• Aucun résultat trouvé

Approches usuelles des m´ ecanismes de refroidissement du manteau

3.2 Approches param´ etriques

3.2.1 Lois d’´ echelle

Il est possible d’´etudier l’´evolution des pertes de chaleur en surface en partant des ´equations qui r´egissent la convection du manteau. Cela consiste `a ´ecrire les ´equations de conservation de la masse, de la quantit´e de mouvement et de l’´energie pour un syst`eme ferm´e, avec des grandeurs adimensionn´ees (Turcotte et Schubert, 2002). L’utilisation de telles grandeurs facilite `a la fois l’impl´ementation num´erique et la comparaison de l’importance des ph´enom`enes dans des contextes vari´es. Ici, nous consid´erons une particule de fluide en ´ecoulement incompressible dans une couche d’´epaisseur d pr´esentant un saut de temp´erature vertical ∆T . Le fluide est caract´eris´e par sa diffusivit´e thermique κ, sa conductivit´e thermique k, son coefficient de dilatation thermique α et sa viscosit´e cin´ematique ν (aussi appel´ee diffusivit´e visqueuse). Nous nous pla¸cons dans le cadre de l’approximation de Boussinesq : les variations de masse volumique ne sont prises en compte que dans le terme de pouss´ee

d’Archim`ede. Les valeurs de r´ef´erence sur lesquelles l’adimensionnement des grandeurs physiques est bas´e sont r´epertori´ees dans le tableau 3.1. Dans la suite de ce chapitre, nous chercherons donc `a ´etablir des ´equations adimensionn´ees.

Variable Grandeur caract´eristique

Longueur d : ´epaisseur totale de fluide

Temp´erature ∆Tt : saut total de temp´erature dans le fluide

Temps d2

/κ : temps diffusif

Vitesse κ/d : vitesse prise sur le temps diffusif

Pression κµ/d2

: pression visqueuse Chauffage interne H = hk∆Td2

t : chauffage interne adimensionn´e Flux de chaleur Q = qk∆Td

t : flux de chaleur adimensionn´e

Table 3.1 – Grandeurs caract´eristiques utilis´ees pour adimensionner les ´equations de la convection. Source : Grign´e (2003).

Pour un ´ecoulement d´ecrit par un champ de vitesse −→v , la conservation de la masse s’´ecrit :

div(−→v ) = 0 (3.2)

La conservation de la quantit´e de mouvement est exprim´ee par l’´equation de Navier-Stokes adimensionn´ee : κ ν  ∂−→v ∂t + (−v .∇) −v= −∇p + ∇2−→v −gα∆Tt d3 κν θ −ez (3.3)

o`u l’on a introduit la temp´erature adimensionn´ee θ = T − To

∆T et la surpression p (aussi appel´ee pression dynamique ), le terme de gravit´e ρg ´etant compens´e par la pression lithostatique.

La conservation de l’´energie s’´ecrit enfin : ∂θ

∂t + −v .∇θ = ∇2

θ + H (3.4)

o`u H est le taux de chauffage interne d’origine radioactive.

L’´equation (3.3) peut ˆetre r´e´ecrite en utilisant le nombre de Rayleigh Ra et le nombre de Prandtl P r d´efinis au chapitre 2 :

Ra = αg∆T d

3

κν

P r = ν κ

Nous avons vu que dans le manteau, nous pouvions consid´erer P r infini et Ra entre 106

et 108

, ce qui nous permet de n´egliger les termes inertiels de l’´equation (3.3).

Dans la suite de ce chapitre, par souci de simplicit´e, nous nous int´eresserons au cas simple de la convection de Rayleigh-B´enard, caract´eris´ee par des cellules de convection de mˆeme taille, avec une surface libre et un chauffage purement basal (Turcotte et Schubert, 2002). Le lecteur int´eress´e par l’impact de continents impos´es en surface pourra se r´ef´erer `a la th`ese de C´ecile Grign´e qui reprend tous les calculs en d´etail (Grign´e, 2003). L’influence de la conductivit´e finie des continents y est ´etudi´ee de fa¸con syst´ematique, pour la distinguer de celle du couplage m´ecanique des continents avec le fluide mantellique visqueux. La longueur d’onde de la convection induite par l’existence des continents fait aussi l’objet de deux articles (Grign´e et al., 2007a,b). Par ailleurs, le lecteur int´eress´e par le rˆole du chauffage interne radioactif peut se r´ef´erer `a l’ouvrage de Turcotte et Schubert (2002) ainsi qu’aux ´etudes param´etriques de Sotin et Labrosse (1999) et de Moore (2008).

Dans le cas de Rayleigh-B´enard, pour un nombre de Rayleigh mod´er´e, on peut observer que dans une couche convective deux ´echelles spatiales sont mises en ´evidence : l’´epaisseur d de la couche et la largeur L des cellules de convection qui apparaissent. Il est alors possible de construire un mod`ele de boucle pour d´ecrire la dynamique de la couche fluide, et simplifier ainsi `a l’´echelle de la cellule les ´equations de la convection (Turcotte et Oxburgh, 1967). Dans cette approche, on se place en r´egime stationnaire, et les panaches chaud et froid qui d´efinissent les bords d’une cellule ont des positions fixes. On consid`ere la cellule de convection comme un syst`eme ferm´e qui n’´echange pas d’´energie lat´eralement. Un cycle de convection de cette boucle est d´ecompos´e en huit ´etapes, comme indiqu´e sur la figure 3.3 :

(a) Le fluide transport´e par le panache chaud arrive en surface et s’´etale de part et d’autre du panache sous la surface sup´erieure.

(b) Ce fluide, juste `a proximit´e du panache et quand il vient de passer le coin de la cellule, est `a la temp´erature moyenne du fluide, c’est-`a-dire `a la temp´erature du cœur bien m´elang´e du fluide Ti.

(c) Au contact de la surface sup´erieure, qui est `a temp´erature fixe T0, le fluide se refroidit par conduction et la couche limite sup´erieure s’´epaissit lors de son transit en surface `a la vitesse u.

(d) Le fluide plonge dans la cellule `a la vitesse w au niveau du panache froid.

(e) Le panache froid s’´etale sur la surface inf´erieure.

(f) La temp´erature `a proximit´e du panache froid est T = Ti.

(g) La couche limite thermique inf´erieure s’´epaissit au contact de la paroi inf´erieure qui est `

a la temp´erature T = T0+ ∆T .

(h) Le panache chaud est cr´e´e.

Nous avons vu dans la section 2.2 que le manteau terrestre actuel ´etait un fluide bien m´elang´e, ce qui justifie que les couches limites thermiques voient des temp´eratures homog`enes vers des profondeurs infinies. `A l’int´erieur de ces couches, le profil de temp´erature est donc d´ecrit en fonction de l’ˆage τ de la lithosph`ere et de la profondeur z par un mod`ele de demi-espace infini : T (z, τ ) = T0 + (Ti− T0) erf  z 2√ κτ  (3.5)

Figure 3.3 – Mod`ele de boucle sur une cellule de convection de largeur L et de hauteur d, d’apr`es Turcotte et Oxburgh (1967) et Grign´e (2003).

o`u erf est la fonction d’erreur de Gauss (Turcotte et Schubert, 2002).

Le flux de chaleur en surface est d´efini par :

q = k ∂T ∂z



z=0

(3.6)

ce qui donne avec l’expression (3.5) :

q = kTi− T0

πκ t (3.7)

Le temps t qui intervient dans (3.7) peut ˆetre remplac´e par x/u, o`u x est la position du fluide (d´efinie sur la figure 3.3) et u la vitesse du fluide dans la couche limite, qui est suppos´ee constante en fonction de x. Les couches limites sont minces et cette vitesse u peut ˆetre consid´er´ee comme homog`ene en z sur toute l’´epaisseur de la couche limite. On obtient donc :

q(x) = k (Ti− T0)  u πκ x

1/2

(3.8) et en int´egrant sur toute la largeur de la cellule, on obtient le flux surfacique moyen en surface : qt= 1 L Z L 0 q(x)dx = 2k (Ti− T0)  u πκ L 1/2 (3.9)

Il reste donc `a trouver une expression de u pour obtenir le flux de chaleur en fonction du nombre de Rayleigh du fluide et de Ti. Cette vitesse horizontale est obtenue via l’´equilibre (2.11) des puissances d´evelopp´ees par la pouss´ee d’Archim`ede et le frottement visqueux :

0gα u ∆T  κL πu 1/2 d = µ 4u2 L d + 4w2 d L  (3.10)

En ajoutant la conservation de la masse sur la boucle

w L = u d (3.11)

pour ´eliminer la vitesse verticale w, on peut ´ecrire la forme dimensionn´ee de la vitesse horizontale en surface : u = κ d Ra2/3 π1/3  ∆T ∆Tt 2/3 L1/3 22/3d1/3L d +Ld33 2/3 (3.12)

ainsi que celle du flux surfacique moyen en surface :

qt= 2 k(Ti− T0)4/3 ∆Tt1/3 Ra1/3 π2/3 1 d2/3 L1/3L d +Ld33 1/3 (3.13)

et apr`es adimensionnalisation compl`ete des grandeurs physiques utilis´ees :

U = Ra √π 2/3 (Ti− T0)2/3 L (L2+ L−2)2/3 (3.14) Qt= Ra1/3 (Ti− T0)4/3 2 π2/3(L2+ L−2)1/3 (3.15)

Les lois d’´echelle ainsi obtenues d´ecrivent de fa¸con satisfaisante le comportement d’un fluide convectif pr´esentant les caract´eristiques physiques et g´eom´etriques du manteau terrestre (Turcotte et Schubert, 2002). Des am´eliorations ont ´et´e apport´ees par Grign´e (2003) et Grign´e et al. (2005), d´emontrant un accord probant entre ces lois param´etr´ees et les simulations num´eriques de la convection mantellique qui sont pr´esent´ees dans la section 3.3. Cependant, nous pouvons noter qu’une telle approche, consid´erant un ´etat stationnaire, propose une vitesse de plaque qui ne d´epend que du nombre de Rayleigh Ra et de la taille L de la cellule : elle est ind´ependante de l’histoire de la subduction. Autrement dit, c’est un syst`eme qui n’a pas de m´emoire, contrairement `a ce qui est observ´e sur Terre, o`u les plaques dont la partie plongeante est profonde sont plus rapides (e.g., Gripp et Gordon, 2002).

Plusieurs mod`eles ont propos´e de faire ´emerger dans les simulations num´eriques des plaques rigides en surface d’un syst`eme convectif, en utilisant une loi de viscosit´e d´ependant de la temp´erature (e.g., Moresi et Solomatov, 1998; Tackley, 2000a,b). Cela permet d’avoir une forte viscosit´e en surface et un fluide moins visqueux dans le manteau bien m´elang´e. Une loi exponentielle, contrainte par des exp´eriences analogiques, est g´en´eralement utilis´ee pour d´ecrire cette d´ependance (Karato et Wu, 1993). Une condition de fluage au-dessus

d’une valeur limite de la contrainte en un point de la surface permet alors d’observer un comportement de plaques rigides surplombant des cellules de convection. C’est aussi ce qui est propos´e par Grign´e et al. (2005), qui ont ensuite montr´e que l’expression (3.15) du flux total Q obtenu dans le mod`ele de Rayleigh-B´enard ´etait encore valable pour un comportement de plaques rigides en surface, avec des tailles de cellules terrestres, c’est-`a-dire de rapport d’aspect L/d inf´erieur `a 5. Les mod`eles de boucle, avec ou sans plaques, proposent donc un flux qui ne d´epend que de Ra et de L, mais qui d´ecrit de fa¸con satisfaisante le comportement thermique d’un fluide convectif simul´e num´eriquement, pour diff´erentes valeurs du nombre de Rayleigh et de la largeur des cellules de convection (Grign´e et al., 2005). Par contre, on notera que par d´efinition, ces mod`eles ne permettent pas de d´ecrire le comportement thermique d’une plaque ne poss´edant pas de partie plongeante, ce qui est un cas relativement courant sur Terre : par exemple pour la plaque africaine bord´ee de dorsales, ou pour la plaque sud-am´ericaine qui voit Nazca plonger sous elle.

Nous retiendrons des lois d’´echelle qu’elles d´ecrivent correctement l’´etat thermique obtenu par la simulation num´erique (e.g., Grign´e et al., 2005, 2007a) ou analogique (e.g., Davaille et Jaupart, 1993) d’une couche fluide qui pr´esente les caract´eristiques physiques et g´eom´etriques de la Terre actuelle. Cependant, les reconstructions tectoniques r´ecentes sugg`erent que l’´etat actuel de la plan`ete est un ´etat transitoire particulier, une photographie `a un moment donn´e de son histoire thermique (Becker et al., 2009). Ces reconstructions mettent en ´evidence une forte d´ependance du flux de chaleur aux fluctuations de la dynamique des plaques. Pour rendre compte de cette d´ependance temporelle, les lois param´etriques doivent se doter d’une expression analytique de L(t) (Grign´e et al., 2005), mais il est difficile de faire des propositions dans ce sens, car la tectonique des plaques d´epend dans une large mesure de processus mal connus, tels que l’initiation de la subduction ou la migration des fosses de subduction (e.g., Nikolaeva et al., 2010; Lallemand et al., 2008). N´eanmoins, si nous faisons tout d’abord abstraction des fluctuations tectoniques `a court terme, le caract`ere analytique des lois d’´echelle pr´esente un avantage ind´eniable : celui de pouvoir ´etudier l’´evolution `a long terme de la temp´erature du manteau. Nous allons donc maintenant nous int´eresser aux diff´erentes approches param´etriques du refroidissement du manteau, qui ont ´et´e propos´ees pour respecter les contraintes g´eologiques bornant la chute de temp´erature `a 200 K sur 3 Ga (cf. section 2.5).