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Lien entre obésité et fonction endocrine du tissu adipeux

2. Le tissu adipeux, un tissu complexe :

2.2. Le tissu adipeux blanc : des fonctions et types cellulaires différents

2.2.1. Lien entre obésité et fonction endocrine du tissu adipeux

Un statut d’inflammation chronique est associé à l’obésité et à ses désordres métaboliques [214]. Pourtant l’inflammation est communément liée à la fonction de protection de l’organisme. Il s’agit du principal mécanisme de réponse du corps face aux blessures assurant la réparation du tissu et c’est un processus performant car hérité de l’évolution [215]. Une des caractéristiques de l’inflammation est l’infiltration de cellules immunitaires, or ce processus est observé dans le tissu adipeux d’individus obèses. Cette infiltration étant en

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grande partie responsable de la libération de molécules pro-inflammatoires et a fortiori de la résistance à l’insuline observée chez ces individus [216, 217].

L’origine des macrophages au sein du tissu adipeux croissant a été associée à plusieurs hypothèses. Les adipocytes ou préadipocytes en expansion pourraient sécréter des chemokines les attirant [218]. Leur présence peut aussi être associée à des adipocytes nécrotiques, et notamment à leur phagocytose. Ces macrophages gorgés de lipides entourent les adipocytes mourants formant des cellules géantes multinucléées ou des organisations en «couronne » [219]. Avec l’obésité, on note une augmentation d’adipocytes nécrosés ainsi que de cytokines comme Tumor Necrosis Factor alpha (TNFα) qui contribue à cette apoptose [220-222]. L’infiltration de macrophages est proportionnelle à l’adiposité, ainsi une perte de poids prolongée est associée à leur réduction et une amélioration du profil inflammatoire [223]. Ces macrophages se retrouvent davantage dans le tissu adipeux viscéral que sous-cutané, ce qui fait le lien avec la résistance à l’insuline associée à ce dépôt [224]. C’est le profil même de macrophage qui est en jeu dans l’inflammation. Chez des individus minces, un type M2 est observé contre un profil M1 pour les obèses. Le profil M2 est associé à des cytokines anti-inflammatoires (IL10) tout en limitant la production de pro- inflammatoires et l’inverse est observé pour le profil M1 avec une sécrétion de cytokines plutôt pro- inflammatoires (TNFa, IL6). Ce profil M1 s’accompagne aussi d’autres changements comme une expression d’Oxyde nitrique synthase inductible (iNOS) et de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) [225, 226]. Un profil M1 résulte de différents facteurs parmi lesquels une stimulation par des cytokines issues de Lymphocytes T1 (Th1) (comme Interféron γ (IFNγ)) ou des produits bactériens, et M2 dépend de cytokines issues de Th2 (IL4, IL13). Ainsi, cette contribution de Th1/Th2 au sein du tissu influence le recrutement et l’activation de macrophages qui seront favorables ou non au développement d’un profil pro- ou anti-inflammatoire. Cependant les facteurs à l’origine de cette modification immunitaire ne sont pas encore élucidés [225-227].

D’autres cellules immunitaires ont également été liées à l’inflammation associée à l’obésité comme

la perte d’éosinophiles, de lymphocytes T régulateurs mais aussi l’infiltration de lymphocytes CD8+, de lymphocytes nuls et d’autres granulocytes comme les neutrophiles, mastocytes, et basophiles [228].

2.2.1.2. Les adipokines pro-inflammatoires

Suite à de multiples études épidémiologiques, de nombreux marqueurs d’inflammation ont été liés à une dégradation métabolique. Les adipokines pro-inflammatoires décrites ci-après sont augmentées avec l’obésité et varient à la baisse suivant une perte de poids. L’identification exacte des producteurs d’adipokines reste compliquée car le tissu adipeux est composé de différents types cellulaires, et il est fluctuant selon l’expansion, l’âge et la localisation du tissu.

Les principales adipokines connues ont été répertoriés dans le tableau 1, cependant seuls les principaux points en lien avec cette partie ont été présentés car leur étude détaillée n’est pas le cœur de la thèse.

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Tableau 1 : Tableau regroupant les adipokines clés du tissu adipeux et quelques informations les concernant.

Dans chacune des colonnes on note : les adipokines clés du tissu adipeux (colonne 1), leur source (colonne 2), leur récepteur (colonne 3) et leur fonction (colonne 4). Les adipokines pro-inflammatoires sont situées en haut du tableau (les 11 du haut) et les anti-inflammatoires se retrouvent en bas (les 2 du bas). Inspiré de [211].

2.2.1.2.1. Leptine

La leptine, principalement sécrétée par les adipocytes, régule la prise alimentaire au niveau du système nerveux central (Tableau 1). Les souris ob/ob, déficientes en leptine, sont hyperphagiques, obèses, hyperglycémiques et résistantes à l’insuline, un profil pouvant être renversé par la réincorporation de leptine [229]. Chez des souris lipodystrophiques, pauvres en tissu adipeux, les taux de leptine sont bas et s’accompagnent de résistance à l’insuline et d’hyperlipidémie, or une correction en leptine est là aussi capable

d’améliorer leur profil métabolique [37, 229-232]. Cependant, l’obésité est associée à une augmentation du

taux de leptine sanguin proportionnelle à la masse adipeuse, et une résistance à la leptine se développe (perte de sensibilité). La sécrétion de leptine est augmentée en réponse à des stimuli pro-inflammatoires comme TNFα ou lipopolysaccharide (LPS) [233]. La leptine joue un rôle pro-inflammatoire sur plusieurs types cellulaires puisqu’elle stimule la production de CC-chemokines par les macrophages, elle stimule la production de TNFα, IL6, ROS par les monocytes et enfin elle entraîne une polarisation des lymphocytes T vers un phénotype Th1 [234-236]. D’autres rôles impliquant plusieurs organes sont en lien avec la leptine,

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comme par exemple la régulation de la fonction de reproduction et de la masse osseuse, mais toutes ces actions ne seront pas détaillées dans ce paragraphe.

2.2.1.2.2. TNFα

TNFα est une cytokine pro-inflammatoire principalement sécrétée par les monocytes et macrophages. Elle a un rôle crucial dans l’obésité associée à la résistance à l’insuline (Tableau 1). On note une expression de TNFα augmentée dans le tissu adipeux et le sang d’individus obèses et/ou diabétiques et une diminution est associée à une perte de poids [237-241]. Son administration de manière exogène mène à

la résistance à l’insuline[242] et sa neutralisation mène à une amélioration de la sensibilité à l’insuline [243,

244]. TNFα atténue la phosphorylation en tyrosine du récepteur à l’insuline et d’Insulin receptor substrate 1 (IRS1) dans les muscles et le tissu adipeux [243]. TNFα aurait aussi pour fonction de stimuler la production de cytokines, l’apoptose et la lipolyse [245]. Cependant, bien qu’ayant un effet bénéfique, les essais cliniques visant à bloquer TNFα n’ont jamais abouti au résultat attendu [246, 247].

2.2.1.2.3. IL-6

IL-6 est une cytokine pro-inflammatoire également associée à l’obésité, au diabète de type 2 et sa diminution est observée lors d’une perte de poids [248, 249]. IL-6 est liée à l’adiposité et la résistance à l’insuline [250-252]. Il est possible qu’une augmentation d’IL-6 circulante en rapport avec l’obésité contribue au dysfonctionnement métabolique, cependant le rôle d’IL-6 en lien avec la résistance à l’insuline reste controversé. Des preuves conflictuelles suggèrent qu’IL-6 aurait à la fois une action favorisant la résistance à l’insuline et des effets sur la sensibilisation à l’insuline, des faits qui peuvent être expliqués par un rôle différent d’IL-6 dépendamment des organes ou des sources (Tableau 1) [253-255].

Parmi les autres cytokines impliquées dans la réponse pro-inflammatoire on peut mentionner : la résistine (RETN) [256-259], la Retinol Binding Protein 4 (RBP4) [260, 261], la Lipocalin 2 (LCN2), l’Angiopoietin (ANGPT), l’IL-18, le monocyte chemotactic protein-1 (MCP1/CCL2), le CXCL5 et la Visfatine (ou PBEF/pre B cell colony enhancing factor ou NAMPT). Par souci de concision, ces dernières ne seront pas couvertes dans la thèse (Tableau 1).

2.2.1.2.4. Les autres molécules inflammatoires

D’autres molécules ont été associées à des rôles pro-inflammatoires, parmi elles, les acides gras libres (AGL). Les AGL sont principalement libérés par le tissu adipeux pendant les périodes de jeûne comme source d’énergie, cependant leur élévation en circulation ou intracellulaire est aussi notée dans un contexte d’obésité. Une augmentation d’AGL participe à la résistance à l’insuline et l’inflammation. Les niveaux d’AGL élevés dans l’obésité peuvent être expliqués par plusieurs causes comme l’augmentation de la masse

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adipeuse ou une réduction du captage des acides gras. Les AGL participent à l’inhibition de l’action anti- lipolytique de l’insuline favorisant leur circulation sanguine [262-264]. Les AGL entrainent plusieurs actions sur l’homéostasie du glucose ainsi ils réduisent l’absorption de glucose au niveau du tissu adipeux et des muscles et ils participent à la production de glucose hépatique [265, 266]. De plus, les mécanismes qui entrent en jeu au niveau du muscle, du foie et du tissu adipeux sont multiples à savoir une activation de protein kinase C (PKC), du stress oxydatif, de la formation de céramides et d’acyl-Coa mais aussi une activation du système immunitaire inné, une réduction de la production d’oxyde nitrique et une dysfonction mitochondriale [267-274]. Enfin, la présence de lipides ectopiques est également associée à l’obésité, et est prédictive de diabète de type 2 [275-277]. Ce phénomène, aussi observé dans les modèles de lipodystrophie, résulte en partie de la réduction de la capacité de stockage lipidique associé au tissu adipeux d’individus obèses. Elle se caractérise par une accumulation de lipides (et leurs dérivés) dans des organes comme le foie, le muscle squelettique, le cœur et le pancréas altérant leurs fonctions métaboliques [278, 279]. Cette lipotoxicité entraine divers dérèglements comme la résistance à l’insuline, une dysfonction voire une insuffisance cardiaque, une diminution de la sécrétion d’insuline, et une augmentation du flux d'AGL [280-283]. Les mécanismes concernés sont multiples; on note une induction de l’apoptose, de PKC, de l’inflammation, de VLDL1, et du stress oxydatif/réticulum endoplasmique [284-286]. Et on constate aussi une dysfonction mitochondriale, de la voie Akt/PKB et de la translocation de Glucose transporter type 4 (GLUT4) [286-289].

2.2.1.3. Les adipokines anti-inflammatoires

Des adipokines anti-inflammatoires sont également sécrétées par le tissu adipeux. L’adiponectine (apM1, GBP28, AdipoQ, ACRP30) est synthétisée par les adipocytes et est présente dans le

sang à de fortes concentrations (5-10ug/mL). À partir de ces domaines collagènes, l’adiponectine forme des

trimères qui peuvent eux-mêmes s’associer pour donner des hexamères et des multimères stables [290, 291]. Elle possède deux récepteurs AdipoR1 et AdipoR2 (Tableau 1) [292, 293]. L’adiponectine est sécrétée par les deux dépôts adipeux mais est plus exprimée par le viscéral [294]. La quantité d’adiponectine est très élevée dans le sang et le tissu adipeux d’individus minces mais diminue chez les individus obèses et diabétiques de type II [295-299]. L’adiponectine a été démontrée comme protectrice des désordres métaboliques en lien avec l’obésité : son injection dans des souris diabétiques ou obèses améliore leur profil métabolique (améliore la sensibilité à l’insuline, réduit leur poids corporel, atténue les niveaux d’AGL plasmatiques et de glucose) tandis que sa sous expression dégrade ce profil [300-302]. La présence d’adiponectine est anti-corrélée à de nombreux facteurs pro-inflammatoires comme TNFα, C Reactive Protein (CRP), ou IL6 [302-304]. Son administration améliore le profil pro-inflammatoire en diminuant la présence de ces molécules tout en augmentant celles de molécules anti-inflammatoires comme IL10 [305]. Sa sécrétion

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est inhibée par les substances pro-inflammatoires (TNFα, IL6), les glucocorticoïdes, la stimulation β- adrénergique, les androgènes ainsi que l’hypoxie et le stress oxydatif tandis qu’elle est stimulée par l’activation de PPARγ, l’insuline, et l’Insulin like Growth Factor (IGF1) [306-309]. Son action passerait notamment par une activation de protéines kinase-AMP (AMPK), d’acétyl Coenzyme A carboxylase (ACC) ainsi que l’oxydation des acides gras et une absorption de glucose. Cette réponse impliquerait AdipoR1 et AdipoR2 [310-312]. L’adiponectine agirait également par d’autres mécanismes comme rapportés pour le muscle avec une action sur Calcium/Calmodulin-dependent protein kinase kinase (CAMKK), AMPK, Sirtuin 1 (SIRT1) avec au final une augmentation de l’activation et de l’expression de Peroxisome Proliferator-Activated

Receptor Gamma Coactivator 1 Alpha (PGC1α) [313]. L’adiponectine a aussi des propriétés anti-

athérogéniques [314-316] impliquant une action sur les macrophages et inhibant la prolifération de cellules musculaires [317-319].