• Aucun résultat trouvé

III. C ONTOURNER L ' OPPOSITION AU STOCKAGE

III.3. UNE LOI ET QUINZE ANS DE RECHERCHE

La loi n° 91-1381 « relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs » est publiée le 30 décembre 1991 au Journal Officiel220. Elle instaure une période de quinze ans dévolue aux recherches. Celles-ci doivent porter sur la séparation et la transmutation des radionucléides présents dans les déchets nucléaires, la possibilité de construire un stockage réversible ou irréversible et enfin, le conditionnement et l'entreposage des déchets en surface221. La transmutation des radionucléides doit permettre de réduire leur temps de demi-vie. Toutefois, les recherches dans ce domaine sont balbutiantes et l'éventualité d'une industrialisation de cette technique est alors bien

219Débats parlementaires. Sénat. Première session ordinaire de 1991-1992 (19e séance). Compte rendu intégral.

Séance du mercredi 6 novembre 1991, Journal Officiel de la République Française, 7 novembre 1991, p. 3537  ;

Y. Barthe, Le pouvoir d’indécision, op. cit., p. 141. 

220Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, Journal Officiel

de la République Française, 1 janvier 1992.

lointaine. De plus, la transmutation ne permet pas de supprimer la radioactivité mais tout au plus de réduire le temps de demi-vie des éléments à stocker. L'étude des conditions d'entreposage des déchets nucléaires a été ajoutée au projet de loi durant le débat parlementaire : en aucun cas, il est envisagé que ce maintien des déchets en surface soit un mode de gestion pérenne. Par ailleurs, la loi de 1991 donne à l'Andra une indépendance statutaire vis-à-vis du CEA : celle-ci devient un Établissement Public d'Intérêt Commercial (Epic). L'Agence est chargée des recherches sur l'évacuation géologique des déchets nucléaires. Le Commissariat coordonne les recherches sur les deux autres axes.

Durant la période de quinze ans dévolue aux recherches, la loi interdit la construction d'un dépôt géologique. La détermination d'une politique nationale de gestion des déchets nucléaires doit faire l'objet d'une nouvelle loi prévue à l'issue des quinze ans dévolus aux recherches par la loi de 1991. Par ailleurs, cette loi de 1991 prévoit la mise en place d'une Commission Nationale d'Évaluation (CNE) chargée d'informer annuellement le Parlement de l'avancée des recherches. Suggérée par C. Bataille dans son rapport parlementaire, la création de cette Commission est inspirée d'une commission évaluant les recherches réalisées dans le laboratoire souterrain belge de Mol222. La CNE est composée de douze membres nommés à parité par le gouvernement et le Parlement. Cette Commission sera chargée du rapport final d'évaluation des recherches effectuées dans le cadre de la loi. Le texte de la loi stipule ainsi qu'à l'issue d'une période maximale de quinze ans, « le gouvernement adressera au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des

déchets radioactifs à haute activité et vie longue »223. L'existence de cette Commission d'évaluation

est destinée à apporter des garanties aux populations et aux élu.es sur les recherches menées. L'opportunité de donner à cette Commission un pouvoir contraignant sur l'orientation des recherches a été proposée par C. Bataille dans son rapport puis en commission durant le débat parlementaire, avant d'être finalement abandonnée224.

Dès le débat parlementaire, la loi Bataille est l'objet d'interprétations divergentes. Plusieurs élu.es des départements où l'Agence a voulu effectuer des recherches à la fin des années 1980 y voient une manière de contourner l'opposition des populations locales. Néanmoins, pour les parlementaires défendant cette loi, celle-ci est un moyen de permettre au Parlement d'avoir un contrôle sur la politique de gestion des déchets nucléaires et de sortir de la situation de blocage

222 C. Bataille, Rapport sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité, op. cit., p. 93. 

223Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, op. cit., art. 4.

224Débats parlementaires. Assemblée Nationale. Seconde session ordinaire de 1990-1991 (107e séance). Compte

rendu intégral. 1ère séance du jeudi 27 juin 1991, Journal Officiel de la République française, 28 juin 1991,

ayant débouché sur le moratoire de 1990. Cette loi de 1991 produit une rupture sur plusieurs points. Tout d'abord, la gestion des déchets radioactifs est dorénavant encadrée légalement. De plus, la gestion de ces déchets devient une affaire de recherche. La loi stipule enfin que les recherches sur l'évacuation géologique doivent s'appuyer sur des expérimentations effectuées dans plusieurs laboratoires souterrains.

III.4. C

ENTRALITÉ DE LA RECHERCHE ET GOUVERNEMENTDE L

'

AVAL DU CYCLE

III.4.1. À LA RECHERCHEDESITESOÙ IMPLANTER DESLABORATOIRES SOUTERRAINS

Après le vote de la loi le 30 décembre 1991, les pouvoirs publics prévoient que quatre départements soient sélectionnés puis que deux d'entre eux soient choisis pour y implanter des laboratoires souterrains. Éventuellement, un stockage géologique pourrait être construit sur l'un des deux sites après 2006. La recherche de départements où mener des prospections géologiques avant l'implantation des laboratoires souterrains est confiée au rapporteur de la loi, le député C. Bataille. Alors que durant les années 1980, les responsables du CEA avaient choisi seul.es les sites où mener des prospections, le député du Nord débute ses recherches en demandant, par voie de presse, aux élu.es locaux s'ils et elles accepteraient d'accueillir un laboratoire souterrain sur le territoire qu'ils et elles administrent225. Ainsi, avant d'étudier si la géologie des sites présente des qualités intéressantes pour envisager d'y implanter un stockage, C. Bataille recherche des zones où le risque politique est

a priori limité.

Avant la décision de la localisation des laboratoires souterrains, des reconnaissances géologiques depuis la surface sont prévues afin de vérifier qu'aucun élément rédhibitoire à la construction éventuelle d'un stockage ne soit identifiable (cf. chapitre 2). Auquel cas, la construction d'un laboratoire souterrain n'aurait aucun intérêt. De plus, la construction de plusieurs laboratoires souterrains afin de sélectionner ensuite un site où implanter un stockage rompt la continuité existant avant 1991 entre la construction du laboratoire et celle du stockage. L'implantation d'un laboratoire souterrain n'entraîne plus irrémédiablement la construction d'un stockage : après 1991, sur au moins un site, la construction d'un laboratoire souterrain n'aboutira pas à la construction d'un stockage.

L'éventualité de la construction d'un stockage ayant été repoussée au-delà de la période de quinze ans dévolue aux recherches, l'Andra se présente désormais comme un organisme de recherche chargé de mettre en œuvre des dispositions légales. L'Agence travaille sous la triple tutelle des ministres de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement226. Durant les années 1990, tant la communication de l'Agence que C. Bataille entretiennent le doute sur la stratégie de gestion qui sera choisie en 2006 malgré le fait que le député et les dirigeants de l'Agence soient convaincus de l'inéluctabilité du stockage. Par ailleurs, l'implantation des laboratoires est accompagnée d'un fonds de soixante millions de francs par an destiné au développement économique des zones acceptant d'accueillir ces installations. L'existence de ce fonds n'est sans doute pas étranger à la candidature de collectivités locales pour l'accueil des laboratoires souterrains.

La mission de médiation présidée par C. Bataille, et chargée de proposer des sites où l'Andra pourrait mener des prospections géologiques avant la construction des laboratoires souterrains, rend son rapport au Premier ministre au mois de décembre 1994. Elle a retenu quatre départements : le Gard, la Haute-Marne, la Meuse et la Vienne.

III.4.2. L'IMPÉRATIF POLITIQUE DEMENERDES RECHERCHESDEQUALITÉ

Dans le nouveau mode de gouvernement de l'aval du cycle nucléaire, la qualité des recherches est considérée par les acteurs politiques comme une condition nécessaire à l'acceptation d'un stockage. Les recherches effectuées par l'Andra et le CEA doivent être d'une qualité telle qu'elles ne puissent être contredites. La Commission Nationale d'Évaluation, par l'évaluation indépendante qu'elle effectue, doit garantir au Parlement et aux populations vivant à proximité des sites dont la géologie est étudiée que les recherches engagées sont pertinentes et leur résultats satisfaisants. Dans son deuxième rapport, la CNE souligne :

« Il s'agit de démontrer, au terme de la loi, que l'on explore sérieusement toutes les

possibilités techniques raisonnables pour diminuer la « nocivité » des stockages de déchets.

L'acceptabilité des stockages futurs est conditionnée par la démonstration de la volonté de gérer au mieux le dernier maillon du cycle nucléaire. L'acceptation politique et sociale de l'implantation de laboratoires souterrains sur les zones géographiques, où se font les recherches de l'Andra, ne pourrait être considérée comme définitivement acquise si le contrat”de la loi n'était pas rempli227 ».

226Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, op. cit., art.13.

Il s'agit donc qu'au terme de la période de quinze ans dédiée aux recherches, la sûreté d'un projet de stockage soit établie et que les recherches sur les autres voies, transmutation et conditionnement, aient été explorées suffisamment sérieusement pour qu'il ne soit plus possible d'envisager l'existence d'alternatives réalistes à l'évacuation géologique. Pour les membres de la CNE, le « contrat de la loi » lie la qualité des recherches et l'acceptabilité des stockages futurs : la première est une condition de la seconde.

De la même manière, dans une note de travail de juin 1992, Frédéric Plas, ingénieur à l'Andra, note que « le bon traitement technique de la gestion des déchets radioactifs est une

condition absolument nécessaire à la crédibilité de l'agence »228. Il poursuit en pointant le fait que

la crédibilité de l'Andra, vis-à-vis des autorités de contrôle et du monde académique, repose sur la qualité des recherches qu'elle effectue229. La définition d'une stratégie, l'organisation du travail et le recrutement de spécialistes doivent prendre en compte cette exigence politique de produire des travaux d'une bonne qualité230.

Ainsi, ce n'est pas uniquement le besoin de montrer la sûreté d'un projet de stockage qui pousse la direction de l'Andra à développer des recherches pour améliorer la compréhension de l'évolution des stockages. À la fin des années 1980, dans le cadre du programme Pagis notamment, les ingénieur.es du CEA ont montré leur capacité à démontrer la sûreté d'un dépôt géologique de déchets nucléaires. Effectuer des recherches de qualité est désormais une condition de l'acceptation d'un stockage.

III.4.3. AUTONOMIEETCONTRÔLEDEL'EXPERTISE

Avant de conclure ce chapitre, il me semble important d'apporter encore quelques éléments qui permettront de mieux comprendre les chapitres suivants. La création par la loi de 1991 d'une Commission Nationale d'Évaluation et la place centrale accordée à l'activité scientifique dans le gouvernement de l'aval du cycle nucléaire méritent d'être quelque peu précisées.

Lors de la première réunion de la Commission, son président présente celle-ci comme

« l'Académie des déchets nucléaires », autorité scientifique incontestable sur les recherches

effectuées dans le cadre de la loi231. Les premières auditions de la CNE ont lieu à l'Académie des Sciences. L’Académie a été consultée pour la nomination de quatre membres de la CNE. Trois

228 Frédéric Plas, Projet d’entreprise. Thème n° 2. L’Andra au coeur d’enjeux d’environnement, de société et de

technique. Apports des travaux des commissions « Castaing » et « Goguel », Andra, 18 juin 1992, p. 3. 

229Ibid.

230Ibid.

membres de la CNE (Robert Dautray, Raymond Castaing et Bernard Tissot) sont membres de l'Académie des Sciences ; Robert Guillaumont en est un membre correspondant ; Ghislain de Marsily en devient membre correspondant en 1997. Il me semble que la comparaison entre la CNE et l'Académie des Sciences indique assez bien le rôle de la Commission et la place accordée à l'activité scientifique après 1991 : l'objectivité d'une autorité indépendante doit désormais être garante de la rationalité de la politique de gestion des déchets nucléaires.

La composition de la CNE lors de sa mise en place apporte également un éclairage intéressant sur celle-ci, et notamment sur sa proximité avec le monde du nucléaire. En premier lieu, le secrétariat scientifique de la Commission est assuré par Arsène Saas, Conseiller Technique au Cabinet du Haut-Commissaire à l'Énergie Atomique. Les premiers courriers qu'il envoie au sujet des activités de la CNE ont la double en-tête du CEA et de la CNE. Le Haut-Commissaire à l'Énergie Atomique, Robert Dautray, est lui-même membre de la CNE ainsi qu'un autre Conseiller Technique de son Cabinet, Jacques Lafuma, et le Conseiller Scientifique du CEA pour l'aval du cycle, Jean Lefevre. Rudolf Rometsch, ancien président du CEDRA, homologue suisse de l'Andra, et Jean-Pierre Olivier qui supervise le Radioactive Waste Management Comitee de l'AEN (OCDE) depuis 1981 siègent également à la CNE. À leurs côtés, on trouve des universitaires : le géochimiste Claude Duplessy (CNRS), le radiochimiste Robert Guillaumont (Orsay), le physicien Jean-Paul Schapira (CNRS), le médecin Dominique Ducassou (CHU de Bordeaux), le physicien Raymond Castaing (Académie des Sciences) et le géologue Ghislain de Marsily (Université de Paris 6). La présidence de la CNE est assurée par le géologue Bernard Tissot, membre de l'Institut français du pétrole. G. de Marsily, J. Lafuma, J. Lefevre, R. Guillaumont et J.P. Schapira ont participé à la Commission présidée par R. Castaing au début des années 1980. Ainsi, la Commission est composée de plusieurs dirigeants du CEA et d'experts ayant une familiarité ancienne avec la gestion des déchets nucléaires : son indépendance est donc toute relative.

La CNE commence à travailler au mois de mai 1994. Ses membres ont été nommés par décret en janvier de cette même année. Auparavant, le ministre de la Recherche, Hubert Curien, a mis sur pied en mai 1993 un Comité de Suivi des Recherches sur l'Aval du Cycle (Cosrac) qui regroupe des représentants des acteurs industriels du nucléaire (EDF, CEA, Cogéma, Framatome et Andra), du ministère de la Recherche et de celui de l'Industrie ainsi que du CNRS. Ce Comité est dirigé par Bernard Descomps, directeur général de la recherche et de la technologie au ministère de la Recherche. Jean-Yves Barré, directeur du cycle du combustible au CEA, en assure le secrétariat. Le Cosrac a pour objectifs d'informer la CNE sur les programmes de recherche et développement

(R&D), de lui faire des suggestions, d'adresser des recommandations pour développer des programmes de R&D entre les différents acteurs du nucléaire et de dégager une politique de recherche ainsi qu'une stratégie232.

Le 13 avril 1994, le Comité de suivi adresse un rapport à la CNE nouvellement créée qui synthétise l'état des recherches sur les trois axes inscrits dans la loi de 1991 (séparation-transmutation, stockage géologique et entreposage en surface). Ce rapport insiste sur la complémentarité de ces trois axes de recherche qui ne doivent pas être considérés comme autant d'alternatives – comme le texte de la loi pourrait le laisser supposer – mais comme différentes parties d'un programme global – aboutissant inévitablement à la construction d'un stockage géologique. La première réunion de travail de la CNE a lieu le 31 mai 1994 en présence du président et du secrétaire du Comité de suivi. Cette réunion est notamment destinée à éclairer la CNE sur l'importance d'implanter des laboratoires souterrains avant toute éventualité d'établir un stockage233. La loi de 1991 fixe une période de quinze ans au terme de laquelle les recherches sur l'aval du cycle doivent être évaluées. En ce début des années 1990, la construction de laboratoires souterrains doit être entreprise sans attendre afin de disposer de résultats obtenus dans ces installations avant 2006. Pour le Comité, il importe que les membres de la Commission intègrent cette contrainte induite par le calendrier fixé dans la loi.

Lors de l'installation de la CNE, le Cosrac joue ainsi un rôle déterminant dans le cadrage des questions auxquelles cette Commission va devoir se confronter. Les membres du Comité de Suivi envisagent alors de rester des interlocuteurs privilégiés de la CNE. Ils prévoient de lui adresser un rapport semestriel et d'être auditionnés par elle tous les ans. Si les rapports de la CNE sont publics, au contraire, les documents produits par le Comité de suivi ainsi que les propos de ses membres sont confidentiels234. Alors que la CNE a été instituée par la loi de 1991, la création de ce comité marque une volonté du ministère de la Recherche et des acteurs historiques du nucléaire de garder une certaine maîtrise sur le travail de cette Commission.

La loi votée en décembre 1991 fait de la gestion des déchets nucléaires une affaire de recherche dont l'évaluation est confiée au Parlement, conseillé par une Commission Nationale d'Évaluation. De nouveaux acteurs (Parlement, CNE, élus locaux) participent désormais à la gestion des déchets nucléaires et la CNE se voit confier un rôle stratégique important dans le nouveau mode de gouvernement de l'aval du cycle. Les acteurs historiques du nucléaire (CEA, Cogéma, EDF, DGEMP) se positionnent alors à l'intérieur et à côté de cette commission.

232Ibid., p. 3. 

233 A. Saas, Compte-rendu de la réunion du 31 mai 1994 (1ère réunion), op. cit.

III.4.4. ÉVITERTOUTEREMISEENCAUSE DEL'INÉLUCTABILITÉDUSTOCKAGE

Pour écrire ses rapports annuels, la CNE auditionne régulièrement les chercheurs et les chercheuses de l'Andra et du CEA. Les auditions qu'elle réalise sur les recherches effectuées à l'Andra sont des moments importants pour l'Agence, notamment au début des années 1990, lorsque le cadrage institutionnel et les missions de chacun.e ne sont pas complètement stabilisés. Ainsi par exemple, des répétitions des auditions sont organisées pour les futur.es orateurs et oratrices en présence du président et du directeur général de l'Agence, Maurice Allègre et Yves Kaluzny.

Durant les premières années d'activité de la Commission, les échanges entre les salarié.es de l'Andra et les membres de la CNE sont froids et distants. Pour les salarié.es de l'Andra, la CNE est une instance évaluatrice dont ils et elles se méfient. Dans les présentations effectuées devant les membres de la CNE, seuls des éléments stabilisés sont présentés. La direction de l'Andra n'envisage pas que des recherches en cours soient présentées à la CNE. Pourtant, certains membres de la CNE souhaiteraient être associés plus activement aux recherches que mène l'Andra. À plusieurs reprises, ils en font la suggestion à l'Andra. Il faut néanmoins attendre le début des années 2000, la nomination de François Jacq à la tête de l'Andra et l'approche du terme de la période dédiée aux recherches par la loi de 1991, pour que les relations entre les membres de CNE et les salarié.es de l'Andra deviennent plus cordiales (cf. chapitre 6).

L'importance de la CNE amène le président et le directeur de l'Andra à adopter une certaine vigilance à son égard, notamment sur les questions stratégiques comme l'inéluctabilité du recours à l'évacuation géologique des déchets nucléaires. Dans son introduction de la première journée de présentation des travaux de l'Agence à la CNE, le président de l'Andra, Maurice Allègre, déclare :

« La durée des déchets radioactifs à vie longue (et a fortiori des déchets chimiques) introduit

une notion temporelle d'une durée auparavant inconnue : elle nous impose de prendre des engagements à l'égard d'une humanité future que nous ne connaîtrons jamais. Nous quittons ainsi l'échelle des temps humains pour passer à celle des temps géologiques et nous n'avons de toute façon pas le choix ; nous ne pouvons nous permettre de laisser des risques en héritage à des générations lointaines. Nous ne pouvons pas non plus esquiver le problème en

postulant que des progrès scientifiques ultérieurs suffiront à les préserver235. »

235 Maurice Allègre, Notes de Maurice Allègre pour son intervention introductive lors de la première audition de

L'enfouissement des déchets radioactifs ne serait donc pas un choix : la nature même de ces