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Analyse de Floquet de la solution T périodique

4.3 Analyse de la bifurcation vers un état 3T périodique à f = 0.1

4.3.3 Analyse de Floquet de la solution T périodique

On trace dans la figure (4.15a) le spectre des multiplicateurs de Floquet pour f = 0.1 et α = 11◦. On voit que dans ce cas, un paire de modes complexes conjugués est instable et toutes les autres valeurs propres calculées sont stables. L’évolution de cette paire de modes avec l’angle d’incidence moyen est représenté dans la figure (4.15b). La paire de modes complexes conjugués devient instable pour 10◦ < α < 10.5◦. Par interpolation, on obtient un multiplicateur de Floquet à la bifurcation qui vaut µ ≈ (−0.59096, ±0.80552) ≈

exp(2.20374i) à un angle α ≈ 10.15◦. On voit qu’au travers de son évolution, l’argument de ce mode est très proche de 2iπ/3, ce qui est représenté dans la figure (4.15b). Ce cas de figure est caractéristique d’un mode avec un argument qui est un multiple irrationnel de π. Ainsi, la déstabilisation du champ de base par cette paire de modes complexes conjugués ne devraient pas mener à un état périodique dont la période est un multiple de la période fondamentale T du champ de base. Linéairement, on devrait obtenir un état quasi-périodique, avec deux fréquences caractéristiques : f et f2 ≈ f /3.

(a)f = 0.1, α = 10.5(b) f = 0.1

Figure 4.15 – (a) Spectre du multiplicateur de Floquet dans un cas instable (α = 10.5et f = 0.1). (b) Valeur propre du mode dominant pour des valeurs croissantes de α à

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Pour mieux comprendre ce qui se passe, on compare dans la figure (4.16) la fréquence secondaire des simulations non linéaires (cercles creux) avec l’argument réduit du mode de Floquet dominant (cercles pleins). Les fréquences indiquées sont adimensionnées par la fréquence de battement f . Le cercle creux à α = 10.15a été ajouté a posteriori puisqu’à la bifurcation, la fréquence des simulations non linéaires est par définition égale à la fréquence du mode marginal. Pour de plus grandes valeurs de α, les simulations non linéaires se synchronisent à la fréquence f /3 représentée par une ligne continue dans la figure (4.16) tandis que l’argument du mode dominant s’éloigne de cette fréquence. On en déduit que cet accrochage est forcément du à des effets non linéaires.

Figure 4.16 – Comparaison de la fréquence secondaire de la solution non-linéaire (◦) avec l’argument réduit du mode de Floquet (•) en fonction de α. Les fréquences sont adimensionnées par la fréquence de battement f .

On peut désormais s’intéresser à la structure spatiale du mode dominant. On repré- sente ainsi dans la figure (4.17) l’évolution temporelle du mode de Floquet T -périodique, juste après la bifurcation. Celui-ci est constitué de plusieurs dipôles de tourbillons contra- rotatifs, et ressemble étonnamment aux différences de vorticité d’une période à l’autre dans la figure (4.12e-h). En effet, il est surprenant que le mode, que l’on peut traduire par la perturbation instantanée que subit le champ de base, ait la même structure spatiale que la différence entre deux périodes successives. On remarque que ces dipôles de tourbillons sont présents à la position de chacun des tourbillons du champ de base, qu’ils fassent partie des paires de tourbillons contra-rotatifs, ou du tourbillon solitaire émis à chaque période.

(a) (b)

Figure 4.17 – Vorticité instantanée de la perturbation linéaire à (a) t = 0 et (b) t = T /2 pour f = 0.1 et α = 10.5◦.

Pour mieux comprendre l’effet du mode de Floquet sur le champ de base, on suit dans la figure (4.18) le mouvement d’un dipôle de tourbillons contra-rotatifs du champ de base (images du haut). On se place dans un référentiel attaché à ce dipôle dont on représente la structure sur une période de battement, tous les quarts de période. Aux mêmes instants et positions, on représente également la structure du mode de Floquet dominant sur la même figure (images du bas). Chaque tourbillon du champ de base se superpose ainsi à un dipôle de tourbillons contra-rotatifs du mode de Floquet. Comme dans le cas de la

déviation du sillage d’une aile battante [66], on peut analyser cela comme une successions de modes de déplacements qui ont pour effet de déplacer les tourbillons du champ de base. La direction de ce déplacement se détermine qualitativement en additionnant la contri- bution de la vorticité du champ de base avec la vorticité du mode de Floquet [119]. Une détermination quantitative de cette direction est conduite par la suite. Le déplacement est ainsi représenté pour chaque dipôle par une flèche rouge. Il faut préciser que dans la figure (4.18), la longueur des flèches rouges est arbitraire et n’indique pas l’amplitude du déplacement. Á chaque instant, les deux tourbillons contra-rotatifs du champ de base (positif et négatif) sont déplacés dans une direction sensiblement identique. D’autre part, la direction de déplacement des tourbillons semble tourner au cours du temps, dans le sens horaire. En ce qui concerne le tourbillon "solitaire" du champ de base, on remarque un comportement différent. Celui-ci subit aussi un effet de déplacement mais dont la di- rection est elle plutôt tourner vers l’amont. La rotation de ce mode se comprends comme si chaque dipôle du champ de base se comportait comme un corps rigide qui subit une poussée infinitésimale dont la direction tourne autour du temps.

Figure 4.18 – Suivi au cours de son mouvement de l’évolution en temps (haut) d’un dipôle du champ de base et (bas) de la rotation des dipôles du mode de Floquet à la même position aux instants t = 0, t = T /4, t = T /2, t = 3T /4, t = T .

On cherche maintenant à déterminer quantitativement la direction de ce déplacement infinitésimal que le mode de Floquet provoque sur les tourbillons du champ de base. On définit l’angle β(t) comme l’angle que forme la direction de déplacement du mode de Floquet avec l’horizontal à l’instant t (4.18). On trace dans la figure (4.19) l’évolution temporelle sur trois périodes de battement de cet angle β pour les deux tourbillons (positif et négatif) du champ de base dont on suit le mouvement dans la figure (4.18). La valeur de

β(t) est bien évidemment congrue à 360◦. L’échelle verticale de la figure (4.19) est choisie pour ne pas qu’il n’y ait pas de fracture. L’évolution temporelle de β est linéaire avec le temps et une régression à partir des points relevés permet de construire la loi temporelle suivante β(t/T ) = a1 t T + b1 avec      a1 = −116.9b1 = 426.7R2 = 0.9964 (4.3)

Le coefficient a1 correspond à la vitesse de rotation angulaire de la direction du déplace-

ment provoqué par chaque dipôle du mode de Floquet sur chaque tourbillon du champ de base. Sa valeur est proche de l’argument du multiplicateur de Floquet dans le même cas (125.6◦). La différence entre ces deux valeurs est par ailleurs probablement lié à la précision de la mesure de l’angle β (voir section 1.3.2.1). Ces résultats nous permettent

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Figure 4.19 – Évolution de β en fonction du temps. La droite noire est obtenue par régression linéaire. La droite rouge a pour coefficient directeur l’argument du mode de Floquet dominant (−125.6◦).

d’en déduire que l’argument du multiplicateur de Floquet correspond à la vitesse de ro- tation des dipôles du mode. C’est cette rotation qui est responsable du changement de périodicité vers un état dont la période est triplée.

L’analyse de Floquet a permit d’identifier une paire de modes complexes conjugués, d’arguments réduits proches de f /3. L’analyse de leur structure spatiale montre qu’ils provoquent un déplacement des tourbillons dans le sillage de l’aile et que la direction de ce déplacement tourne dans le sens horaire à la même fréquence réduite que le mode. Ces observations permettent de conclure que c’est bien ce mode qui est responsable de la bifurcation observée en analysant les simulations non linéaires. Par contre, celles-ci ont montré que au delà de la bifurcation, les écoulements deviennent 3T -périodique, alors que les arguments linéaires apportés ici ne permettent pas de justifier de cette synchronisa- tion. Cela implique donc que des effets non linéaires apparaissent rapidement après la bifurcation et sont responsables de la re-synchronisation de la période secondaire avec un multiple de la période fondamentale de battement. Ces effets sont étudiés dans la section suivante à travers une analyse des perturbations non linaires.