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Quatrième chapitre : Présentation des résultats

4.1 Relation entre une personne qui vit dans la rue et un animal de compagnie

4.1.1 Lien parent-enfant

Plusieurs des femmes qui ont été interviewées dans cette recherche soutiennent avoir perçues leur relation avec l’animal comme un lien parent-enfant. Ce lien implique une manière de considérer l’animal de façon à laisser transparaître une intensité relationnelle envers lui, comparable à celle qu’un parent développe avec son enfant.

Jamais je l’ai traité comme un chien, je la traitais du mieux que je pouvais, comme si elle était mon enfant. (Catherine)

Je vois Draft un peu plus comme si c’était mon enfant que si c’était mon chien. (Diane) C’était vraiment comme notre enfant. Tu sais, un enfant, tu l’amènes partout. C’était vraiment mon petit garçon. […] C’est mon bébé, mon amour, c’était vraiment ça, mon petit gars, mon fils. (Sacha, conjointe de Patrick)

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Il s’agit ici d’une relation qui se construit de manière à créer un lien de type parental que l’on pourrait qualifier d’« enfantilisation5 » de l’animal. Ce lien peut donc par le fait même redéfinir les relations que la personne a envers ses proches, par exemple lorsque le conjoint est considéré comme le père de cet animal (qu’il accepte ou non ce rôle).

T’as vu que t’étais un bon père. (Sacha, conjointe de Patrick)

Un autre participant nuance ce rapport en précisant que, bien que l’animal ne soit pas de la même espèce que lui, sa relation s’apparente à celle qu’un parent vit avec son enfant. Cette conception de la relation avec l’animal apporte une perspective différente au lien parent-enfant que celle évoquée par les autres participants précédemment.

Le fait que je ne les appelle pas mes enfants parce qu’ils ne sont pas issus de moi et qu’ils ne sont pas de mon espèce n’empêche pas que la relation que j’ai avec eux, en tant que personne, est la même que j’aurais avec un enfant. […] Je les considère comme des chiens mais la relation est la même dans le sens où est ce que je les considère comme des personnes qui me montrent qui sont attachées à moi. (Yves)

Par ailleurs, le discours des participants révèle que le lien entretenu avec l’animal peut permettre de développer un réseau social basé sur des principes familiaux. Il s’agit ici d’une forme de relation qui permet de combler un vide social et familial auquel les personnes sont confrontées dans leur vie.

Je suis célibataire. Je n’ai jamais eu d’enfants. […] J’avais besoin d’avoir une famille et de pourvoir aux besoins d’autres êtres et comme je n’avais pas eu l’occasion de trouver une femme avec qui je pouvais fonder une famille, l’option que j’avais c’était d’avoir une famille avec un chien. (Yves)

Draft, c’est une personne à part entière, je sais que c’est un chien, pas un humain, mais je la vois vraiment comme un membre de la famille plus que mon chien. (Diane) Cette valeur familiale peut être expliquée par le désir d’obtenir une forme de filiation fictive avec les autres personnes qui vivent dans la rue en permettant à l’individu de développer un réseau social

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Le terme « enfantilisation » est une façon de dire dans cette recherche que la personne considère son animal comme son enfant, au sens positif du terme. Le terme « infantilisation » aurait été ici perçu comme ayant une connotation péjorative puisque l’individu ne traite pas son animal en bébé mais il vit plutôt une relation qui s’apparente à celle vécue avec un enfant. Deux termes qui ont une connotation différente.

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qu’il n’aurait pas sans la présence de l’animal. La réciprocité relationnelle entretenue avec l’animal démontre un désir de la part de la personne qui vit dans la rue de s’y investir.

Dans un autre ordre d’idées, une participante précise avoir vécu son lien comme une forme de « parentalisation ». Cette forme de relation se définit lorsqu’une personne perçoit son animal comme étant un parent qui prend soin de son enfant. Il s’agit ici d’une inversion des rôles. Ce sont les fonctions de bienveillance, de surveillance et de protection que l’animal procure dans la vie d’une personne.

On est arrivés là le soir, il faisait nuit. Je me réveille le matin. […] Je ne savais pas pourquoi j’étais là et pourquoi j’étais plus à côté de mes amis. Je n’avais aucun souvenir donc oui, elle était venue me chercher. Elle était, tout en étant un chien, comme une petite maman pour moi. (Natacha)

À l’opposé, un participant dit plutôt se distancer de cette vision parent-enfant en estimant que ce n’est pas la bonne manière de voir leur lien avec l’animal.

Ce n’est pas un bébé, c’est un chien! Ça me fâche un peu quand on me dit que mon chien est mon bébé, qu’il fait partie de la famille, non! C’est comme un partner, un ami, un partenaire, ça s’arrête là. (Johnny)

Tandis qu’une des participantes avait quant à elle un lien qui s’enchevauchait entre celui d’un enfant et d’un partenaire.

J’y parle comme-ci ça serait un être humain. Je ne vois pas un chien comme étant à moi, étant ma propriété. Je vois ça comme-ci c’est mon ami, mon bébé. (Diane)