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DANS LA FORMATION ET L'INFORMATION

3. Mobiliser les savoirs et les disciplines spécifiques pour le développement durable:

1.2.5.3. Traitement de sujets complexes par les médias

1.2.5.3.4. Dépasser les limites de l’information médiatique

Quelle que soit la formule médiatique utilisée, la question fondamentale de la compréhension par le public qui les reçoit des informations divulguées reste entièrement ouverte. Comme le rappelle Labasse (1997/2), les recherches sur ce sujet sont rares et fragmentaires, et les

260 SAINT-GEOURS, J. (1987) Eloge de la complexité, Ed. Economica, Paris, p. 6

261 L'enregistrement audio ou vidéo pourrait être un palliatif à ce problème. Néanmoins, bien qu'aucune recherche n'ait été menée, à notre connaissance, sur ce sujet, nous pouvons supposer que ces outils sont plus fréquemment utilisé dans le cadre du divertissement (enregistrement de musique, de films, etc.) que dans celui de l'information.

quelques résultats obtenus ne sont guère encourageants. De plus, comme le rappelle Brune (2000), "trop d'informations tuent l'information", faisant passer les publics quels qu'ils soient d'une société de la communication à une société de consommation de la communication où

"compassion et diversion sont les deux mamelles de la (…) néo-citoyenneté médiatique262".

Pour Maccoby et Markle (1973), la limite de l’apprentissage que rencontrent les médias d’une manière générale, se situe dans “l’impossibilité pour un sujet de s’engager dans une pratique active et d’en appréhender immédiatement les résultats (feed-back)263 ”. Toujours selon eux,

“les médias de masse ne présentent ni la souplesse ni la flexibilité que l’on retrouve dans l’enseignement individualisé. Par conséquent, toute pratique individuelle active se trouve donc exclue et, du même coup l’acquis qu’elle contribue à fixer”. En d’autres termes, “parler”

du développement durable ne suffit pas. L’individu doit pouvoir directement mettre en pratique ce qu’un discours peut lui divulguer. Ces limites sont celles que rencontre toute transmission de savoirs "ex cathedra". Ecrites ou orales, les informations restent extérieures à l'individu, sans aucune possibilité de la part de ce dernier de pouvoir se les approprier par construction personnelle à travers la confrontation, soit avec des objets réels ou des modèles manipulables, soit avec des paires ou des spécialistes par échanges d'idées, soit avec le savoir lui-même, au travers de son épistémologie et des implications qu'il véhicule.

Le phénomène du “scoop” n’est pas seulement un argument marchand, bien que ce soit l’outil de promotion par excellence. Pour Trenaman, il participe directement à l’appropriation des informations que transmettent les médias. “La compréhension est favorisée par la présentation de thèmes et de sujets concrets personnifiés et dramatisés. Cette forme favorise une identification du récepteur au contenu présenté d’autant plus marquée que le niveau de formation est élémentaire.264 ” Cette dramatisation du message apparaît comme un élément obligatoire et constant de tout message médiatique (Barre, 1984; Goldsmith, 1986; Jacobi &

Schiele, 1990). Si cette façon de faire apparaît comme fortement réductrice, elle doit néanmoins être considérée comme l’un des outils les plus puissants de la transmission d’un message par les médias. Il faut dès lors se demander comment mettre en scène, dans un texte narratif favorable à l’intelligibilité du message (Jacobi & Schiele, 1990), un contenu conduisant à un esprit critique, ouvrant la voie à la formation d’une opinion (Goldsmith, 1986).

262 BRUNE, F. (2000) Consommer le monde ou le transformer? De la soumission dans les têtes in Le Monde diplomatique, avril 2000 263 MACCOBI & MARKLE, (1973) cités par JACOBI, B. & SCHIELE, B. (1990) La vulgarisation scientifique et l'éducation non formelle in Revue française de pédagogie no91, avril-mai-juin 1990

264 TRENAMAN cité par JACOBI, B. & SCHIELE, B. (1990) La vulgarisation scientifique et l'éducation non formelle in Revue française de pédagogie no 91, avril-mai-juin 1990, p. 91

Incapacité de retranscrire la complexité ou, quand le développement durable n'est qu'un synonyme d'environnement.

Feuille d'Avis de Neuchâtel, avril 2000

Comme le dit très justement Hervouet (1996) “les médias traitent le mieux ce qui se prête le mieux au traitement médiatique265”. Or, le développement durable n’est pas un sujet médiatique: aucune image frappante, pas de possibilité d’opposer des approches binaires claires, pas de “scoop” immédiat, sans compter la problématique du long terme, antinomique de l’information par excellence. Nous nous rallions aux suggestions faites par Champagne (1996) lorsqu’il dit qu’il faut “sortir les journalistes de la permanente situation d’urgence dans laquelle ils se trouvent et qui ne favorise guère un travail d’enquête sérieux. Il faut installer le traitement de certains sujets difficiles dans la durée pour aller en profondeur et livrer au public des éléments de réflexion et d’information266”.

Il faudrait donc utiliser la notion de long terme ainsi que la complexité et la mondialisation liées au thème du développement durable pour résoudre les problèmes diachroniques et synchroniques que subissent les médias. C’est-à-dire, permettre l’ouverture de nouvelles perspectives, d’une part en exploitant les enseignements du passé pour aborder l’actualité et d’autre part, en lui apportant des modèles extérieurs, permettant de tirer avec elle des parallèles souvent instructifs (Watine, 1997).

265 HERVOUET, L. (1996) Journalisme et citoyenneté: les jumeaux de la démocratie in Les cahiers du journalisme no 2, Centre de recherche l'école Supérieure de journalisme de Lille, p. 46

266 CHAMPAGNE, P. (1996) Le traitement médiatique des malaises sociaux in Les cahiers du journalisme no 2, Centre de recherche l'école Supérieure de journalisme de Lille

Comme l’école, le journalisme souffre d’un manque d’interdisciplinarité, de transversalité. On cherche encore et toujours à cataloguer tel ou tel article sous une rubrique particulière. Or, la complexité ne peut être catégorisée de la sorte. Il faut donc sortir, là aussi, des frontières disciplinaires pour permettre des approches globales, allant au-delà de la rubrique “économie”

ou “politique”. Les “Journées européennes de Brest” de 1999 montrent que ce type de problème ne laisse pas les professionnels de l’information indifférents. En effet, un séminaire particulier fut consacré à la formation de jeunes journalistes pour leur permettre

“d’apprivoiser les clés de traitement d’une information envisagée sous l’angle du développement durable267”. La complexité, l’objectivité des sources et les interactions entre les domaines ont été les enjeux concrets de cette formation où une volonté très forte d’engager les médias en faveur de la mise en place du processus de développement durable s’est fait ressentir dans la lettre qui a été adressée aux journalistes confirmés et professionnels des médias, aux décideurs des instances publiques et privées, aux scientifiques et représentants des organisations de terrain (Van Cauwenberge, 1999). Celle-ci stipulait notamment que “le développement durable est un puissant outil d’observation, d’investigation et d’analyse. En confrontant directement les intérêts à court terme des pouvoirs politiques et économiques motivés par le profit, le développement durable offre une information de loin plus percutante.

(…) Nous demandons que des informations pratiques et des conseils soient inclus dans tous les quotidiens. Tout le monde peut participer, depuis la gestion de la maison et du jardin, jusqu’à la gestion des déchets de bureau268”.

Enfin, une importance toute particulière doit être donnée à la manière d’utiliser la vulgarisation. Comme le rappelle Labasse (1997), “la vulgarisation n’est pas un genre particulier réservé aux sciences ou à la médecine”. Elle doit devenir le véritable savoir-faire du journaliste puisqu’elle est le “synonyme exact (mais tragiquement malsonnant) de traitement de la complexité269".