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Lien entre la déviation et l’appariement dipolaire

3.3 Compléments et discussions

3.3.4 Modélisation de l’effet du mode linéaire sur le champ de base

3.3.4.5 Lien entre la déviation et l’appariement dipolaire

Avec cette modélisation, il est désormais possible de construire un lien entre la dé- viation du sillage et l’appariement des dipôles. On commence par calculer la distance perturbée entre deux tourbillons consécutifs. En négligeant les termes à l’ordre O(ε2),

3.3. COMPLÉMENTS ET DISCUSSIONS 101

cette distance devient

ξi,i+1 = ξ0

"

1 + (−1)i+1eacibεy(e

ac− 1) + aε x(eac+ 1) ξ2 0 # + o(εy) (3.12)

Il est intéressant de voir que la distance entre deux tourbillons contra-rotatifs successifs augmente ou diminue alternativement, suivant la parité de i. Par définition, on a a > 0,

b > 0 et c > 0. Par conséquent, lorsque i est pair, c’est-à-dire que le tourbillon Ti est

positif et situé au dessus de la ligne médiane, sa distance avec le tourbillon négatif suivant devient plus petite que ξ0 sous l’influence de la perturbation. Et inversement lorsque i est

impair, le tourbillon Ti est négatif et situé en dessous de la ligne médiane et sa distance

avec le tourbillon positif suivant devient plus grande que xi0. On obtient donc bien un

rapprochement des tourbillons contra-rotatifs successifs deux par deux, chaque tourbillon positif se rapprochant du tourbillon négatif qui le précède dans le sillage. Cet écart à la distance initiale ξ0 croit de manière exponentielle avec la distance à l’aval.

Par ailleurs, cette modélisation conduit à l’apparition du terme [bεy(eac− 1) + aεx(eac+ 1)]

qu’il convient de commenter. Comme dit plus haut, la part de rapprochement due au terme en εx est probablement négligeable puisque εx << εy. Néanmoins, les deux termes jouent

le même rôle, à savoir <qu’ils conduisent à un rapprochement des tourbillons deux par deux. Cela signifie que dans la limite des hypothèses faites pour la modélisation du mode, n’importe quel mode respectant les mêmes hypothèses permettrait théoriquement le rap- prochement des tourbillons deux par deux. On peut par exemple envisager un mode avec

εx ou εy strictement nul. Cette observation permet de conclure que le mode linéaire, tel

qu’il a été modélisé, est non seulement responsable de la déviation mais également du rap- prochement des tourbillons du sillage par paires. Ce résultat est assez remarquable puisque jusqu’ici, l’appariement de tourbillons dans le sillage était difficilement quantifiable au ni- veau de la bifurcation et semblait plutôt être une caractéristique des perturbations non linéaires dans le sillage. C’est d’autant plus intéressant si on prend en compte les observa- tions de [47] et [117] qui attribuaient à l’appariement des tourbillons un rôle moteur dans la déviation du sillage. La modélisation faite ici permet d’ailleurs de s’intéresser plus en détails à ce phénomène.

Le déplacement des tourbillons dans le sillage par le mode linéaire provoque en consé- quence une modification des vitesses que ceux-ci induisent sur leurs tourbillons voisins. De manière générale, un tourbillon ponctuel de circulation Γ à la position (x0, y0) induit

autour de lui un champ de vitesse Vind tel que

∀ (x, y) 6= (x0, y0) Vind=

Γ

2π ((x − x0)2 + (y − y0)2)

[(x − x0)ey− (y − y0)ex] (3.13)

Lorsque l’on se place dans un cadre discret pour identifier la vitesse induite par un tour- billon sur un autre, on note alors Vi,j la vitesse induite par le tourbillon Tisur le tourbillon Tj, avec i 6= j. Cette vitesse induite est donc exprimée à la position (xj, yj) du tourbillon Tj. Cette vitesse induite s’écrit alors

∀i 6= j Vi,j =

(−1)iΓ

0

2πξi,j

ei,j (3.14)

avec ξi,j la distance entre les tourbillons Ti et Tj et ei,j = (ex(i,j), ey(i,j)) le vecteur directeur

de la vitesse induite par le tourbillon Ti sur le tourbillon Tj. Ce vecteur directeur de norme

unitaire est construit comme perpendiculaire à la droite reliant les deux tourbillons. On a en pratique ex(i,j)= yi− yj ξi,j , ey(i,j) = xj− xi ξi,j (3.15)

L’ensemble des champs de vitesses induits par tous les tourbillons du sillage viennent s’ajouter à la convection déjà présente de l’ensemble du sillage vers l’aval, à la vitesse U0.

Dans leurs travaux, Godoy-Diana et al. comparent la vitesse induite par des couples de tourbillons à la vitesse de convection du sillage. C’est cette comparaison qui sert d’argu- ment pour expliquer que l’appariement des tourbillons est un moteur de la déviation du sillage. Zheng et al. reprennent la même comparaison en utilisant cette fois trois tour- billons successifs. Ils estiment en effet que si deux tourbillons successifs T1 et T2 induisent

ensemble une vitesse qui augmente la déviation, la vitesse induite par les tourbillons suc- cessifs T2et T3 ensemble, aura elle tendance à réduire la déviation du sillage. Ils comparent

ainsi les vitesses induites par trois tourbillons successifs à la vitesse de convection pour expliquer la déviation. Dans leurs deux études, il est à chaque fois fait l’hypothèse que les vitesses induites par les tourbillons qui ne sont pas les plus proches voisins sont négli- geables. Pourtant, le champ induit (3.13) par un tourbillon évolue bien selon l’inverse de la distance à son centre. Cela peut facilement être vérifié à l’aide des simulations numé- riques du champ de base. Initialement, la distance entre deux tourbillons contra-rotatifs successifs Ti et Ti+i est de

b2+ a2. La distance entre deux tourbillons contra-rotatifs T

i

et Ti+3est elle de

b2+ 9a2 et la distance tourbillons contra-rotatifs T

i et Ti+5est elle de

b2+ 25a2. Les mesures des paramètres a et b permettent de confirmer que

Vi,i+3 Vi,i+1 ∼ s a2+ b2 9a2+ b2 ∼ 1 3 , Vi,i+5 Vi,i+1 ∼ s a2+ b2 25a2+ b2 ∼ 1 5 (3.16)

Cela confirme bien qu’il faut prendre en compte la vitesse induite par l’ensemble des autres tourbillons du sillage pour évaluer correctement la vitesse induite sur un tourbillon. En définitive, le modèle introduit ici permet d’exprimer analytiquement la somme de toutes les vitesses induites sur un tourbillon Tj de la façon suivante

Vtj = +∞ X i=0 i6=j (−1)iΓ0 2πξi,j ei,j (3.17)

Le problème est donc de savoir quelle est la modification de la vitesse induite qui est provoquée par le déplacement infinitésimal du tourbillon par le mode linéaire. La nouvelle vitesse induite par le tourbillon Ti sur le tourbillon Ti+ 1 devient

Vi,i+1 ≈ (−1)iΓ0 2πξ0 " 1 + (−1)ieacibεy(e ac− 1) + aε x(eac+ 1) ξ2 0 # ei,i+1 (3.18)

De manière évidente, la vitesse induite diminue quand la distance augmente. Cependant, cela ne permet pas de déterminer si la modification de la vitesse induite a un effet sta- bilisant ou déstabilisant. Pour déterminer cela analytiquement, il faudrait écrire toutes les vitesses induites Vi,j et regarder comment elles se compensent. Malheureusement, l’en-

semble des termes qui constituent l’expression de ces vitesses sont suffisamment complexes pour rendre cette démarche extrêmement laborieuse et inconcluante.

Pour pallier à ce problème, on schématise en figure (3.14) la vitesse induite sur les tour- billons positifs et négatifs du sillage par les tourbillons co-rotatifs proches. Dans le champ de base (3.14a,c), les vitesses induites par les deux tourbillons co-rotatifs voisins se com- pensent. Il s’agit bien d’un état d’équilibre. Une fois les tourbillons perturbés (3.14b,d), les vitesses induites par le tourbillon précédent (rouge) et suivant (bleu) ne se compensent plus et leur résultante est orienté vers l’extérieur du sillage avec un angle proche de ±90◦ (et d’autant plus proche que la perturbation est infinitésimale). La prise en compte des tourbillons co-rotatifs plus éloignés tend à augmenter cet effet, c’est-à-dire à augmenter la norme de la résultante des vitesses induites et écarter son orientation de la verticale.

3.3. COMPLÉMENTS ET DISCUSSIONS 103

(a) (b)

(c) (d)

Figure 3.14 – Schéma de la modification de la vitesse induite par les tourbillons co- rotatifs proches. (a,b) Tourbillons positifs. (c,d) Tourbillons négatifs. (a,c) Champ de base. (b,d) Champ de base avec déplacement du à la perturbation. Les tourbillons co- rotatifs précédents (rouge) et suivant (bleu) induisent des vitesses dont la résultante est indiquée en vert.

Puisque l’allée de tourbillons est semi-infinie, prendre en compte tous les tourbillons co- rotatifs conduit à ce qu’il ne reste plus que des tourbillons à l’aval du tourbillon courant à considérer. Quand c’est le cas, ces tourbillons co-rotatifs tendent eux à réduire la norme de la résultante des vitesses. De la même manière que pour l’influence des tourbillons co-rotatifs, l’influence des tourbillons contra-rotatifs proches est modélisée dans la figure (3.15). Dans le champ de base (3.15a,c), les vitesses induites par les deux tourbillons voi- sins ont leur composantes verticales qui se compensent et leurs composantes horizontales qui s’ajoutent. La résultante de ces vitesses (en violet) est orientée horizontalement vers l’aval, traduisant l’état propulsif du sillage. Après l’ajout de la perturbation (3.15b,d), les composantes verticales ne se compensent plus et la résultante des vitesses induites est légèrement orientée vers le haut. Comme pour le cas co-rotatif, la perturbation est infinitésimale ce qui implique que l’angle que forme cette résultante des vitesses induite avec l’horizontal reste tout de même proche de 0◦. Enfin, le caractère semi-infini du sillage implique que lorsque tous les tourbillons contra-rotatifs restants sont à l’aval du tourbillon courant, ceux-ci ajoutent tous une vitesse induite orientée vers l’extérieur du sillage (en bleu).

La figure (3.16) permet de faire un résumé des influences de tous les tourbillons. Un couple de tourbillon contra-rotatif successif est représenté. La perturbation dont l’influence indiquée par un vecteur noir a pour effet de déplacer les deux tourbillons vers le haut et de les rapprocher. Le déplacement de ces tourbillons (et des autres tourbillons du sillage) provoque une modification de la vitesse induite par les autres tourbillons du sillage sur eux. La vitesse induite par les tourbillons co-rotatifs passe d’une résultante nulle, à une résultante qui les écarte. Il s’agit donc d’un effet stabilisant. La vitesse induite par les tourbillons co-rotatifs passe d’une résultante purement horizontale à une résultante à composante verticale non nulle, cette dernière ayant une croissance exponentielle avec la position avale. L’effet est donc d’augmenter le caractère propulsif du sillage (donc la poussée) et de rapprocher ces deux tourbillons. C’est donc un effet déstabilisant.

(a) (b)

(c) (d)

Figure 3.15 – Schéma de la modification de la vitesse induite par les tourbillons contra- rotatifs proches. (a,b) Tourbillons positifs. (c,d) Tourbillons négatifs. (a,c) Champ de base. (b,d) Champ de base avec déplacement du à la perturbation. Les tourbillons contra- rotatifs précédents (rouge) et suivant (bleu) induisent des vitesses dont la résultante est indiquée en violet.

On peut supposer l’existence d’une compétition entre ces deux effets et que l’accrois- sement du couple amplitude/fréquence de battement est responsable de la bifurcation à l’état instable où le sillage dévie de sa trajectoire et les tourbillons forment des dipôles dans le sillage. Cet appariement des tourbillons dans le sillage ne résulte pas uniquement d’effets non linéaires comme on pouvait le penser au premier abord. Il s’agit bien d’un effet secondaire de la perturbation linéaire responsable de la déviation. En définitive, la modélisation introduite ici permet de montrer que le mode linéaire responsable de la dé- viation est également responsable de l’appariement des tourbillons du sillage, et que ces deux effer, même pris séparément, se renforcent l’un l’autre.