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Quatrième chapitre : Présentation des résultats

4.1 Relation entre une personne qui vit dans la rue et un animal de compagnie

4.1.5 Lien d’attachement

Peu importe le sens que les personnes qui vivent dans la rue accordent à la relation qu’elles partagent avec leur animal, l’ensemble des propos recueillis dans cette recherche démontre que leur lien d’attachement envers lui est caractérisé comme étant fort et significatif. Cet attachement peut être démontré par l’animal.

Par leur façon d’être, par leur acceptation de leur vie, de par la relation qu’on a. (Yves)

De toute évidence, certains propos laissent transparaître un rapport fusionnel qui s’installe entre une personne qui vit dans la rue et l’animal.

[…] je pense que c’était comme fusionnel. Tu sais, elle faisait partie de moi. J’allais quelque part, il fallait qu’elle vienne puis on se débrouillait pour trouver la façon d’y aller. On était toujours ensemble. (Natacha)

C’est sûr que, dans la rue, il y avait vraiment une relation d’interdépendance l’une avec l’autre. C’est sûr, parce que c’est un genre de noyau, on est ensemble 24 h sur 24 h. C’est sûr que là, on dépendait l’un de l’autre. (Diane)

Il apparaît donc que la présence constante de l’animal, la dynamique relationnelle vécue et l’intensité du lien ont quelque chose d’unique. Il s’agit ici d’une relation qui se distingue du genre de complicité qu’on pourrait construire dans d’autres contextes.

Je pense qu’on se complète. On s’est toujours bien complété l’une et l’autre. Tu voyais qu’il y avait un lien vraiment tissé serré entre moi et Partner ou d’autres amis de la rue et leur chien, plus qu’entre du monde qui n’ont pas vécu dans la rue 24 h sur 24 h,

57 si on veut. […] C’est surtout le niveau d’indépendance qui devient vraiment différent, je trouve. (Julie)

C’est toute une nouvelle dynamique, de vivre 24 h sur 24 avec ton chien. Parce que les messieurs et mesdames tout le monde qui ne vivent pas dans la rue, ils ne vivent pas 24 h sur 24 h avec. Donc, ça change complètement la dynamique de ta vie. (Diane) Cette dynamique relationnelle est donc une forme d’alliance qui génère des bénéfices pouvant être d’un grand secours dans la situation de vie d’une personne qui vit dans la rue. Les témoignages recueillis dans cette recherche démontrent que le lien est si important, voire même fusionnel, qu’il est difficile de concevoir son abandon, et ce, sous aucun prétexte.

Lien fort, jamais je ne l’aurais laissée tomber. L’unisson, on était unies. J’étais passionnée puis j’étais en amour très fort. Je sais que vivre sans moi, elle n’était pas bien. On était trop en symbiose depuis tout le temps. Pour rien au monde elle ne m’aurait laissée tomber, mon chien. (Catherine)

On a développé une belle complicité à travers les années. Je serais restée dehors avec mon chien plutôt que de m’en débarrasser. Avec elle, la connexion était assez forte que je ne pouvais pas m’en débarrasser. (Diane)

Plus précisément, la fidélité et le soutien de l’animal ainsi que le sentiment d’être complémentaire l’un à l’autre sont des aspects qui amènent les personnes qui vivent dans la rue à considérer l’abandon comme étant une issue impossible à leurs yeux et non souhaitable.

Je ne l’ai jamais laissé tomber. Elle était tout aussi importante. Tout aussi présente pour moi jusqu’à la fin. Ça fait 16 ans presque 17 ans que je l’avais et puis elle m’a accompagnée dans beaucoup de mes périples du temps que j’ai été dans la rue. On a grandi, on a fait un bon bout de chemin. (Julie)

Le sentiment de loyauté que ressent la personne qui vit dans la rue est attribué à l’amour inconditionnel que l’animal lui procure et qu’elle développe pour lui.

Le fait qu’elle ne soit pas un humain, l’amour est inconditionnel. Avec un humain, tu te chicanes, tu te revois deux mois plus tard puis tu t’excuses, mais, un chien, c’est comme tout le temps là. Elle m’a apporté une présence qui était tout le temps avec moi puis elle ne m’a jamais laissé tomber. À ce moment-là, c’était ça dont j’avais besoin. (Catherine)

J’avais de l’amour pour elle. Tu sais, un chien, ça nous aime outre mesure, donc elle aussi elle en avait pour moi. […] Tu sais, c’était une présence, un amour inconditionnel des deux bords malgré qu’elle l’a probablement mieux fait que moi (rires). C’est sûr que sa présence a été positive. (Natacha)

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Il s’agit d’un amour inconditionnel qui s’exprime par le fait que l’animal n’abandonnera jamais le maître.

C’est surtout une présence pour la personne qui est seule dans la rue, c’est d’abord et avant tout une présence qui est là constamment. La loyauté qu’il a, il ne le lâchera pas son maître. Un chien va rester avec son maître. (Yves)

Mais pour rien au monde, elle m’aurait laissé tomber mon chien. Pour rien au monde, elle aurait voulu rester ailleurs même si ce n’était pas facile. (Catherine)

Dans cette perspective, le discours des participants souligne l’importance de leur lien avec leur animal. L’amour inconditionnel véhiculé dans cette relation devient un sentiment qui procure une motivation hors pair pour faire les changements nécessaires afin d’assumer un engagement envers l’animal. Yves, l’un des participants, soulève qu’il souhaite que le lien entretenu avec l’animal se perpétue dans le temps. C’est-à-dire, qu’il souhaite le préserver à tout jamais à travers les descendances de l’animal.

La raison pourquoi j’avais choisi de garder les descendants, c’était pour qu’il reste quelque chose de lui après. Parce que indépendamment de notre amour pour notre animal, les chances sont qui va mourir avant nous. (Yves)

La prochaine partie regroupe les résultats qui illustrent les bénéfices procurés par la présence de l’animal de compagnie à une personne qui vit dans la rue ainsi que les limites auxquelles celle-ci est confrontée.