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2. Le tissu adipeux, un tissu complexe :

2.2. Le tissu adipeux blanc : des fonctions et types cellulaires différents

2.2.3. Innervation et tissus adipeux

Une innervation des adipocytes existe au sein du TAB, bien que moins développée que pour le TABr, et initialement négligée au profit des vaisseaux sanguins [343-345]. Les terminaisons sympathiques assurant la libération de norépinéphrine (NE) au TAB sont clairsemées et peu d’adipocytes sont directement innervés mais des jonctions communicantes participent à la transmission du signal [346]. Le rôle du Système Nerveux Sympathique (SNS) dans la mobilisation des lipides est fortement démontré par diverses techniques neurochimiques (renouvellement de noradrénaline), neuroanatomiques (traçage viral) et fonctionnelles (blocage sympathique induit par la dénervation) [347, 348]. L’observation de réponses à des maladies rares chez l’homme conforte les données obtenues chez l’animal [349]. La transmission d’informations du SNS au TAB provient de populations de neurones issus de différentes structures : noyaux hypothalamiques, régions du tronc cérébral, groupes intermedia-latéraux de la moelle épinière [350]. Le neurotransmetteur principal du SNS est la NE bien que d’autres comme le neuropeptide Y (NPY) y participent aussi. Ainsi, la NE en activant les récepteurs ß-adrénergiques (activation de la voie AMPc) participe à la lipolyse des adipocytes, une action dépendante d’un équilibre avec les récepteurs α2-adrénergiques dont l’activation joue le rôle inverse [351, 352]. Le SNS participerait aussi au contrôle de la prolifération. La norépinéphrine inhibe la prolifération des précurseurs adipeux in vitro et le propranolol, un antagoniste ß-adrénergique, bloque son effet [353]. In vivo, la dénervation chirurgicale ou pharmacologique du TAB déclenche une augmentation significative du nombre de préadipocytes et d'adipocytes [354]. Adipocytes et préadipocytes ont des adrénorécepteurs α2 dont la fonction, en plus d'inhiber la lipolyse dans les cellules adipeuses matures, est de participer à la prolifération

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des précurseurs des adipocytes. La libération locale d'acide lysophosphatidique qui fait suite à l'activation de l'adrénocepteur α2 participe au déclenchement de la prolifération des cellules adipeuses in vitro [355]. L'innervation autonome (densité, localisation des fibres) et les récepteurs (type, nombre, affinité) sont hétérogènes selon les dépôts mais aussi selon le sexe et l’espèce [356]. On note l’existence d’une innervation sympathique relativement distincte entre TAB sous cutané et viscéral pour les neurones post-ganglionnaires de la chaîne sympathique mais aussi au niveau de la moelle épinière ou du cerveau. Cette ségrégation fournit la preuve neuroanatomique d’une mobilisation différentielle des lipides à travers les différents dépôts adipeux (taux lipolytiques et prolifératifs distincts) [357, 358]

Pendant longtemps, on a pensé que le TAB n’était pas innervé par le système parasympathique, cependant de récentes études neuro-anatomiques chez le rat ont rapporté l’inverse [359, 360]. Cette innervation parasympathique reste tout de même source de débat [361, 362]. Les preuves sous-tendent que l'innervation du TAB par le parasympathique augmente sa sensibilité à l'insuline [359].

Les nerfs sensoriels participent aussi à l’innervation du dépôt impliquant des neurones localisés à tous les niveaux de l’axe nerveux : ganglions nodaux, moelle épinière (nociceptifs, proprioceptifs), zone autonome du tronc cérébral et du mésencéphale [363]. Ces résultats sont basés sur des preuves neuroanatomiques et neurochimiques (Substance P, calcitonine) [364]. Le rôle et le fonctionnement des nerfs sensoriels du TAB sont encore peu connus, cependant les données issues d’études de lipodystrophies supportent un rôle dans la transmission de l’état des réserves lipidiques au cerveau [365, 366]. Bien que l'on ne sache pas quelles molécules stimulent ces nerfs afférents, la présence de capteurs comme des mécanorécepteurs (Von Frey), et des facteurs locaux reflétant l'état du tissu adipeux (glycérol, acides gras

libres, prostaglandines, leptine) seraient de bons indicateurs [347, 366, 367].

Le système nerveux autonome influence d’autres paramètres comme le flux et la perméabilité sanguine qui peuvent aussi avoir des répercussions sur le fonctionnement du tissu adipeux. Ces organes ne sont pas ciblés équitablement par le système nerveux, et dépendent de paramètres comme les récepteurs présents dans l'organe cible, le nombre de neurones recrutés et l’état physiologique de l’individu. De plus, le SNS n’est pas le seul impliqué dans la lipolyse bien qu’étant le principal, d’autres facteurs y contribuant comme la leptine, le natriuretic peptide (ANP), TNFα, NO, glucagon, et les hormones de croissance [368- 376]. Les facteurs anti-lipolytiques et leurs voies signalétiques s’avèrent également variés : acide nicotinique, insuline, prostaglandine E2, adénosine, lactate et NPY [351, 352, 377-385]. Pour le NPY, il a aussi d’autres fonctions comme la stimulation de l’angiogenèse, la prolifération et la différenciation des précurseurs adipeux. Ces effets sont relayés par les récepteurs Y1 et/ou Y2 et peuvent antagoniser ou minimiser les effets de la NE [386]. Pour finir, on ne s’est pas attardé ici sur la régulation nerveuse centrale qui contrôle l’homéostasie générale, ce qui n’enlève pas son importance.

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Conséquemment, un dérèglement du tonus nerveux peut contribuer à l’obésité et aux complications métaboliques associées [387-389]. Les individus obèses présentent un système nerveux sympathique extrêmement actif, le degré de suractivité étant dépendant de la distribution du tissu adipeux, et la perte de poids étant associée à des effets bénéfiques [390-393]. Cette suractivité mène à une désensibilisation de la réponse des récepteurs β par un mécanisme encore peu identifié. Ainsi, un dysfonctionnement du nerf sympathique mène à une diminution de l’action du SNS sur le TAB favorisant l'augmentation de l'adiposité par le stockage excessif du fait d’une diminution de la réponse lipolytique [387, 394, 395]. Chez les enfants obèses, une activité nerveuse sympathique et parasympathique dysfonctionnelle est également observée, un facteur physiologique favorisant le développement et les complications de l'obésité [396, 397]. La littérature diverge sur la question de la primauté entre l’activité nerveuse sympathique et les dysfonctions métaboliques, à savoir est-ce que cette activation nerveuse les précède ou en est la conséquence. La primauté du SNS serait justifiée par des études de cohorte montrant que des marqueurs comme la noradrénaline et la réactivité sympathique prédisent le risque futur de gain de poids, d'augmentation des taux de leptine plasmatique, de résistance à l'insuline et de diabète [398, 399]. Cependant, la potentialisation de l'hyperactivité sympathique fait intervenir certaines voies neuro-humorales, conséquence de la suralimentation et de ses effets. On note aussi la participation de nombreux mécanismes indirects comme : l’hyperinsulinémie qui contre l’effet du NE, l’augmentation de la leptine via son action locale et sa réponse sensitive baroréflexe, l’adiposité viscérale par les adipokines et AGL libérés, et la réduction de la sensibilité des récepteurs sensoriels [400-404]. L'obésité est aussi associée à des changements dans le nombre et le type d'adrénorécepteurs suggérant que les signaux autonomes au tissu adipeux sont modulés en réponse aux caractéristiques du dépôt lui-même [405]. Les interventions ciblant directement le SNS sont susceptibles d'être bénéfiques, en prenant soin de n’affecter que le TAB et de tenir compte des propriétés propres aux différents dépôts.

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3. Mise en place, expansion et renouvellement adipocytaire : mécanismes