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Cinquième chapitre : Discussion

5.1 Une prise en charge contraignante

5.1.1 L’animal de compagnie, un obstacle pour avoir accès à des services

Les données dans cette recherche révèlent que d’avoir un animal de compagnie lorsqu’on vit dans la rue donne lieu à des défis supplémentaires, lorsqu’il est question de se déplacer et d’avoir recours à des services. Sa présence peut entraver les moyens qu’une personne a pour améliorer sa situation et survivre dans un contexte d’itinérance. L’impossibilité de fréquenter un refuge, un centre commercial ou un métro particulièrement lorsqu’il y a des intempéries ou des conditions météorologiques extrêmes sont des aspects soulevés dans les entrevues réalisées. Dans son ensemble, cette recherche soulève, dans le même sens que la littérature scientifique que l'animal crée dans le quotidien d’une personne qui vit dans la rue une barrière à l'accès aux services et complexifient les demandes d’aide pouvant la soutenir. (Thompson & al. 2006; Lem & al. 2013). En réalité, dans la société actuelle, un animal de compagnie est souvent une présence qui élimine beaucoup d’options possibles pour survivre dans la rue et trouver un lieu à soi pour s’y réfugier. Dans ce cas, le manque de ressources auxquelles font face les personnes qui vivent dans la rue les exposent à occuper l’espace public de façon plus permanente et ce, en devant composer avec le fait qu’elles sont souvent indésirables. L’inaccessibilité aux services entraîne un manque de soutien pour améliorer leurs conditions de vie puisque même, dans un état critique, il est impossible pour leur bien-être physique et mental d’avoir accès à un endroit sécurisant et ce, même si elles auraient souhaité y avoir recours.

Les résultats obtenus dans cette recherche démontrent que peu importe ce à quoi une personne qui vit dans la rue doit faire face, elle ne souhaite en aucun cas, abandonner son animal de compagnie et ce, tel que l’a soulevé une étude américaine faite par Singer et ses collaborateurs (1995). Alors, puisque les personnes qui vivent dans la rue n’ont pas toujours un réseau social soutenant pour s’occuper de leur animal lorsqu’elles sont dans le besoin et que pour elles, le laisser dans les mêmes conditions n’est pas une option, le manque de ressources devient un frein à l’amélioration de leurs conditions de vie.

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En effet, le manque de ressources avec lequel les personnes qui vivent dans la rue doivent composer en présence d’un animal de compagnie génère des limites en leur interdisant l’accès à de l’aide qu’elles seraient en mesure de recevoir sans lui. En réalité, pour parvenir à répondre à leurs besoins et ceux de leur animal de compagnie, elles doivent trouver une solution pour maintenir leur lien et assumer leur engagement envers lui. Une forme de solidarité envers l’animal qui peut devenir contraignante et nuisible, puisqu’il est possible qu’à un certain point les personnes décident de rester dans des conditions de vie dans la rue qui peuvent les mettre en danger ou qu’à l’inverse, à bout de souffle, il se peut qu’elles décident de mettre la vie de leur animal en danger pour sauver leur peau. Il s’agit d’une restriction qui engendre des obstacles qui affectent non seulement la personne en l’exposant à des conditions de vie difficiles, mais qui nuisent aussi au bien-être de son animal de compagnie. Une décision qui peut affecter la personne moralement et provoquer des réactions autodestructrices tel que le soulèvent Lem et ses collaborateurs (2013).

L’analyse des données dans ce cas-ci souligne que les personnes qui vivent dans la rue peuvent être conscientes des contraintes avec lesquelles les organismes doivent composer, mais qu’elles espèrent toujours trouver une solution, ce qui est parfois le cas. En ce sens, le manque de ressources qui acceptent les animaux de compagnie est soulevé afin d’aider les personnes itinérantes qui sont âgées de plus de 25 ans. Peu de centre de jour, valorisent sa présence au sein de leur organisme et seul un refuge à Montréal dessert la population itinérante avec un animal de compagnie jusqu’à 21 ans. Une fois cet âge passé, les personnes se retrouvent dans une impasse, car aucun refuge n’est en mesure de les accueillir avec leur animal de compagnie.

Dans ce cas, afin de diminuer les risques de rupture et faciliter la prise en charge d’un animal de compagnie pour qu’une personne qui vit dans la rue puisse parvenir à bénéficier des acquis relationnels que procure un animal de compagnie, un refuge serait sans aucun doute la meilleure solution, sinon au moins une place pour prendre sa douche, se reposer et manger. Dans l’idéal, des logements sociaux qui acceptent les animaux de compagnie serait un atout pour leur permettre d’améliorer leur situation. Seules, les haltes chaleur sont en mesure de les accueillir actuellement durant les nuits très froides de l’hiver. Une multiplication de cette ressource alternative serait d’autant plus intéressante afin de diminuer la concentration des personnes itinérantes dans un seul endroit. Par ailleurs, il est d’autant plus crucial de mettre en place des programmes de soins vétérinaires pour les aider à assumer leur engagement et préserver leur lien envers lui. Un soutien

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qui permet ici d’atténuer les facteurs de stress supplémentaires qu’une personne qui vit dans la rue subit lorsqu’elle prend en charge un animal et ce, tel qu’ont aussi évoqué plusieurs chercheurs. (Kidd & Kidd. 1995 ; Lem. 2012 ; Newton. 2012; Lem. & al. 2013) L’accessibilité aux services devient ici un aspect qui aiderait les personnes qui vivent dans la rue à obtenir un soutien adéquat selon sa situation et une façon de maintenir leur lien avec leur animal de compagnie.

Par conséquent, l’analyse des résultats de cette recherche permet de dire que d’inclure la présence d’un animal de compagnie et ses besoins à travers la mission des services mis à la disposition des personnes qui vivent dans la rue devient ici une source de protection qui peut sans aucun doute réduire les possibilités qu’elles vivent un état psychologique fébrile lorsque leur compagnon est malade ou blessé ou simplement lorsque celles-ci ont besoin de soutien pour répondre à leurs propres besoins. Un moyen de prévenir une rupture relationnelle qui pourrait avoir un impact significatif sur son bien-être. Par contre, dans les faits actuellement, il est possible d’affirmer que les personnes qui vivent dans la rue avec un animal de compagnie doivent gérer leur quotidien avec ce sentiment d’exclusion qui accentue, leur vulnérabilité. L’inaccessibilité aux services demeure ici un enjeu qui peut sans aucun doute alimenter le processus de désaffiliation sociale dans lequel une personne qui vit dans la rue se situe et diminue la maîtrise de son existence.