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1.1. L E DEVELOPPEMENT DURABLE

1.1.3.6. Limites de la communication publique

Mis à part le "Guide de l’Agenda 21 de Rio", tiré à 400 exemplaires et distribué notamment aux différentes personnes représentantes du “réseau d’accompagnement “ (fonction publique et politique, milieux économiques, milieux associatifs, milieux universitaires, médias, consultants, milieux internationaux, syndicalistes), et le “Rapport de synthèse” tiré à 1000 exemplaires, aucun des documents cités plus haut n’ont fait l’objet d’une édition. Nos investigations auprès de la SPE et du DASS nous ont permis de constater que la consultation de ces documents ne pouvait se faire qu’à travers l’utilisation du réseau Internet. Disponibles sur le site de l’Etat de Genève, tous ces dossiers pouvaient être téléchargés et consultés de manière informatique ou imprimés de manière individuelle90. Nous ne pouvons que déplorer cette méthode qui se veut novatrice mais qui est en réalité extrêmement élitiste. Le temps que prend un téléchargement pour des documents d'une telle ampleur, la qualité de ceux-ci (la plupart des schémas ne "passent pas"), l'infrastructure qu'une telle démarche nécessite (possibilité d'accéder à un ordinateur capable de gérer un tel volume de données, liaison Internet, accès à une imprimante), les frais que l'ensemble de ces facteurs occasionnent, etc.

sont autant d'obstacles que le citoyen moyen ne peut dépasser, rien qu'au niveau matériel. Or, la communication publique, de par sa dénomination, a le devoir de l'être!

Parallèlement, un “Forum”, ouvert durant toute la période de consultation (d’avril à fin septembre 1999), permettait à toute personne qui le souhaitait de réagir face à ce projet. Si aucun indicateur ne permettait d’évaluer la fréquentation du site, nous avons relevé que le 30 septembre 1999, date officielle à laquelle se terminait cette consultation "publique", 30 messages seulement figuraient dans cet espace91. Parmi ceux-ci nous en avons relevé 7 provenant de l’AEE-DD (l’Association écologie économie pour un développement durable) ou de l’un de ses membres, 2 du groupement “Bellevue d’Avenir" (groupement politique communal indépendant), et 1 de la SPE. Parmi les 20 restants, 8 émanaient de la même personne et se bornaient à promouvoir d’autres actions en relation avec le développement durable. Nous n’avons relevé que 5 messages présentant des propositions pour la mise en place du processus ou évoquant des problèmes concrets d’aménagement du territoire et 2 offrant de véritables critiques, une sur le concept lui-même et l’autre sur les textes proposés.

Sur un canton qui compte 410 000 habitants, la proportion de participation est bien faible...

En consultant les archives des journaux de la région, nous pouvons constater que l'annonce de cette consultation n'est mentionnée que par l'un des trois journaux locaux, et que le projet en

90 Les 6 premiers cahiers comptent au total 330 pages...

91 Bien que ce délai ait été prolongé d'un mois, le rapport établi pour le Conseil d'Etat comptabilise 35 interventions le 31 octobre 1999.

lui-même est identifié à certaines personnalités politiques. Ni le rôle que doit ou que va jouer l'Agenda 21 local, ni l'implication des citoyens, en l'occurrence, des lecteurs, dont dépend le processus de développement durable ne sont clairement abordés.

La "Tribune de Genève" 6-7 février 1999

En février 2000, le groupe de travail interdépartemental sur l'Agenda 21 local92 rend au Conseil d'Etat un document contenant un préavis sur les propositions contenues dans le rapport de synthèse intitulé "Un Agenda 21 pour Genève" et ses 12 cahiers annexes, et formule "à l'intention du Conseil d'Etat des recommandations sur la suite à donner à cet objet, tant sur la forme que sur le fond93".

Notre travail portant principalement sur la communication publique, l'information et la formation d'une manière générale, nous n'analysons pas la manière dont l'ensemble des 21 propositions apparaissant dans le rapport de synthèse ont été accueillies. Nous relevons seulement que la seule proposition allant dans le sens d'une campagne d'information sur le développement durable n'a pas été retenue. Celle-ci contenait plusieurs formes de médiation:

• un centre de ressource interactif pour promouvoir le développement durable,

• un "presse-forum" destiné à donner la parole tant aux citoyens qu'aux écoles,

• l'utilisation de lieux publics comme "lieux de savoirs",

• la mise en place d'un site Internet interactif94.

Malgré l'échec enregistré lors de la consultation du forum sur Internet par ce média, l'appréciation donnée sur cette proposition ne retient que cette forme de diffusion. "L'Etat devrait se concentrer sur sa mission d'information générale sur l'action en vue du développement durable, principalement via l'Internet.95"

L’exemple de Genève doit-il être considéré comme une illustration d'un certain état d’esprit qu’aurait instauré le Conseil fédéral? Un regard critique sur les directives que nous avons présentées dans les points précédents nous montre que, si une évolution peut être constatée du

92 Ce groupe de travail a été institué le 14 avril 1999 et était composé de 16 représentants désignés par chacun des membres du Conseil d'Etat.

93 Groupe interdépartemental sur l'Agenda 21 local (2000) Rapport au Conseil d'Etat, république et canton de Genève, p. 6 94 Ces propositions sont consultables dans l'Agenda 21 pour Genève, SPE, 1999.

95 Groupe interdépartemental sur l'Agenda 21 local (2000) Rapport au Conseil d'Etat, république et canton de Genève, p. 19. Cette volonté est réaffirmée en page 26!

côté de l'information, celle-ci se restreint à la consommation de biens ou d'aliments, mais ne cherche pas à responsabiliser l'individu dans son mode de vie en général. Tout ce qui touche à la consommation d'énergies fossiles par exemple n'est envisagé que par le biais de taxes, l’exemple le plus commun étant celui de l’utilisation de la voiture. Si ce rôle de "gendarme"

est certainement nécessaire, il ne peut suffire.

En fait, dans l'élaboration de sa "Stratégie", le Conseil fédéral passe sous silence tout ce qui touche à la modification des "modes de comportement grâce à l'éducation et à l'information", préconisée non seulement par l'Agenda 21, mais également par le Conseil du développement durable. Ce dernier, dans les propositions faites au Conseil fédéral concernant les comportements à adopter affirmait clairement que "pour réussir la mise en œuvre du développement durable, la société devra être à même de saisir des situations complexes et prête à s'adapter à de nouveaux modes de comportement.96" Il ne s'agissait donc pas seulement d'information, mais de formation du citoyen. Il terminait également son document en accentuant le fait que "le passage au développement durable est une tâche qui impliquera plusieurs générations; elle ne saurait être résolue à court terme ni imposée par l'Etat. L'Etat ne peut intervenir que dans la mesure où cela correspond à un souhait majoritaire de la population. Les communes, les cantons, les ménages et les entreprises devront aussi entreprendre des activités complémentaires. (…) Il faut absolument que nous sachions qu'il sera difficile d'obtenir un résultat sans mobiliser la base. Les habitants et les habitantes de notre pays partagent la responsabilité de l'avenir de leur environnement local, national et global. Quel que soit notre rôle - entrepreneurs, employés, consommateurs ou citoyens - nous sommes tous appelés à participer activement à cette tâche.97"

Entre droits, devoirs et soumission, liberté, responsabilité et prise en charge, un paradoxe très fort subsiste entre les directives de l'Agenda 21 et les réalisations pratiques envisagées par le Conseil fédéral. Soumise au passage sous la loupe de l’OCDE en 1998, cette faiblesse est relevée dans le rapport final de cet organisme98. En effet, dans ses recommandations le rapport fait mention de la nécessité d’un “ renforcement de l’information et de la participation publique ”.

Ce manque de communication avec le citoyen consommateur n’est pas l’apanage de la Suisse.

Dans le rapport de la septième session (1999), la Commission du développement durable des Nations Unies rappelle que “ les modes de production et de consommation non durables, en particulier dans les pays industrialisés, sont la principale cause de la détérioration continue de l’environnement mondial. Tous les pays devraient s’efforcer de promouvoir des modes de consommation durables ; les pays développés devraient ouvrir la voie en parvenant à des modes de consommation durables.99 ” Elle édicte ensuite un certain nombre de “ principes directeurs ” qui sont en fait des recommandations. Parmi celles-ci, nous relevons l’importance d’une information fiable pour les consommateurs, évitant la publicité équivoque ou mensongère sur les produits dits écologiques. Un accent particulier est mis sur l’importance des programmes d’éducation et d’information en vue de promouvoir une consommation

96 Conseil du développement durable (février 1997) Développement durable. Plan d'action pour la Suisse, OFEFP, p. 12.

97 Conseil du développement durable (février 1997) Développement durable. Plan d'action pour la Suisse, OFEFP, p. 31.

98 “ Cet examen des performance environnementales s’appuie sur d’innombrables informations tirées de publications officielles, de rapports internes et d’autres sources. Au cours de leur mission en Suisse (…) les experts de l’OCDE ont eu des entretiens sur tous les aspects de la politique environnementale avec des parlementaires, de nombreux offices fédéraux, organisations écologistes et scienfiques. ” OFEFP, bulletin Environnement no 4/98

99 Nations Unies: Commission du développement durable, septième session (1999) http://www.agora21.org/cdd7/ 15.09.1999

durable. “Les gouvernements devraient mettre au point des programmes généraux d’éducation et d’information du consommateur, portant notamment sur les incidences sur l’environnement des choix et comportements des consommateurs et les conséquences éventuelles, positives et négatives, d’une modification des modes de consommation (…). Ces programmes devraient avoir pour but d’informer le consommateur pour qu’il se comporte en consommateur averti, capable de choisir en connaissance de cause entre les biens et services qui lui sont proposés et conscient de ses droits et de ses responsabilités. (…) Les groupes de consommateurs, entreprises et autres organisations pertinentes de la société civile devraient contribuer à ces programmes d’éducation. 100” Le poids économique du consommateur en tant qu’entité individuelle est reconnu, en même temps que son influence en tant que “personne-relais101”.

“ Des consommateurs bien informés jouent un rôle essentiel dans la promotion de modes de consommation qui soient écologiquement, économiquement et socialement durables, notamment parce que les choix qu’ils effectuent ont des incidences sur la production.102