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Cinquième chapitre : Discussion

5.2 Le care, une notion pour cerner l’essence de la relation

5.2.5 L’animal de compagnie comme une bouée sociale

Plusieurs données de cette recherche appuient la littérature scientifique en soulevant que l’animal de compagnie peut être vu comme une bouée sociale qui favorise l’affiliation sociale d’une personne qui vit dans la rue. (Bouchard. 2007) Sa présence peut lui permettre de consolider des liens interpersonnels en échangeant avec une autre personne qui vit dans la rue avec un animal de compagnie, en partageant les mêmes affinités et en ce soutenant à travers leur relation humain- animal ou en développant une forme d’affiliation familiale fictive lorsque celle-ci entretient une relation avec un chien provenant de la même lignée que le sien.

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5.2.5.1 L’entraide et la solidarité ; l’animal comme un allié

Lorsqu’on vit dans la rue, l’analyse des résultats de cette recherche souligne que, le besoin de se regrouper est présent et que l’animal de compagnie peut devenir dans ce cas-ci une présence pour y parvenir. Ces liens sociaux s’établissent lorsque les personnes qui vivent dans la rue s’unissent afin d’échanger des moments liés au bien-être de leur animal, en allant dans un parc pour les voir courir et s’amuser et de partager sur leur réalité. Tel que les observations de Bouchard (2014) l’ont soulevé, ces liens sociaux peuvent devenir, dans certains cas, un réseau social soutenant qui peut permettre à une personne qui vit dans la rue, lors d’une impasse, d’obtenir un soutien supplémentaire qui lui permet de vivre de manière collective les responsabilités engendrées par la prise en charge d’un animal de compagnie.

En cas d’incapacité à prendre soin d’un animal de compagnie, les résultats de cette recherche soulèvent que ce réseau social peut devenir un appui supplémentaire pour aider une personne qui vit dans la rue à répondre aux besoins de celui-ci. Cela peut se produire lorsqu’une personne qui vit dans la rue se mobilise pour prendre en charge l’animal de compagnie d’un de ses pairs afin qu’il puisse faire des démarches pour améliorer sa situation de vie ou qu’il reprenne le contrôle de

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sa vie lorsque rien ne va plus au point qu’il n’est pas disponible pour en prendre soin. Il se peut que cette prise en charge soit faite à l’encontre de la volonté de la personne qui vit dans la rue lorsque l’animal ne reçoit pas les soins nécessaires ou qu’il est maltraité. Une forme de solidarité envers l’animal afin de lui offrir de meilleures conditions de vie sachant que son humain, ne peut pas en prendre soin adéquatement.

Dans son ensemble, les données provenant des participants dans cette recherche révèlent une forme de solidarité qui se crée par le biais de l’animal de compagnie. Une notion d’entraide, qui peut aider une personne qui vit dans la rue à maintenir son lien avec son animal et réduire les risques de vivre une rupture relationnelle irréversible qui pourrait l’affecter psychologiquement. En ce sens, Lem & al. (2013) précise qu’effectivement, une personne qui vit dans la rue, qui fait face à la perte de son animal, peut subir une douleur significative pouvant la mener vers une dépression et l’amener à adopter des comportements autodestructeurs.

5.2.5.2 Famille fictive; se définir à travers son animal

Selon les propos des participants, il est possible de développer une forme de parentalité fictive par le biais de l’animal de compagnie. Bien que ce soit un aspect peu touché par la littérature, il est démontré que la présence d’un animal de compagnie peut combler certains manques affectifs et relationnels et ce, en créant une sorte de famille par le biais de l’animal. Une sorte d’aide précieuse pouvant lui permettre de créer des liens interpersonnels qui auraient été vécus différemment dans un autre contexte relationnel.

Tel que l’évoque Boyer (2011) :

Être dans la rue, c’est pouvoir se recréer une nouvelle famille d’appartenance : en l’absence d’une situation stable où il faut pallier le manque de logement, de nourriture et de soins, les personnes sans abri doivent survivre dans un univers hostile. Face à cette perte de soutien, la personne sans domicile est en quête d’une identité perdue ou volée. (p.19)

Les résultats soulèvent que cette valeur familiale peut s’intensifier lorsque l’animal provient d’une descendance de « chien de rue ». Tel que l’a aussi soulevé Blanchard (2014), les liens interpersonnels qui se développent autour de ce concept familial fictif se renforcent lorsque les

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chiens qui naissent dans la rue sont adoptés par d’autres personnes qui vivent dans la rue. Un concept de « chien de rue » qui peut permettre d’unir les gens indirectement et créer de nouvelles connaissances seulement parce qu’ils adoptent le chien d’une même lignée. Il s’agit ici de la recomposition d'une famille fictive qui se fait dans une perspective de socialisation, de soutien et de protection. Une filiation familiale qui favorise l’affiliation sociale d’une personne qui vit dans la rue et le maintien du lien entretenu avec l’animal de compagnie.

En effet, les participants de notre recherche vont dans le même sens que la littérature scientifique qui souligne que ce concept de famille fictive de « chien de rue » peut inscrire une personne qui vit dans la rue dans un réseau social. (Blanchard. 2014; Lem. 2012; Lem & al. 2013; Taylor & al. 2004). Elle appuie les observations de Boyer (2011) qui précise que l’adoption d’un ou plusieurs chiens permet à une personne qui vit dans la rue de s’inscrire dans une filiation en lui permettant de se créer une place au sein d’un groupe. L’animal de compagnie d’une même lignée de chien peut devenir une source de référence lorsqu’une personne qui vit dans la rue souhaite obtenir un soutien pour maintenir son lien avec lui et ce, tel que l’a soulevé Blanchard (2014) dans sa recherche.

Dans tous les cas, il vrai que l’animal peut être une façon bien réelle de tisser un rapport entre les personnes qui vivent dans la rue et permet sans aucun doute de réduire l’isolement dans lequel elles peuvent être plongées en situation d’itinérance. Cette valeur relationnelle peut donc, amener une personne qui vit dans la rue, à se faire une place, se développer un réseau social soutenant et d’être reconnue par son animal.