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Deux ou trois choses que je sais d’elle

2.2 M´ ecanique du syst` eme Terre

2.2.3 Forces motrices et forces r´ esistives

La comp´etition entre les processus de diffusion thermique et de diffusion de quantit´e de mouvement (frottement visqueux) est d´ecrite par un rapport sans dimension appel´e nombre de Prandtl not´e P r, et d´efini par :

P r = ν

Figure 2.13 – Sch´ema bilan du couplage entre plaques tectoniques et manteau convectif. Les cellules de convection du manteau sont born´ees par des courants chauds ascendant `a l’aplomb des dorsales, et des courants froids descendant au niveau des zones de subduction.

Le nombre de Prandtl est une caract´eristique intrins`eque du mat´eriau qu’il d´ecrit, car con-trairement au nombre de Rayleigh, il est ind´ependant des conditions physiques ext´erieures et de la g´eom´etrie du probl`eme. Les param`etres du tableau 2.1 donnent P r ≃ 1025

, ce qui signifie que l’´ecoulement visqueux contrˆole le transfert thermique dans le manteau. Autrement dit, le champ de vitesse s’ajuste `a tout instant au champ de temp´erature. Il est ´equivalent de dire que Pr contrˆole l’´epaisseur relative des couches limites thermiques et visqueuses du manteau : pour un nombre de Prandtl consid´er´e ici comme infini, la quantit´e de mouvement est diffus´ee beaucoup plus vite que l’´energie thermique, donc la couche limite thermique, d’une centaine de kilom`etres d’´epaisseur, est beaucoup plus fine que la couche limite visqueuse, qui s’´etend `

a travers tout le manteau. Par ailleurs, on peut montrer en adimensionnant la conservation de la quantit´e de mouvement d’une particule fluide (´equation de Navier-Stokes), qu’`a grand nombre de Prandtl, les termes inertiel et convectif sont n´egligeables devant les termes diffusifs (e.g., Turcotte et Schubert, 2002; Grign´e, 2003). Cela revient `a dire que le manteau convectif est en ´etat d’´equilibre permanent. `A l’´echelle d’une plaque lithosph´erique, on peut ´ecrire simplement que la somme des forces exerc´ees sur une plaque est nulle `a chaque instant.

De nombreuses ´etudes se sont attach´ees `a d´ecrire les forces exerc´ees sur une plaque et `a ´evaluer leur intensit´e relative (e.g., Forsyth et Uyeda, 1975; Carlson, 1983; Conrad et Hager, 1999a; Becker et O’Connell, 2001). Nous en retiendrons les principales, qui sont pr´esent´ees sur la figure 2.14 : traction gravitaire de la plaque plongeante (slab pull ), r´esultante des forces de pression au niveau des dorsales (ridge push), frottements visqueux avec le manteau (drag force, slab drag), force de succion (suction) et r´esistance visqueuse intra-plaque (bending, non repr´esent´e).

Figure 2.14 – Sch´ema des principales forces exerc´ees sur une plaque. Source : A.B. Weil, University of Michigan. Traduction des intitul´es dans le texte.

Toutes les ´etudes s’accordent `a dire que la force motrice la plus importante est la traction gravitaire exerc´ee par la partie de la plaque plongeanteimmerg´ee dans le manteau. Le poids de la plaque plongeante (slab) est parfois d´ecompos´e en deux contributions. Conrad et Lithgow-Bertelloni (2002) expliquent notamment que l’on retrouve correctement les vitesses des plaques terrestres actuelles si l’on consid`ere que le poids de la partie plongeante situ´ee dans le manteau sup´erieur est support´e par la plaque horizontale en surface, et que le poids du reste de la plaque est support´e par le manteau inf´erieur, ce qui a pour cons´equence d’entraˆıner la plaque horizontale via la circulation r´esultante du manteau. Cette seconde contribution, explicit´ee sur le sch´ema de la figure 2.15, sera appel´ee force de succion (suction force) dans la suite de cette ´etude. Notons que cette force entraˆıne la circulation du manteau visqueux dans les deux cellules adjacentes, ce qui peut contribuer significativement au d´eplacement d’une plaque qui ne dispose pas de traction gravitaire de plaque plongeante.

Figure 2.15 – Sch´ema de d´ecomposition du poids de la plaque plongeante en deux contributions : la traction gravitaire dans le manteau sup´erieur et la force de succion dans le manteau inf´erieur. Cette derni`ere entraˆıne une circulation du manteau dans les deux cellules adjacentes. Source : Conrad et Lithgow-Bertelloni (2002).

La troisi`eme force motrice consid´er´ee est la r´esultante des forces de pression au niveau d’une dorsale. Elle r´esulte d’un d´es´equilibre de pression existant `a des profondeurs de moins de 100 km, du fait de l’´el´evation de l’axe de la dorsale jusqu’`a 2000 m au dessus des fonds oc´eaniques. En effet, la r´epartition de masse dans les enveloppes superficielles de la Terre montre que les bosses et les creux de la surface topographique (montagnes, nappes phr´eatiques, etc.) sont pour l’essentiel compens´es par des d´eficits ou des exc`es de masse, conduisant `a un ´equilibrage des forces de pression sous une ligne imaginaire appel´eeniveau de compensation isostatique. La lithosph`ere se situant au-dessus de ce niveau, la pression produite `a une profondeur donn´ee par l’exc`es d’´el´evation de la ride oc´eanique est plus forte que la pression exerc´ee par la partie plus vieille de la lithosph`ere (Parsons et Richter, 1980). L’amplitude de cette force est toutefois ´evalu´ee `a un ordre de grandeur en dessous de la traction gravitaire exerc´ee par une plaque plongeante.

Le frottement visqueux exerc´e par le manteau sur la plaque horizontale et sur la plaque plongeante est en premi`ere approximation consid´er´e comme newtonien, c’est-`a-dire que le taux de d´eformation du manteau est proportionnel `a la contrainte appliqu´ee (Turcotte et Schubert, 2002). Cette force ´etant aussi proportionnelle `a la surface de friction, une plaque sera d’autant plus frein´ee qu’elle sera ´etendue. Enfin, une derni`ere force r´esistive est associ´ee `

a la d´eformation visqueuse interne `a la plaque, au niveau des zones de subduction. Dans ce contexte, la plaque plie sous son propre poids, et la puissance d´evelopp´ee par la traction gravitaire de la partie plongeante est partiellement consomm´ee par la dissipation visqueuse due `a la d´eformation de la lithosph`ere. On consid`ere, pour exprimer cette force, que la lithosph`ere est un fluide extrˆemement visqueux (Buffet, 2006). La r´esultante de cette force est connue sous le nom anglais de bending, et son intensit´e varie selon les auteurs, de celle du ridge push `a celle de la force de succion (jusqu’`a 40% de la traction gravitaire).

Nous avons vu ici que la mise en mouvement des plaques lithosph´eriques pouvait ˆetre abord´ee selon deux points de vue ´equivalents. D’une part, les plaques lithosph´eriques peuvent ˆetre vues comme la partie sup´erieure des cellules de convection du manteau. D’autre part, il est possible de consid´erer les plaques comme des syt`emes m´ecaniques soumis `a des forces ext´erieures et int´erieures `a somme nulle, les conduisant `a un ´etat stationnaire, d´efini par une vitesse constante pour une configuration donn´ee. Notons cependant que si certains ph´enom`enes observ´es peuvent s’expliquer du point de vue de la seule convection mantellique (Bercovici et al., 2000), la vari´et´e des vitesses de plaques mesur´ees actuellement s’explique plus facilement par un bilan de forces appliqu´e `a chaque plaque (e.g., Becker et Faccena, 2009). C’est donc ce point de vue tectonique qui sera utilis´e dans la pr´esente ´etude, et le bilan des forces que nous proposerons sera d´eterminant pour ´etudier la dynamique de renouvellement de la surface terrestre. La cin´ematique de ce processus n’est pas ´equivalente dans tous les r´ef´erentiels d’´etude, et nous verrons que les choix op´er´es dans le bilan des forces impliqueront des hypoth`eses implicites sur le r´ef´erentiel dans lequel on mesure le mouvement des plaques.