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Chapitre 3 : Identification et analyse des erreurs linguistiques

10/ Comparaison des résultats récapitulatifs de l’oral et de l’écrit des élèves de CM2, 3è et Tle

3.4.2 Aspects psycholinguistiques et cognitifs des erreurs orthographiques liées à l’homophonie chez les apprenants fonphones

3.4.2.2 Inventaire des erreurs orthographiques liées à l’homophonie

L‟homophonie est une donnée à la fois phonique et psychologique. Alors une question se pose : les données homophoniques doivent-elles être traitées selon une approche psycholinguistique où se combinent les apports de modèles psychologiques de l‟apprentissage, de la linguistique structurale et de la théorie de l‟information ? Sans doute, la réponse affirmative quoiqu‟ audacieuse, semble plus pragmatique. En effet la linguistique structurale d‟André Martinet traite de la double articulation du langage :

- La première articulation est celle selon laquelle tout fait d‟expérience à transmettre, tout besoin qu‟on désire faire connaître à autrui s‟analyse en une suite d‟unités douées chacune d‟une forme vocale et d‟un sens (les monèmes) ;

- La seconde articulation est l‟analyse de la forme vocale en unités plus petites non douées de sens dont chacune permet de distinguer des milliers d‟unités par la discrimination phonétique et sémantique. Cette discrimination caractérise l‟orthographe du français. En effet l‟orthographe française dispose d‟un alphabet de 26 lettres pour transcrire 36 sons. Cette difficulté conduit à utiliser les mêmes lettres pour transcrire des sons différents : la lettre S est exploitée pour le son [s] dans saut et pour le son [z]dans rose. De plus, l‟orthographe française a aggravé le problème phonique en multipliant les différentes graphies d‟un même son : le son [s] ayant les graphies : s, ss,ce, sc, ç, t, x.

L‟orthographe française utilise un système d‟écriture mixte :

- Une écriture alphabétique et phonographique : chaque lettre de l‟alphabet correspond à un son ;

- Une écriture idéographique : de nombreuse lettres ne transcrivent aucun son, mais apportent une information de sens importante. De plus, à chaque son correspondent plusieurs graphies, dont le choix n‟est pas indifférent, mais surtout lié à plusieurs données linguistiques (morphologie, syntaxe, sémantique, etc.)

L‟écriture sépare les mots qui ne le sont pas dans l‟homophonie : latent, l‟attend ou la tend.

Il faut rappeler qu‟on distingue trois grands types d‟écriture : les pictogrammes qui correspondent à des dessins – messages, les idéogrammes qui font correspondre à chaque signe transcrit une idée ; et les phonogrammes qui font correspondre à chaque signe transcrit un son.

Dans Gbaguidi (2005), nous avons établi un inventaire plus ou moins exhaustif des conventions orthographiques déterminant les symboles phonétiques et qui sont à la base de nombreuses erreurs linguistiques :

- [a]  a, as, ât, à

- [ ]  è, ai, ais, ait, aix, et, ei, ê, es, est, aient - [e]  é, er, ai, et, é, ée

- [i]  i, is, it, ie

- [o]  o, au, eau, os, ot, op - [u]  ou, où, ous, oue, out - [y]  u, us, ut, eu, eut - [œ]  eu

- [ø]  eu, eux - []  e

- [ã]  an, en, ant, ent

- []  ain, ein, in, im, aim, eint, ain, aint, eins - [כֿ ]  on, ont, ons, om

- [œ]  un um - [p]  p, pp - [b]  b, bb - [m]  m, mm - [d]  d, dd - [t]  t, tt, th - [n]  n, nn - [k]  c, ch, qu, k - [g]  g, gu - []  gn - [f]  f, ff, ph - [v]  v, w - [s]  ç, s, ss, x - [z]  s, z - [z]  j, g, ge - [s]  ch, sch

- [r]  r, rr - [l]  l, ll

- [j]  y, il, ill, ou + v, u + v - [h]  [h], [ ]

De ces conventions orthographiques, découlent plusieurs erreurs linguistiques dues à l‟homophonie. On peut citer entre autres : on, ont, mon, m‟ont, à, a, as, là, l‟a, l‟as, las ; etc. Ces erreurs sont nombreuses et leur traitement didactique dépend des acteurs présents dans une situation d‟enseignement- apprentissage.

Par ailleurs, une influence cognitive de L1 sur L2 en conjugaison présente l‟opposition paradigmatique ci-après, à partir de cet exemple :

Conjugaison du verbe manger au passé composé de l‟indicatif : j‟ai mangé – tu as mangé – il / elle a mangé – nous avons mangé – vous avez mangé – ils /elles ont mangé.

Conjugaison du verbe « dù » au passé composé :

 kò dù – à kò dù – é ko du-mi ko du- mi kò dù – yè kò dù.

En considérant cette opposition paradigmatique, l‟aspect accompli en français est justifié par l‟addition de l‟auxiliaire avoir. Le participe passé présente la même orthographe à toutes les personnes de la conjugaison. Cependant, dans un autre contexte syntaxique, ce participe passé prend une autre forme. Nous pouvons considérer les exemples suivants à titre illustratif :

Le pain que j‟ai mangé est chaud.(1)

Les mangues que j‟ai mangées sont bonnes.(2)

Nous remarquons qu‟il y a ici une variation orthographique de mangé (1) et mangées en (2).

Aussi en langue fon, le passé composé exprimant l‟aspect accompli est marqué par l‟utilisation du verbe modal ko qui connaît une variation de l‟unité suprasegmentale en fonction des personnes de la conjugaison. Une traduction de (1) et (2) en langue fon donne :

- pn é  du o huzo - àmàgà dé  dù l ny

Il faut remarquer que dù garde les mêmes caractéristiques du point de vue orthographique.

La cognition d‟un apprenant locuteur de L1 en apprentissage de L2 peut influencer les erreurs orthographiques sur la base des diverses variations syntaxiques et morphologiques.

Si nous prétendons que l‟orthographe du français est difficile, le contexte enseignement-apprentissage au Bénin, exige des acteurs pédagogiques une exploitation plus judicieuse des langues nationales dans le système éducatif. Leur orthographe reste un facteur fondamental. C‟est pourquoi, nous considérons que l‟exploitation des travaux de Capo (2000) qui connaîtront sans doute des améliorations scientifiques après des critiques pertinentes s‟avère nécessaire. D‟ailleurs, Gbéto (2004) montre que l‟orthographe selon le CNL (1975), utilisée pour écrire les Langues nationales au Bénin est inadaptée. Pour les apprenants de L2 (FLS ou FLE) ayant les langues béninoises comme langues maternelles (L1), lesquelles n‟ont pas encore une codification, ni instrumentalisation optimales, la question des erreurs dues à l‟homophonie demeure persistante. En effet, la plupart de ces langues sont écrites selon L‟ALN du CNL (1975) inadaptée selon Gbéto (2004). Dans le contexte d‟enseignement-apprentissage béninois, les apprenants de L2 sont influencées psychologiquement par le code oral de L1. la cognition des données orales provoquent chez l‟apprenant une confusion entre l‟image acoustique et l‟orthographie. Du coup, les apprenants ont tendance à écrire de la mème manière les sons identiques qu‟ils entendent. L‟élimination des erreurs linguistiques liées à l‟homophonie, dépend inéluctablement de l‟effort des apprenants pour la maîtrise de l‟orthographe du français. Or celle-ci demeure complexe. Partant de cette observation, il faut envisager une vision pragmatique pour les langues nationales béninoises. En effet, la question orthographique est une question à la fois délicate et utile pour traiter de la dynamique des langues en danger de disparition, telles les langues béninoises le sont face à la menace de la mondialisation linguistique qui conforte l‟anglais dans une certaine glottophagie. Sur 416 travaux de recherche et publications sur les langues nationales relevées en juin 2002 par Gbéto et Ahohoukpanzon, à peine 48 portent sur les questions de didactique et d‟orthographie. Cette information interpelle les chercheurs linguistes, didacticiens et pédagogues, car si le français avec son état d‟instrumentalisation, pose des problèmes orthographiques rendant son apprentissage difficile, et le plaçant à un niveau inférieur à l‟anglais dans la mondialisation linguistique, les langues nationales béninoises sont dangereusement menacées de disparition si leur codification, leur

instrumentalisation et leur vulgarisation ne sont pas revues pour une véritable didactique pragmatique.

La langue faisant partie de l‟identité culturelle d‟une communauté linguistique, pour des questions de pratique de la langue, je recommande dans le contexte béninois les fora hybrides pouvant permettre aux experts, aux spécialistes, aux profanes, aux citoyens ordinaires et aux hommes politiques d‟intervenir sur la vitalité ethnolinguistique des langues.

L‟orthographe française est jugée difficile par de nombreux apprenants. Face à la mondialisation linguistique de l‟anglais, la question de la réforme de l‟orthographe du français mérite d‟être reposée. Les textes des biennales de Namur (1965), de Québec (1967), de Liège (1969), de Menton (1971), de Dakar (1973), publiés par Guillermou en 1975 reviennent sur cette question. Selon cette publication, la langue anglaise est la plus répandue dans le monde scientifique et le français connaît de moins en moins d‟intérêt auprès des locuteurs dans le monde entier. L‟une des raisons de ce désintérêt est la difficulté majeure d‟apprentissage du français liée surtout aux nombreuses conventions et règles orthographiques. La présente recherche postule aussi pour une réforme de l‟orthographe du français.

Masson (1991) justifie sa position en faveur de la réforme de l‟orthographe du français en ces termes : « D‟abord, l‟orthographe française est difficile et quasiment impossible à mémoriser pour un être humain normal. Ensuite, pour bon nombre de ses règles, il est parfaitement logique d‟avoir trois orthographes différentes pour le mot « Verre / Ver / Vers » selon qu‟il s‟agit de boire, pêche ou déclamer, pourquoi écrire charrue avec deux r et chariot avec un ou imbécile avec l et imbécillité avec deux ?  …. Une réforme de l‟orthographe ne serait donc pas une catastrophe ».

Par ailleurs, une vision pragmatique est déterminante dans les approches didactiques pour enseigner l‟homophonie. En effet selon R. Galisson, la pragmatique est l‟usage que peuvent faire du langage des interlocuteurs en interaction de communication. Quant à Catherine Fuchs et Pierre le Goffic, la pragmatique est conçue comme l‟étude des signes en rapport avec leurs usagers. Fuchs C. (2000) va préciser le champ de la pragmatique linguistique comme une conception du langage selon laquelle le langage est comme un acte permettant d‟agir sur le monde et sur autrui et non comme (simple) moyen de représentation ; importance accordée au contexte tant linguistique (la signification des expressions se construit dans leur environnement sur la chaîne)

La pragmatique linguistique est concernée essentiellement par l‟étude des relations entre les expressions de la langue (signe ou énoncés) et leur mise en fonctionnement effectif par des sujets dans des situations de communication. Partant de cette approche de la pragmatique linguistique, l‟enseignant peut faire un inventaire des usages homophoniques récurrents des apprenants et axer les activités d‟enseignement apprentissage sur ces données linguistiques pour réduire les erreurs orthographiques des apprenants.

Aussi faut-il proposer beaucoup d‟exercices d‟application pour favoriser l‟acquisition des règles orthographiques avant d‟aller à des problèmes ou des activités d‟apprentissage de la langue qui mettront effectivement en relief les compétences et les performances linguistiques des apprenants. Il faut savoir motiver les apprenants. Selon Tardif (1992,91) : « Dans le cadre de la psychologie cognitive, la motivation scolaire est essentiellement définie comme l‟enseignement-apprentissage focalisé sur la participation et la persistance de l‟élève dans une tâche. » Pour accroître cette motivation et pour favoriser la perception de la compétence de l‟apprenant à acquérir et à utiliser ses connaissances, il faut lui proposer des activités moins difficiles (exercices) avant les activités les plus difficiles (problèmes).

La nuance proposée par Legendre (1993, 1109) entre problème et exercice est la suivante : Problème Exercice Créativité Situation inédite Méthode inconnue Processus réfléchi Analyse méthodique Acquisition, développement Nouveauté Application Situation connue Démarche déjà acquise Exécution mécanique Saisie immédiate Conditionnement, entraînement Entretien, pratique

Tableau 15 : Eléments caractéristiques d’exercice et de problème

Au total, les erreurs linguistiques liées à l‟homophonie sont nombreuses (PRECISER LE POURCENTAGE). Leur traitement doit être orienté vers une approche pragmatique. Une langue n‟est pas simplement un moyen de

communication de premier ordre, mais aussi un instrument indispensable pour l‟édification de la pensée. (Vygotsky, 1997). Dans cette perspective, la langue maternelle devra être traitée avec beaucoup d‟attention quand le français est enseigné dans le contexte langue seconde ou langue étrangère (L2), les dispositions cognitives de L1 influençant indubitablement L2.

3.4 Autre approche de discussion des résultats