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4.3.1 Un animal de compagnie : un moyen de répression

4.3.2 Un animal de compagnie : un frein à l’accessibilité aux ressources

Avoir un animal de compagnie en présence constante dans notre vie n’est certes pas toujours facile pour les personnes qui vivent dans la rue puisque la plupart des lieux et services n’acceptent pas sa présence dans leur installation.

Décider d’avoir un chien de compagnie 24 h sur 24 h, c’est sûr que ça l’amène des inconvénients à un mode de vie de survie du fait que je ne pouvais pas aller dans les refuges la nuit ou je ne pouvais pas aller me réfugier dans les centres commerciaux ou dans les métros l’hiver. Je devrais être constamment à l’extérieur avec mon animal. (Jacek)

Lorsque poussées à vivre constamment à l’extérieur à cause de la présence d’un animal de compagnie dans leur quotidien, les personnes de la rue doivent s’organiser sans pouvoir utiliser les refuges disponibles pour les personnes en situation d’itinérance. Seul le refuge d’urgence le Bunker est en mesure d’accepter les personnes qui vivent dans la rue âgées entre 12 et 21 ans avec leur animal de compagnie.

Le fait d’avoir un chien coupe de beaucoup les options de refuge donc ça nous force à nous organiser pour pouvoir être corrects dehors. (Yves)

Tout le temps être dehors l’hiver […], on était bien, on était super bien équipés. Dans notre cabane il faisait - 20 degrés pis on était en t-shirt. On chauffait avec des bougies puis on était bien parce que quelque part, même si on était dans la rue, on était un petit peu organisés. (Patrick)

L’inaccessibilité aux services devient donc, une contrainte qui peut complexifier les demandes d’aide pour obtenir du soutien dans leurs démarches.

T’es toujours mise à part. Tu n’es pas acceptée dans la majorité des endroits donc ça aussi, c’était la plus grosse contrainte. C’est de ne pas être acceptée et si tu veux aller chercher du support pour te sortir de la rue, c’est beaucoup plus difficile avec un animal. (Julie)

À l’inverse, les ressources peuvent jouer un rôle important pour aider à soutenir la personne qui vit dans la rue à répondre aux besoins de son animal de compagnie.

Moi je peux manger dans pleins de ressources, moi je peux me nourrir gratuitement un peu partout mais mon chien la majorité du temps ne pourra pas rentrer et il ne sera pas nourri par cette ressource-là. Donc, si je coupe les dépenses sur qu’est-ce que j’ai

75 besoin en allant vers les ressources qui sont fournies pour moi, ça me laisse plus de fonds pour acheter qu’est-ce que j’ai besoin pour faire vivre mon chien. (Diane) Ces contraintes vont souvent à l’encontre des besoins des personnes qui vivent dans la rue en présence d’un animal. Parfois, certaines circonstances amènent les personnes qui vivent dans la rue avec un animal de compagnie à vouloir avoir accès à un refuge, et ce, de façon temporaire. Une réalité qui n’est pas possible, ne serait-ce que pour une nuit.

Il y a des moments où est-ce que ma situation était critique après plusieurs jours dans l’humidité, le froid, le gel où est-ce que ce n’est pas seulement le corps qui souffre, mais aussi le mental, de manquer de sommeil. […] C’est le corps qui combat le froid puis l’épuisement. Il y a des moments où j’étais psychologiquement assez fébrile et j’aurais bien aimé pouvoir avoir accès à des organismes. (Jacek)

Dans le fond, c’est d’avoir une place où me réfugier. Puis d’avoir une place pour dormir une nuit ou deux quand ça vient trop intense dehors pis que je peux y aller avec mon animal. C’est vraiment ça que j’aurais aimé le plus. […] J’ai eu des expériences où est-ce que j’ai eu des nuits que j’ai eu peur pour ma vie parce que c’était trop rock- n-roll, c’était trop fou. Le bunker le fait, mais ça ne prend pas de temps que tu es trop vieux pour aller là. C’est ça, le problème. (Diane)

Ce n’est pas seulement la personne qui vit ces contraintes, le chien en est aussi victime.

Tu es dans une situation d’itinérance donc tu vis des situations assez difficiles, fait que le chien il suit puis ça tu le ressens en tant que maître. Bon, je fais vivre ça à ce chien- là, qui ne l’a pas choisi, il ne l’a pas choisi d’être en laisse 24 h par jour puis de vivre dans la rue avec le sel, les voitures puis tout le stress de la ville, fait que c’est sûr qu’il y a comme le côté qu’on se fait du bien, mais oui on a des contraintes. (Jacek)

Cette inaccessibilité à l’hébergement qu’apporte l’animal de compagnie dans la vie d’une personne qui vit dans la rue provoque une incompréhension envers les règlements des organisations.

Tu as plein de bâtons dans les roues quand tu as un animal dans la rue. Tu ne peux pas aller dans les hébergements. […] Moi, ce qui venait me chercher, c’est le fait que je ne réalisais pas comment quelqu’un peut laisser quelqu’un comme un jeune avec un chien dans la merde. Pourquoi personne ne m’offre quelque chose, j’ai de la misère à comprendre. À quel point elle n’est pas capable de faire un petit effort ? Tu pourrais me laisser rentrer avec mon chien, tu pourrais faire de quoi ? (Catherine)

Le lien fort que partage la personne qui vit dans la rue avec l’animal de compagnie l’amène à refuser tout service qui pourrait l’aider si son animal n’y est pas accepté. L’alliance avec l’animal

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de compagnie fait en sorte que cette population refusera d’utiliser certaines ressources si la condition est de mettre de côté ou de se débarrasser de leur chien.

C’est sûr que j’aurais pu m’arranger pour faire garder mon chien par des amis puis d’aller passer une journée ou deux dans un refuge pour me remettre sur pied puis revenir, mais en même temps, c’est toute ou rien, c’était un pacte que j’avais fait avec mon chien. « Hey, on le vit ensemble ça, c’est toute ou rien, s’il y a un contexte qu’on ne peut pas être ensemble ben tant pis, on va s’arranger, on va trouver une autre façon. » (Jacek)

Les endroits qui m’interdisaient d’amener Partner, je n’y allais pas moi non plus. Dans un sens, c’était comme si c’était ma moitié. […] Donc, j’aimais mieux rester avec Partner que d’aller dans les centres ou d’aller chercher de l’aide qui refusait la présence d’un animal. […] (Julie)

Même si j’avais pu coucher dans une place pendant que lui restait dehors, je ne voyais pas le point. Pourquoi que moi, j’irais dans un refuge puis lui, il est pogné dehors ? Non, on était une équipe. On était ensemble puis on restait ensemble. (Sacha)

Une des problématiques possibles qui découle de cette contrainte liée à l’inaccessibilité aux services est que les personnes qui vivent dans la rue sont continuellement confrontées à des choix difficiles pour répondre à leurs besoins. Une participante souligne qu’il est possible qu’une personne décide de laisser son animal dehors pour se trouver une place où dormir ou qu’elle décide de rester avec lui et se réveiller avec des engelures. Un choix déchirant pour plusieurs ou inimaginable dans d’autres cas.

S’il y quelqu’un qui a vraiment froid puis qu’il est saoul bien raide puis qu’il se dit « ce n’est pas grave, je vais laisser le chien dehors puis je vais y aller », c’est pas parce qu’il est méchant, ce n’est pas parce qu’il ne veut pas de son chien, mais des fois, quand tu es dans une réalité de même, tu sauves ta peau ou bien il va s’empêcher d’y aller parce que son chien peut pas y aller puis là, il va se réveiller avec des engelures le lendemain, c’est une réalité. (Diane)

Une réalité qui peut mettre en danger la personne qui vit dans la rue ainsi que son animal de compagnie.