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Chapitre III. Méthodologie

3.3 Les limites de l’étude

Bien sûr, cette étude n’est pas sans failles. D’abord, nous devons souligner que les représentations que nous procurent ces analyses de la propagande jihadiste anglophone nous offrent certainement une conception différente de celle que l’on peut retrouver dans la propagande produite dans d’autres langues, notamment dans celle produite en arabe et représentant la majorité des productions mises en ligne.32 Ensuite, nous avons aussi mentionné

la possibilité que l’information véhiculée par la propagande ne soit pas véridique et ne représente pas bien l’idéologie qui y est défendue (Snowball, 1999). En effet, pour diverses raisons, les propagandistes pourraient tenter d’influencer l’opinion publique en laissant paraître un portrait idéologique qui ne correspond pas à la réalité. Cela pourrait notamment se faire en modérant les revendications violentes dans le discours, alors que la réalité témoigne de la mise en œuvre d’actions collectives d’une extrême violence. Néanmoins, notre objectif n’est pas de juger de la véracité du contenu de ce discours, mais bien d’examiner la représentation que ces organisations cherchent à mettre en scène d’elles-mêmes, qu’elle soit véridique ou non.

Une autre limite réside également dans la nature plus restrictive des thèmes sur lesquels nous aborderons l’analyse thématique. En effet, une telle démarche nous permet d’analyser une quantité supérieure de matériel dans le temps qui nous est impartie, mais n’offrent certainement pas une richesse comparable aux techniques d’analyse qualitative inductives traditionnelles (Fortin, 1987; Pires, 1982). Néanmoins, MacLin et MacLin (2005) supportent ce qu’avance Farrell (1991) à l’effet que la « technology can dramatically improve data collection and

analysis, particularly with regard to observational data, but that many people do not take advantage of the technology because of complex programs or a lower skill level » (MacLin &

MacLin, 2005, pp. 224-225). Pour notre part, l’utilisation du logiciel d’analyse de données qualitatives NVivo 12 nous permet de traiter un aussi grand nombre de données en peu de temps,

en plus de nous offrir à la fois la possibilité d’analyser directement des fichiers vidéo et de lier des bases de données quantitatives à chacun de ces fichiers. Ainsi, la mise en commun de l’ensemble des données colligées dans les trois volets d’analyse du discours que nous venons de présenter en est grandement facilitée et systématisée, ce qui nous permet d’aller chercher une richesse de données quelque peu différente. Toutefois, en ce qui a trait plus particulièrement à l’aspect visuel, la codification d’images automatisée demeure un obstacle important de la recherche. Bien que des avancés récentes offre des outils permettant des analyses de plus en plus précises quant à la détection d’objets et de scènes qui aurait pu être traité par une approche sémiotique (de Souza, Sarkar, Srivastava, & Su, 2017; Zhang, Luo, Loy, & Tang, 2018), nous n’avons pas eu recours à de tels outils. Or, nous nous sommes limités à une analyse visuelle générale des types de scènes, alors qu’une analyse sémiotique plus approfondie aurait pu inclure notamment d’autres informations quant à la mise en scène, l’apparence physique des individus qui y figurent, ou encore l’utilisation d’objets particuliers (symboles, armes, vêtements, objets religieux, etc.) (Couégnas, 2007).

Dans une perspective similaire, en raison notamment de notre origine ethnique, notre analyse et notre compréhension des discours et des interprétations religieuses qui sont faites dans ces vidéos peuvent aussi être limitées. En effet, les textes coraniques et les diverses interprétations de l’Islam proposées par les jihadistes peuvent s’avérer hautement complexes, et bien que nous disposons tout de même d’une connaissance générale de la religion musulmane, de la langue arabe et de la culture arabe et moyen-orientale, notre degré de compréhension y demeure limité. De plus, nous adoptons forcément un regard plus occidentalo-centré que quelqu’un qui serait issu de ces communautés ou qui serait doté d’une connaissance très approfondie de l’Islam. Néanmoins, nous avons tenté au meilleur de nos capacités d’approfondir nos recherches sur les thèmes et les concepts empruntés dans ces discours et nous avons consulté des experts en la matière lorsque ce fut nécessaire. D’un autre côté, comme nous nous intéressons à un matériel produit à l’attention d’un public occidental, notre regard sur celui-ci pourrait davantage correspondre à celui que pourrait en avoir son public cible.

Sur le plan de l’analyse du discours, on reproche à cette méthode de ne fournir qu’une analyse basée que sur l’information limitée dont disposent les individus sur la réalité qu’ils

perçoivent et qu’ils décrivent, ce qui implique que cette perception soit également constituée d’une interprétation de la part de ceux-ci (Ruiz, 2009). Ainsi, les interprétations que nous réalisons dans la présente étude ne témoignent d’une réalité attribuable qu’à une infime partie du mouvement que l’on étudie. Il est donc toujours à garder en tête que celle-ci ne représente pas forcément la réalité du mouvement dans son ensemble. Nous avons d’ailleurs fait allusion à cet aspect de notre étude lorsque nous mentionnions les limites attribuables à l’unique analyse de la propagande jihadiste anglophone. Il est donc pertinent de garder en mémoire que notre étude ne témoigne donc pas d’une réalité absolue, mais bien de celle perçue par nos sujets d’étude. Dans un même ordre d’idée, notre matériel d’étude, les productions médiatiques, ne permet pas de rendre compte de tout le processus de cadrage dans son ensemble et ne peut pas non plus rendre compte de la « résonance » des cadrages identifiés (Snow & Benford, 1988). Ainsi, notre travail ne se limite qu’à exposer les cadres de l’action collective mobilisés dans le discours, sans pour autant être en mesure de savoir si ces cadres s’alignent aux cadres individuels des récepteurs de ce discours (Snow et al., 1986). Néanmoins, l’analyse de ces productions vidéo nous offre tout de même la possibilité de mettre en lumière différentes techniques d’influence déployées par les membres d’organisations jihadistes, et d’en connaître davantage sur la manière dont ils construisent leurs discours de mobilisation.

CHAPITRE IV. La production de vidéos anglophones par le MJG comme