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Les lieux effectivement fréquentés, observés sur une courte période

2.2. A chaque espace ses données :

2.2.2. Les lieux effectivement fréquentés, observés sur une courte période

Observer les lieux fréquentés au cours d‟une très courte période, par exemple une journée ou une semaine revient pratiquement à s‟intéresser aux déplacements quotidiens. La démarche analytique des études de la mobilité quotidienne est le plus souvent centrée sur la mobilité locale, par l‟intermédiaire des pratiques de déplacement dans l‟aire d‟habitation. En France, les sources principales de données quantitatives sur la mobilité quotidienne sont les enquêtes locales menées par le CERTU (Centre d‟Études sur les Réseaux, les Transports, l‟Urbanisme et les constructions publiques) en province et la DREIF (Direction Régionale de l‟Équipement d‟Île-de-France) en Île-de-France et les enquêtes Transports

menées par l‟INRETS (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité) au niveau national.

L‟objectif des enquêtes du CERTU est de permettre l‟analyse des pratiques de déplacement dans les grandes agglomérations urbaines de province pour un jour « normal et moyen de la semaine ». Ces enquêtes sont standardisées, sous l‟appellation contrôlée « enquêtes ménages-déplacements, standard CERTU » (CERTU, 1998), ce qui favorise les comparaisons dans le temps, avec des suivis des évolutions des déplacements dans une même région urbaine (Krakutovski & Armoogum, 2007), ou dans l‟espace, entre plusieurs agglomérations. Des enquêtes ont ainsi été effectuées dans de nombreuses agglomérations françaises depuis les années 1970. Des échantillons aléatoires représentatifs des ménages de l‟aire urbaine sont utilisés. L‟ensemble des personnes occupant habituellement le logement et âgées d‟au moins 5 ans sont interrogées. On recense pour chacun des membres du ménage tous les déplacements réalisés la veille du jour de passation de l‟enquête. Le questionnaire est constitué de quatre types de fiches : les fiches « ménages » rassemblant des caractéristiques socio-économiques du ménage, les fiches « personnes » qui recueillent les caractéristiques socio-démographiques de chaque membre du ménage, les fiches « opinion » et les fiches « déplacements ». Cette dernière catégorie décrit pour chaque déplacement : les lieux d‟origine et de destination, le mode de transport, le motif du déplacement, l‟heure de départ et d‟arrivée.

L’Enquête Globale de Transport (EGT), réalisée par la DREIF en 1976, 1983, 1991 et

2002, est elle aussi centrée sur les ménages, mais uniquement en Île-de-France (DREIF, 2001). L‟échantillon est construit à partir du fichier des logements de la base de recensement, complété par le fichier des logements construits depuis le recensement. Le questionnaire est proche de celui des enquêtes CERTU. Une partie décrit les caractéristiques du ménage, une autre celles des personnes âgées de 6 ans et plus composant le ménage et la dernière partie concerne les déplacements des personnes au cours de la journée : heures de départ et d‟arrivée, motifs de déplacement, moyens de transport, itinéraires empruntés, origines et destinations.

Enfin, les enquêtes Transports de l‟INRETS, réalisées en 1966-67, 1973-74, 1981-82, 1993-1994 et 2007-2008 à l‟échelle nationale, ont pour objectif de décrire « tous les déplacements, quels qu‟en soient le motif, le mode de transport, la longueur, la période de l‟année ou le moment de la journée » (Madre & Maffre, 1994). La procédure de collecte

partie du questionnaire concerne le ménage : caractéristiques socio-économiques, déplacements habituels domicile-travail, domicile-lieu d‟étude ou de garde des enfants, possession et usage de véhicules, transports collectifs. S‟ajoutent à cela un carnet « voiture », tenu par le ou les conducteurs pendant 7 jours, qui décrit les conditions d‟usage de chaque véhicule : fréquence des déplacements, distances parcourues, taux d‟occupation, motif du déplacement ; un questionnaire « voyages » que le ménage doit tenir pendant 3 mois. Par ailleurs, une autre partie du questionnaire n‟est administrée qu‟à une seule personne, tirée au sort. Elle concerne la description des déplacements de la veille et du dernier week-end, ainsi que des déplacements à plus de 100 km au cours des trois derniers mois. On notera que chaque vague d‟enquête enrichit la procédure de collecte et que la dernière en date prévoit ainsi pour un sous-échantillon un suivi des déplacements à l‟aide de récepteurs GPS.

Des collectes de ce type existent aussi à l‟étranger. On citera l‟exemple d‟une enquête réalisée à Pise à l‟automne 2002 sous la direction de Marco Bottaï, intitulée Spazio

Utilizzato. Celle-ci se situe dans le prolongement d‟une collaboration de longue date avec

l‟INED et plus particulièrement l‟unité de recherche 6 « Mobilité, logement et entourage », autour des thèmes des espaces vécus et des approches biographiques. Elle est aussi l‟aboutissement de premières collectes effectuées en Toscane, dans les Pouilles et en Sicile (Bottai & Barsotti, 1994 ; Barsotti & Bottai, 1994). A la manière des collectes du CERTU, elle est centrée sur les ménages : l‟échantillon comprend 373 ménages, regroupant au total 802 individus. Chaque individu décrit pour une journée donnée l‟ensemble de ses déplacements, caractérisés par une heure de départ et une heure d‟arrivée, une destination, un motif, le moyen de transport utilisé et une distance. Ces renseignements sont complétés par des caractéristiques socio-démographiques, individuelles (âge, sexe...) ou relatives au ménage. Une autre enquête est actuellement menée à Poitiers afin de réaliser une étude comparative en ces deux contextes urbains.

L‟ensemble des enquêtes décrites précédemment s‟intéressent à la mobilité quotidienne et de ce fait collectent principalement l‟ensemble des lieux visités au cours d‟une journée, au maximum quelques jours. Il peut toutefois sembler souhaitable d‟élargir la fenêtre d‟observation pour étudier les mobilités individuelles sur une période plus longue, par exemple une année, et prendre ainsi en compte toute la complexité des différentes dimensions des pratiques spatiales. La richesse d‟une telle information la rend pratiquement impossible à collecter et il est nécessaire de borner l‟univers des lieux

recueillis. Plusieurs enquêtes ont suivi cette voie en étudiant les pratiques résidentielles, par exemple à travers les lieux où l‟on a passé au moins une journée ou séjourné au moins une nuit, au cours d‟une période allant de plusieurs mois à plusieurs années.

C‟est notamment le cas d‟une enquête auprès des ménages de Quito (Équateur) réalisée en 1987 sous la conduite de Françoise Dureau (Barbary & Dureau, 1993). Cette enquête présente un intérêt particulier pour deux raisons principales. D‟une part la collecte présente une innovation méthodologique dans la technique de collecte des lieux de séjour. D‟autre part les analyses qui ont suivi ont introduit la notion d‟espace résidentiel pour appréhender les pratiques spatiales associées à ces lieux de séjour. L‟enquête répondait à la nécessité d‟intégrer à l‟analyse de la dynamique urbaine de Quito l‟ensemble des formes de mobilité et de resituer les déplacements individuels dans le contexte du groupe auquel appartient l‟individu (famille, communauté,...). Réalisée auprès de 3000 ménages quiténiens, elle met en œuvre des outils de collecte innovants. Outre les caractéristiques démographiques et socio-économiques des membres du ménage et les biographies migratoire et professionnelle du chef de ménage, elle recueille les caractéristiques d‟activité et le lieu de résidence des parents, enfants et conjoint du chef de ménage ne vivant pas dans le même logement. Mais surtout, le questionnaire comporte une fiche recensant l‟intégralité des lieux de séjour hors du logement enquêté fréquentés au moins une nuit au cours des deux années précédant l‟enquête. Cela permet d‟appréhender différentes formes de mobilité et de ne pas imposer de limites a priori à leur définition.

D‟autres enquêtes se sont par la suite inspirées du mode de collecte des pratiques résidentielles complexes de l‟enquête de Quito. Deux d‟entre elles ont ainsi été réalisées en Colombie, à Bogota en 1993 (Dureau, 1999) et dans des villes du Casanare en 1996, sous la direction de Françoise Dureau et Carmen Elisa Flores. Leur but est d‟appréhender les systèmes de résidence complexes et les pratiques plurirésidentielles des individus du fait des migrations temporaires. Elles comprennent donc un calendrier des différents lieux séjours au cours de l‟année précédant l‟enquête, la durée minimale de séjour dans le logement pour qu‟il soit retenu étant de 28 jours, consécutifs ou non. Cela permet de reconstituer les rythmes de séjour et de là les espaces résidentiels, c‟est-à-dire « les configurations spatio-temporelles définies par les différents lieux de séjour et la fréquence de résidence dans chacun d‟eux » (Dureau, 2002). De surcroît, les enquêtes colombiennes recensent des informations sur la parentèle non corésidente dans le logement. Des enquêtes, notamment en Inde (1997) ou au Mexique (1996 et 1998), tireront partie des

expériences de Quito et de Colombie pour collecter à leur tour les systèmes résidentiels de manière similaire.

En France, une seule enquête démographique a collecté des lieux de séjour de manière spécifique. L‟enquête Triple biographie, réalisée à l‟INED en 1981, comporte en plus de la collecte des biographies migratoires, familiales et professionnelles (voir 2.2.3) une partie consacrée aux lieux de séjours au cours de l‟année 1980 (voir Annexe A). Une distinction y est faite entre les déplacements professionnels et les autres types de déplacements. Dans un premier temps, le nombre de déplacements professionnels ainsi que la distance maximale parcourue sont recueillis. Ensuite sont décrits les lieux, hors lieu d‟activité et logement habituels, où l‟enquêté a passé au moins une journée au cours de l‟année 1980. Chacun de ces lieux est localisé précisément (à l‟échelle de la commune) et caractérisé par la nature du séjour (à l‟hôtel, chez des parents, etc), la fréquence et la durée totale des visites.