait pas su voir, mais qui sont mises en lumière à travers le talent du caricaturiste.

Les élégantes écailles de l’opéra de Sydney de Jørn Utzon sont ainsi détournées en accouplement libertin de tortues; où les carapaces des reptiles viennent s’emboîter amoureusement les unes dans les autres;

Longaberger Company, Newark, États-Unis, 1977, Photographie de B. Stettler

Bluffton, https://www.bluffton.edu/homepages/facstaff/sullivanm/longa/longa.html, [consulté le 14/02/2016]

ANON, Cordonnerie Deschwanden, Bakersfields, États-Unis, 1951

Charles Jencks, Architecture Bizarre, Londres, Academy Editions, 1979, 80 p.

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p e t i t i n v e n t a i r e t h é o r i q u e

comme si c’était cette logique là que l’architecte avait suivi pour dessiner son opéra. Pareillement, la stratification des tours jumelles Petronas de Kuala Lumpur est caricaturée en un binôme d’épis de maïs... Donnant l’illusion que Cesar Pelli s’est réellement inspiré de l’herbacée pour tra- vailler l’esthétique de ses tours.

Après avoir vu ces détournements, en regardant à nouveau les édifices originaux, difficile d’effacer de sa mémoire la ‘‘raideur’’ révélée par les caricaturistes.

Dessin d’étudiants australiens publié dans Architecture in Australia, 1974

Charles Jencks, The Language of post-modern architecture, Londres, Academy Editions, 1977, 104 p.

Jørn Utzon, Sydney Opera House, Sydney, Australie, 1973, Photographie de Hirsty

http://www.sydney.com/sydney-life/things-to-do/featured-photographer-richard-hirst-hirsty/, [consulté le 07/02/2016]

Publicité de Nelson’s, un distributeur malaisien de maïs, 2013

Philippe Trétiack, L’architecture à toute vitesse : 56 règles glanées autour du monde, Paris, Seuil, 2016, 304 p.

Cesar Pelli, Petronas Towers, Kuala Lumpur, Malaisie, 1998, Photographie de Georg Wittberger

ArchDaily, http://www.archdaily.com/105895/ad-classics-petronas-towers-cesar-pelli, [consulté le 02/04/2016]

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A p p r e n o n s !

L’ironie

‘‘Tantôt on énoncera ce qui devrait être en feignant de croire que c’est précisément ce qui est :

en cela consiste l’ironie.

Tantôt, au contraire, on décrira minutieusement et méticuleusement ce qui est, en affectant de croire

que c’est bien là ce que les choses devraient être : ainsi procède souvent l’humour.’’7

Confondre l’humour et l’ironie est un abus de langage. En effet, ces deux concepts sont quasiment opposés.

Attention cependant, un même événement peut être abordé de di- verses manières, l’une ironique et l’autre humoristique. Prenons l’exemple d’un nain passant sous une porte. Une porte classique, de dimension normale. L’ironie voudrait par exemple que l’on demande à cet individu si la porte n’est pas trop basse pour lui. Tandis que l’humour voudrait voir ce même nain passer la porte en se voûtant. Relisez-donc la défini- tion donnée par Bergson ci-dessus, la distinction est assez claire.

Il est important de préciser que, dans ce mémoire, nous ne traite- rons jamais d’ironie. Nous nous contenterons d’aborder l’humour. Il y a en effet une générosité dans ce dernier qui dénote avec l’ironie et que nous étudierons ensemble par la suite.

“Humour, c’est amour ; ironie, c’est mépris.”8

7 Henri Bergson, op. cit.

8 Dominique Noguez, L’Arc-en-Ciel des Humours, Paris, LGF, 2000

Portes en bois. Adulte et enfant

https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/originals/f7/1a/ba/f71abad643b8cbd60089e877ff02488c.jpg, [consulté le 01/06/2016]

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