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Simulation multi-agents des syst` emes physiques complexes

4.2 Etat de l’art ´

Les syst`emes multi-agents sont utilis´es dans des domaines extrˆemement vari´es, et font pour cette raison l’objet de d´ebats pouss´es sur la m´ethodologie et la mise en œuvre des

agents dans les simulations num´eriques. Ces d´ebats d´epassent largement le cadre de notre ´etude, mais le lecteur qui s’int´eresse davantage `a l’impl´ementation des syst`emes multi-agents pour la simulation physique, qu’au refroidissement du manteau terrestre, pourra lire avec profit les expos´es de Sycara (1998) et de Moreau (2005) sur l’orchestration des interactions entre agents. Des ´etudes plus d´etaill´ees sont aussi propos´ees dans les manuscrits de th`ese de John Tranier (2007) et de Pierre Bommel (2009), ce dernier insistant sur les pi`eges de con-ceptualisation dans lesquels un mod´elisateur peut tomber, en voulant simuler un ph´enom`ene complexe `a partir de syst`emes multi-agents. L’auteur insiste notamment sur la question de la validation des mod`eles, car de nombreuses ´etudes prˆetent plus de qualit´es et de propri´et´es `a certains syst`emes multi-agents qu’ils n’en comportent en r´ealit´e, mettant en cause la rigueur et la lisibilit´e des mod`eles :Il s’agit moins d’erreurs de codage que de probl`emes de gestion approximative des interactions ou d’activation des agents qui peuvent remettre en cause leur fiabilit´e. Souvent sous-estim´ees, ces approximations produisent des art´efacts et on risque d’attribuer par erreur des propri´et´es `a un mod`ele.Nous souscrivons `a la conclusion de cette ´etude comparative, qui pr´econise d’expliciter au mieux toutes les articulations d’un mod`ele, pour permettre sa critique fine et la r´eplication des exp´eriences in virtuo qu’il propose. Il en va des syst`emes multi-agents comme des d´emonstrations en sciences physiques : leur r´efutabilit´e conditionne leur fiabilit´e, et par l`a mˆeme, leur int´erˆet.

Les SMA ´etant un paradigme de simulation, les domaines dans lesquels ils sont appliqu´es sont nombreux et leurs objets d’´etude diff`erent beaucoup d’un mod`ele `a l’autre. Pour cette raison, de nombreuses tentatives d’´elaborer des plates-formes g´en´eriques de simulation ont ´et´e publi´ees depuis les ann´ees 1990 (e.g., Minar et al., 1996; Ferber et Gutknecht, 1998; Marcenac et Giroux, 1998; Obst et Rollmann, 2005; Desmeulles et al., 2009), sans que leur g´en´ericit´e ait permis `a un mod`ele particulier de sortir du lot. Dans la pr´esente ´etude, nous nous int´eressons plutˆot `a des mod`eles qui ont adapt´e leur impl´ementation `a la nature (continue, discr`ete, analytique, empirique, stochastique...) du ph´enom`ene ´etudi´e et `a la connaissance qu’en ont les experts du domaine d’application. Des ´etudes de ce type ont ´et´e men´ees en biologie sur la coagulation du sang (Kerdelo et al., 2002; Kerdelo, 2006) ou sur sa circulation dans le corps humain (Buti et al., 2010). La m´ecanique des fluides ´etant typiquement un domaine dans lequel la gestion des conditions aux limites est primordiale, les SMA ont aussi ´et´e developp´es pour l’´etude des processus de ruissellement et d’´erosion (Servat, 2000), ainsi que pour la simulation interactive d’´ecoulements r´ealistes sur des obstacles mobiles (M¨uller et al., 2003). Cet exemple illustre une gestion efficace des conditions aux limites, puisque les particules de fluide agentifi´ees d´etectent en temps r´eel la force exerc´ee sur un verre d’eau par l’utilisateur de la simulation. Cette simulation interactive est illustr´ee sur la figure 4.1 dont les images vid´eo d´efilent `a raison de 5 `a 25 images par seconde, selon la r´esolution d´esir´ee. Une application des SMA `a la simulation des ´etats de mer (Parentho¨en et al., 2004; Parentho¨en et Tisseau, 2005) utilise quant `a elle la superposition de mod`eles analytiques et ph´enom´enologiques pour simuler l’interaction de plusieurs trains d’ondes dans des conditions de vent et de courants vari´ees. La superposition de ces mod`eles de natures diff´erentes permet de d´ecrire une mer agit´ee de fa¸con cr´edible et en temps r´eel (figure 4.2), ce qui n’est pas accessible par les simulations num´eriques classiques. Il y a bien sˆur une contrepartie `a cela : la simulation multi-agents ne consiste pas `a r´esoudre sur un maillage volumique les ´equations de la dynamique des fluides, donc la vitesse et l’´energie d’une particule fluide ne sont pas recalcul´ees ind´ependamment `a chaque pas de temps. Dans cette approche heuristique, le volume du fluide est d´ecrit continument par des fonctions descriptives donnant la vitesse de

Figure 4.1 – Simulation multi-agents interactive en m´ecanique des fluides. a,b) La simulation de ce verre d’eau soumis `a une force appliqu´ee en temps r´eel par l’utilisateur via sa souris, est bas´ee sur l’interaction de 1300 particules seulement, permettant d’afficher 25 images par seconde. c) La mˆeme simulation, utilisant 3000 particules de fluide et un algorithme de triangulation des effets de surface, affiche 5 images par seconde. Source : M¨uller et al. (2003).

l’´ecoulement. Le principe de superposition qui caract´erise les SMA permet par ailleurs le couplage de ce mod`ele d’´etats de mer `a un mod`ele multi-agents de pilote automatique de voilier (Guillou, 2007, 2011).

Le principe des SMA est aussi utilis´e de longue date dans les simulations de dynamique mol´eculaire, qui consistent `a d´ecrire l’´evolution d’un syst`eme de particules `a partir de leurs comportements individuels (e.g., Alder et Wainwright, 1959; Allen et Tideslay, 1989; Frenkel et Smit, 2001). Les d´eveloppements r´ecents de ce domaine, dont nous allons d´etailler un exemple, permettent de r´eduire les temps de calcul en mettant `a profit l’autonomie des entit´es simul´ees (e.g., Coulon et al., 2008; Combes et al., 2010a). Enfin, l’approche multi-agents commence `a ˆetre utilis´ee dans le domaine des ondes ´electromagn´etiques pour quantifier la propagation, l’absorption et la r´eflexion d’ondes radar ou de micro-ondes dans un milieu complexe (Chenu et al., 2009, 2010; Chenu, 2011). Ce domaine se prˆete partic-uli`erement bien `a la superposition d’agents en interaction, puisque la lin´earit´e des ´equations de Maxwell permet de d´ecrire des ph´enom`enes complexes en superposant directement des champs ´electromagn´etiques. Des applications aux processus de diffraction, d’interf´erences et de filtrage sont donc tout-`a-fait envisageables `a court terme.

Nous limitons cet ´etat de l’art `a la simulation de processus physiques, cependant il faut signaler que l’approche multi-agents a aussi remport´e un franc succ`es dans des do-maines apparemment ´eloign´es tels que l’´economie (e.g., Lux, 1998; Lux et Marchesi, 1999; Tesfatsion, 2002; Preis et al., 2006) ou l’´ecologie (e.g., Persson et Diehl, 1990; Parker et al.,

Figure 4.2 – Simulation multi-agents d’´etats de mer. La propagation des trains d’onde et la circulation du vent sont d´ecrits dans le mod`ele IPAS par des sous-mod`eles oc´eanographiques. Les courants marins et l’impact de la bathym´etrie sur la propagation de la houle sont d´ecrits empiriquement. Source : Parentho¨en et al. (2004).

2004). En revanche, nous n’avons quasiment pas r´epertori´e de simulations multi-agents ap-pliqu´ees `a un syst`eme g´eophysique, en dehors d’un outil d’aide `a la pr´ediction d’´eruptions volcaniques (Marcenac et Giroux, 1998). Un mod`ele individu-centr´e bas´e sur des automates cellulaires a cependant ´et´e propos´e pour d´ecrire le comportement des failles de d´ecrochement (Narteau, 2007) et la dynamique des dunes de sable (Narteau et al., 2009; Zhang et al., 2010).

Le lecteur sera peut-ˆetre surpris de voir que les ´etudes cit´ees ici regroupent des mod`eles qui utilisent des agents individu physique (Coulon et al., 2008; Combes et al., 2010a), des agents interaction (e.g., Desmeulles et al., 2009), des agents ph´enom`ene (e.g., Parentho¨en et al., 2004; Kerdelo, 2006), ou encore des agents interface (e.g., Combes et al., 2010a). Certains ouvrages distinguent clairement ces entit´es, d’autres affirment qu’il est impropre de parler d’agents dans tous les cas de figure. Qu’il soit cependant permis de penser que ces distinctions ne modifient en rien le principe de superposition sur lequel nous basons la mod´elisation des syst`emes complexes. Nous consid`ererons donc dans tout le reste de cette ´etude qu’un agent peut d´esigner indiff´eremment un objet physique, une interaction, une interface, ou un ph´enom`ene. Nous illustrerons ce point de vue par la mise en œuvre d’agents de natures vari´ees en interaction, pour l’exp´erimentation in virtuo de la thermodynamique des gaz et du refroidissement du manteau terrestre.

4.3 Application des SMA `a un exemple acad´emique :