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Chapitre 2 : Mesure du seuil minimal individuel de compétence en français, selon le test de Chaudenson (1996)

2.4 Les limites du test de Chaudenson (1996)

Le test de Chaudenson ne prend pas en compte les productions ciblées c‟est-à-dire les productions obtenues après avoir averti les apprenants de l‟évaluation. Les productions ciblées qui nous ont permis de collecter des données complémentaires au test de Chaudenson (1996) sont :

- les productions orales ciblées regroupant les exposés et les narrations de contes

- les productions écrites ciblées regroupant les devoirs de composition française et les productions de contes écrits.

Par ailleurs, le test de Chaudenson (1996) n‟est pas spécifiquement conçu pour analyser spécifiquement les erreurs linguistiques, mais plutôt pour attribuer des notes en fonction des critères liés à la prosodie, à la flexion, à la rection et à

l‟orthographe en tenant compte des compétences des apprenants à l‟oral et à l‟écrit. C‟est pourquoi, au delà de l‟attribution des notes pour évaluer le niveau de compétence linguistique des apprenants ; nous avons décidé d‟analyser les erreurs linguistiques des apprenants en analysant les données de la structure de surface et celles de la structure profonde dans les énoncés qu‟ils on produits Nous nous sommes intéressé aussi bien à la compétence. Cependant les faits de langue permettent d‟établir une corrélation étroite entre performance et compétence linguistique des apprenants :

Pour Bernard Pottier (1973), on entend par performance, l‟activité réelle d‟un sujet parlant qui peut s‟interrompre au milieu d‟une phrase (longue ou complexe, etc.). Il posera que sous-jacente à cette performance, le sujet parlant possède une compétence linguistique, c‟est-à-dire un savoir linguistique implicite, indépendant, lui, des facteurs qui peuvent intervenir dans l‟acte concret de parole (écrite ou orale), tel que la mémoire, l‟attention, l‟humeur du sujet parlant. Sans porter de réserve fondamentale au test de Chaudenson, nous analyserons les erreurs commises par les apprenants à partir de la prise en compte de la performance et de la compétence des apprenants.

Quant à Moeschler et Auchlin (2006), ils définissent la compétence linguistique de Chomsky comme étant un système de règles sous-jacent à l‟utilisation et à la compréhension du langage. Cette compétence qui selon Chomsky est un héritage biologique inné, définit un système internalisé de règles (la grammaire) associant des sons à des sens, ou des séquences des signaux acoustiques à des interprétations sémantiques. La performance est la mise en œuvre de la compétence dans des actes de parole orale ou écrite par des sujets parlants. Pour Chomsky (), l‟étude de la compétence est prioritaire par rapport à l‟étude de la performance. Pour Ruwet (1967 et 1972) l‟évaluation de la compétence linguistique dépend des productions grammaticales interprétables ou des productions agrammaticales interprétables. Partageant la vision chomskyenne de la compétence linguistique, il défend que tout sujet parlant français, indépendamment du contexte d‟emploi, peut exprimer des jugements induits par sa compétence linguistique. Cette compétence linguistique lui permet d‟exprimer :

- des phrases grammaticales et univoques (exemple : le jeune homme rencontre la vieille dame) ;

Règles de la base

Composante Lexique catégorielle

Transformation

- des phrases grammaticales mais ambiguës (exemple : Pierre aime mieux Paul que Jean) ;

- des phrases grammaticales mais ininterprétables (exemple : le silence vertébrale indispose le voile licite) ;

- des phrases agrammaticales mais interprétables (exemple : vous faire moi rigoler).

Partant du point de vue défendu par Ruwet, nous pouvons dire que les productions de nos enquêtés prouvent qu‟ils possèdent une compétence linguistique acceptable en français. En effet, la plupart de leurs productions sont grammaticales et interprétables. Celles qui sont agrammaticales sont tout au moins interprétables. Les productions agrammaticales ininterprétables sont quasi rares dans les productions que nous avons collectées.

Du point de vue de l‟identification des structures profondes, les énoncés que nos enquêtés ont produits ne soufrent pas d‟agrammaticalité majeure. En revanche, du point de vue des structures de surface, les erreurs linguistiques sont surtout dues aux difficultés phonético-phonologiques, morpho-syntaxiques, lexico-sémantiques et orthographiques éprouvées par les apprenants. Notre position est confortée par Chomsky (1971) qui précise que l‟un des buts de la théorie linguistique est l‟étude de la compétence du locuteur au-delà de la performance immédiate. Son schéma relatif à l‟opposition structure profonde et structure de surface est révélateur.

SYNTAXE SYNTAXE

Structure structure phrase profonde de surface réalisée

Composante Interprétation sémantique phonétique (règles d‟interprétation)

Schéma 3 de N. Chomsky (Aspects de la théorie syntaxique, Paris, le seuil, 1971)

En effet, à partir de ce schéma, nous pouvons comprendre que les éléments entraînant les transformations (négation, interrogation, voix passive, etc.) sont choisis dans la première étape en structure profonde. Ces transformations organisent les énoncés pour leur donner une autre forme en structure de surface. Au niveau de la structure profonde, le sens premier de l‟énoncé peut être déjà identifié. Au niveau de la structure de surface, ce qui est surtout à retenir ce sont les modifications et interprétations d‟ordre phonétique, morphologique, syntaxique, prosodique et orthographique.

Selon Chomsky (1971), Pottier (1973) et Ruwet (1967 et 1972), en grammaire générative, toute phrase réalisée comporte au moins deux structures :

- l‟une, dite de surface, est l‟organisation syntaxique de la phrase telle qu‟elle se présente ;

- l‟autre, dite structure profonde, est l‟organisation de cette phrase à un niveau plus abstrait, avant que ne s‟effectuent certaines opérations, dites transformations, qui réalisent les passages des structures profondes aux structures de surface.

La structure profonde est une structure abstraite générée par les seules règles de la base (composante catégorielle et lexique). Les règles de la composante phonétique, phonologique, syntaxique, morphologique donneront la phrase définitive.  Exemple : Nég + D + N + Pas + V + D + N ne pas + le + père + ait + lire + le + journal (structure profonde)  le + père + ne + lire + ait + pas + le + journal ( structure de surface + règles de transformation)  le père ne lisait pas le journal (phrase définitive).

C‟est l‟abstraction accordée aux structures profondes qui permet d‟évaluer la compétence linguistique des sujets parlants alors que les structures de surface permettent de clarifier les niveaux de performance des sujets parlants.

Si nous en revenons donc au test de Chaudenson (1996) et aux productions de nos enquêtés, nous pouvons dire que le test évalue beaucoup plus leur

2.5 Conclusion partielle

Dans ce deuxième chapitre, nous avons évalué les compétences linguistiques des apprenants des zones rurales, semi-urbaines et urbaines selon l‟approche du test de Chaudenson (1996). Les résultats dans l‟ensemble ont montré que les apprenants des zones urbaines sont plus compétents que ceux des zones semi-urbaines. De même, ces derniers sont plus compétents que les apprenants des zones rurales. Ces résultats nous ont permis de confirmer certaines de nos hypothèses de travail, à savoir les hypothèses h1 et h2 selon lesquelles les erreurs des apprenants sont dues à la non maîtrise de la langue française et à l‟insuffisance de bain linguistique en français. Dans le chapitre suivant, nous allons identifier les erreurs linguistiques dans les productions orales et écrites des apprenants, puis nous passerons à leur analyse.