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Vie, liberté, sécurité — Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être portée atteinte à ce droit qu’en conformité avec les

ENTRE COERCITION ET COOPÉRATION

S ÉCURITÉ , URGENCE , MENACE ET INTÉRÊT 1 L A DÉFINITION DE LA SÉCURITÉ NATIONALE

7. Vie, liberté, sécurité — Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être portée atteinte à ce droit qu’en conformité avec les

principes de justice fondamentale.

En ce qui a trait à la formulation de l’article 7, il est possible d’affirmer qu’elle est large et, dans une certaine mesure, plutôt évasive. Plusieurs des expressions auxquelles fait appel cette disposition renvoient à des concepts vagues et difficiles à circonscrire. La vie, la liberté, la sécurité, la justice fondamentale : autant de notions que les philosophes, comme les juristes, ont peine à définir avec certitude et assurance. Néanmoins, la jurisprudence canadienne aura permis de faire ressortir certaines déterminations particulières de ces droits généraux. Le droit à la vie implique, d’abord, que l’État ne peut adopter de lois ou de politiques qui pourraient avoir comme conséquence d’enlever la vie à quelqu’un. L’exemple le plus évident en l’espèce serait l’adoption de mesures qui permettrait d’infliger à un individu la peine de mort. Or, au Canada, la peine de mort a été abolie en 1976, soit six ans avant l’adoption de la Charte. Cependant, jusqu’en 1998 la Loi sur la défense nationale permettait l’imposition de la peine de mort pour certains crimes graves , et ce bien qu’aucune sentence impliquant cette peine ne 76

fut prononcée entre 1982 et 1998. Le droit à la vie peut également être invoqué si un 77

individu fait l’objet d’une demande d’extradition vers un pays qui applique la peine de mort, comme les États-Unis. À cet égard, dans l’arrêt États-Unis c. Burns, la Cour suprême a décidé

La Loi sur la défense nationale LRC 1985, c. N-5 fut modifiée en 1998 par la Loi modifiant la loi sur la défense nationale

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et d’autres lois en conséquence LR 1998, c. 35 qui visait à remplacer l’imposition de la peine de mort par

l’emprisonnement à perpétuité. Voir les articles 24 à 28 à la Section II « Infractions d’ordre militaire et peine. »

Gazette du Canada 21(3) Partie III, Ottawa, 1999 à la p. 249.

URL : http://publications.gc.ca/gazette/archives/p3/1999/g3-02103.pdf

Stewart, « Fondamental Justice », supra note 71 à la p. 63.

que l’extradition vers un pays où un individu est passible de la peine de mort violait l’article 7 de la Charte. 78

Le droit à la vie peut aussi être considéré comme le droit d’avoir accès à des soins de santé dans un délai raisonnable. Il ne s’agit donc plus de protéger l’individu contre le droit de l’État à donner la mort, mais de lui conférer le droit de se doter des moyens qui lui permettent de rester en vie et en santé. Dans l’arrêt Chaoulli c. Québec (Procureur général) , la Cour suprême du 79

Canada a déclaré invalides certaines dispositions de deux lois québécoises, la Loi sur l’assurance

maladie et la Loi sur l’assurance-hospitalisation, qui interdisaient l’achat d’assurances privées pour

des soins qui sont déjà dispensés par le régime de santé publique du Québec. Les appelants, un médecin et son patient, ont fait valoir que la dispense de soins par le système de santé publique du Québec est peu efficace en raison des longs délais d’attente qui le caractérisent. En ce sens, ils avancent que les dispositions législatives des deux lois québécoises préviennent l’obtention de soins de santé dans un délai raisonnable et, qu’en ce sens, elles empiètent sur les droits garantis par l’article 7 de la Charte canadienne et par l’article 1er de la Charte des droits et

libertés de la personne du Québec. La Cour a décidé que les dispositions sont contraires à l’art. 1 80

de la Charte québécoise et que cette atteinte n’est pas justifiable au regard de l’article 9.1 de cette même Charte. 81

La signification et l’étendue du droit à la liberté font l’objet de différentes interprétations. L’interprétation plus restrictive du droit à la liberté compris à l’article 7 ne considère que les atteintes physiques à la liberté de l’individu par l’État, par exemple l’emprisonnement, la détention ou l’extradition, comme étant protégées par l’article 7. Le juge Lamer considère, en effet, que l’article 7 « protège les individus contre l’État lorsqu’il recourt au pouvoir judiciaire

États-Unis c. Burns [2001], 1 RCS 283 au para 31 : « En définitive, nous concluons que le pourvoi des intimés

78

doit être accueilli pour le seul motif que leur extradition vers un pays où ils sont passibles de la peine de mort violerait, dans les circonstances de la présente affaire, les droits que leur garantit l’art. 7 de la Charte. »

Chaoulli c. Québec (Procureur général) [2005], 1 RCS 791.

79

L’Article 1 de la Charte québécoise prévoit un « droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa

80

personne. »

Elle a également statué qu’elles sont également contraires à l’article 7 de la Charte canadienne et que cet

81

pour restreindre la liberté physique d’une personne, par l’imposition d’une peine ou par la détention ». Cette perspective n’est cependant pas dominante puisque la Cour suprême du 82

Canada a opté pour une interprétation plus large de la liberté dans le contexte de l’article 7. 83

Dans Blencoe c. Colombie-Britannique, la Cour a déclaré, à la majorité, que le droit à la liberté compris à l’article 7 ne doit pas exclusivement être compris comme une absence de contrainte physique. La Cour affirme que le droit à la liberté doit être compris de manière positive, 84

c’est-à-dire comme la liberté de l’individu de faire certains choix par rapport à sa vie et son existence. En ce sens, la Cour soutient selon nous l’existence d’une liberté décisionnelle, une notion qui découle du caractère autonome de l’individu et de la dignité humaine que l’on doit lui reconnaître. Dans Morgentaler, le juge Wilson affirme, dans un passage où il analyse l’étendue du droit à la liberté, que :

« La notion de dignité humaine trouve son expression dans presque tous les droits et libertés garantis par la Charte (…) [U] n aspect du respect de la dignité humaine sur laquelle la Charte est fondée est le droit de prendre des décisions fondamentales sans intervention de l’État. Ce droit constitue une composante cruciale du droit à la liberté. La liberté (…) est un terme susceptible d’une acception fort large. À mon avis, ce droit, bien interprété, confère à l’individu une marge d’autonomie dans la prise de décisions d’importance fondamentale pour sa personne. » 85

La liberté se présente donc comme une manifestation de l’autonomie individuelle et de la dignité humaine. Or, la capacité de l’individu à prendre des décisions sans intervention de l’État implique aussi la reconnaissance d’un espace privée où l’individu est maître de sa destinée, où il est libre et autonome. Ainsi, l’article  7 comprend une dimension qui vise  la reconnaissance du droit à la vie privée de l’individu. Dans R. c. Dyment, le juge Laforest reconnaît que la notion de vie privée se trouve au cœur de celle de la liberté. Dans le même 86

ordre d’idée, la juge L’Heureux-Dubé, soutient dans R. v. O’Connor que l’article 7 de la Charte 87

Renvoi relatif à l’art. 193 et à l’art. 195.1(1)c) du Code criminel, [1990] 1 RCS 1123 à la p.1173. Le juge Lamer

82

réaffirme cette interprétation restrictive de l’art. 7 dans B.(R.) c. Children Aid Society of Metropolitan Toronto [1995] 1 RCS 315 à la p. 340.

Sharpe et Roach, « The Charter », supra note 73 à la p. 225.

83

Blencoe c. Colombie-Britannique, [2000] 2 RCS 307 au para 49.

84 R. c. Morgentaler [1988], 1 RCS 30 à la p. 166 85 R. c. Dyment, [1988], 2 RCS 417 au para 17 86 R. c. O’Connor [1995], 4 RCS 411. 87

protège l’attente raisonnable en matière de vie privée à l’égard des dossiers médicaux d’un individu et qu’une atteinte à cette attente représentait une atteinte au droit à la liberté garantie par l’article  7. En ce sens, bien que le droit à la vie privée implique normalement 88

l’application de l’article 8 de la Charte, on constate qu’en raison de la relation qu’entretiennent les notions de vie privée et de liberté sur le plan conceptuel, l’article 7 est également pertinent en la matière. Le chapitre 3, qui traite des dispositifs canadiens de surveillance des maladies, s’intéresse plus particulièrement au droit à la vie privée, de même qu’à l’application de l’article  8 et à la relation qu’il entretient avec l’article  7. Il convient simplement, ici, de souligner le fait que le droit à la liberté n’est pas interprété par les tribunaux canadiens comme se limitant à l’absence de contraintes physiques imposées par l’État. Le droit à la liberté protégée par l’article 7 entend également conférer à l’individu une sphère privée d’autonomie où il peut jouir d’une forme positive de liberté décisionnelle.

La dernière composante de l’article  7 qu’il nous reste à examiner avant de passer à la question des principes de justice fondamentale est le droit à la sécurité. À quoi renvoie le droit à la sécurité dans le contexte de l’article  7 ? La sécurité individuelle se comprend d’abord comme une forme de sécurité physique et, ensuite, comme une forme de sécurité que l’on pourrait qualifier de psychologique. Sur le plan physique, le droit à la sécurité se fonde sur le concept de l’intégrité corporelle. Ce principe évoque la nécessité pour l’individu d’être en mesure de contrôler son corps. On comprend donc que la sécurité individuelle fait ici aussi appel aux notions de liberté, d’autonomie et de dignité de la personne. Par exemple, dans

Rodriguez c. British Columbia, le juge Sopinka affirme qu’il n’y a :

«  Aucun doute que la notion de sécurité de la personne comprend l’autonomie personnelle, du moins en ce qui concerne le droit de faire des choix concernant sa propre personne, le contrôle sur sa propre intégrité physique et mentale, et la dignité humaine fondamentale, tout au moins l’absence de prohibitions pénales qui y fassent obstacle. » 89

Stewart, « Fondamental Justice », supra note 71 à la p.78.

88

Rodriguez c. British Columbia (Procureur Général), [1993] 3 RCS 519 à la p. 588.

Dans cette affaire, l’appelante Sue Rodriguez contestait la constitutionnalité de certaines dispositions du Code criminel qui interdisent le suicide assisté en affirmant qu’elles contrevenaient aux droits garantis par l’article 7. Bien que la Cour suprême ait accepté l’idée selon laquelle l’interdiction en question portait atteinte au droit à la sécurité de l’individu et au contrôle que celui-ci peut exercer sur son propre corps, elle n’a en revanche pas conclu que les dispositions du Code étaient inconstitutionnelles, et ce parce que l’atteinte à l’intégrité corporelle garantie qu’elles engendraient ne contrevenait pas aux principes de justice fondamentale. Toutefois, il est important de mentionner que, dans une décision récente, la Cour a renversé l’arrêt Rodriguez. En effet, insistant sur l’importance de protéger l’autonomie et la dignité de la personne, la Cour a décidé dans Carter c. Canada (Procureur général) que la prohibition de l’aide médicale à mourir constitue une atteinte au droit à la liberté, à la vie et à la sécurité de l’individu qui n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale. 90

Si la sécurité s’applique au plan physique, elle s’applique également à la dimension psychologique de l’existence humaine. Cette seconde dimension de la sécurité individuelle se fonde sur le concept de l’intégrité psychologique. Il est donc possible d’invoquer la protection de l’article  7 lorsque certaines certaines actions, ou inactions, gouvernementales peuvent engendrer des «  conséquences graves et profondes  » sur l’intégrité psychologique de 91

l’individu. Dans New Brunswkick c. G.(J.), la Cour suprême a, par exemple, affirmé que le fait de retirer la garde d’un enfant «  porte gravement atteinte à l’intégrité psychologique du parent  ». Le juge Lamer fait état des sentiments de «  honte  » et «  d’affliction  » que cette 92

pratique peut générer chez le parent, de même que des problèmes qu’elle peut engendrer sur le plan de l’identité personnelle de l’individu. 93

Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5 aux para 85-88.

90

Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 RCS 46 au para 60 [NB c

91 G(J)]. Ibid au para 61. 92 Ibid 93

iii) LESPRINCIPESDEJUSTICEFONDAMENTALE, L’ARTICLE 1ERETLASÉCURITÉNATIONALE

Les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité que confère à l’individu l’article 7 de la Charte visent à limiter la capacité de l’État à compromettre, tant sur le plan physique que psychologique, l’autonomie de l’individu. En ce sens, l’article7 traduit un engagement profond des systèmes politiques et juridiques canadiens envers le concept de dignité de la personne. Cependant, si l’article 7 affirme l’existence d’un droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, il est important de noter qu’il comporte aussi une locution qui permet de limiter ces droits. Contrairement aux autres droits garantis par la Charte, l’article 7 comporte son propre principe de limitation. Une atteinte aux droits qu’il garantit n’est justifiée qu’en conformité avec les « principes de justice fondamentale ». Or, il convient ici de s’interroger sur la signification de cette expression. Qu’entend-on, exactement, par principes de justice fondamentale ?

La constitution canadienne ne fournit pas de liste des principes de justice fondamentale. Les tribunaux canadiens ont donc plutôt miser sur l’élaboration de mécanismes qui permettent de déterminer, au cas par cas, l’existence et la portée des principes de justice fondamentale. D’une manière générale, il nous semble possible d’affirmer que l’expression «  principes de justice fondamentale  » renvoie à l’ensemble des principes procéduraux et matériels qui doivent être respectés pour que le système judiciaire fonctionne d’une manière qui soit juste et équitable. Dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act, le juge Lamer décrit succinctement ces principes comme étant les éléments qui sont essentiels à l’administration d’une justice qui soit fondée sur le respect de la dignité et la valeur de la personne humaine. 94

Le juge soutient que la détermination de l’existence d’un principe doit être effectuée en fonction de la nature, des sources, de la raison d’être et du rôle essentiel que ce principe remplit dans le processus judiciaire à une époque et dans un contexte donné. En 2004, la 95

juge McLachlin a développé un test en trois parties qui visent à déterminer si un principe relève de la justice fondamentale ou non. Dans un premier temps, le principe en question doit être un principe juridique. Cette première étape vise d’une part à conférer aux droits prévus à l’article  7 une certaine substance et, d’autre part, à éviter que la Cour soit obligée de se

Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C-B), [1985] 2 RCS 486 à la p. 503 [Motor Vehicle].

94

Ibid à la p. 513.

prononcer sur des questions qui sont politiques. La deuxième étape consiste à vérifier si le principe en question fait l’objet d’un consensus social quant à son caractère primordial et fondamental dans l’administration de la justice. Finalement, le principe doit pouvoir être « appliqué aux situations de manière à produire des résultats prévisibles ». 96

Le principe de limitation interne à l’article  7 chevauche d’une certaine manière les exigences de l’art. 1er relativement à la justification de l’atteinte aux droits et libertés garantis

par la Charte. Cependant, une violation de l’article 7 serait difficilement justifiable en vertu de l’article 1er. Dans Nouveau-Brunswick c. G. (J.), le juge Lamer affirme que deux raisons

principales expliquent cet état de fait. Premièrement, les intérêts protégés par l’article  7 revêtent une importance capitale pour l’individu et ne peuvent généralement être supplantés par des considérations sociales concurrentes. Deuxièmement, une atteinte aux principes fondamentaux de justice sera difficilement reconnue comme une limite raisonnable et conforme aux exigences d’une société libre et démocratique. Cependant, la Cour suprême a 97

mentionné que cette possibilité d’une justification par l’article 1er d’une atteinte aux droits

garantis par l’article 7 n’est pas à exclure complètement. Dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act, le juge Lamer écrit que :

« L’art. premier peut, pour des motifs de commodité administrative, venir sauver ce qui constituerait par ailleurs une violation de l’art. 7, mais seulement dans les circonstances qui résultent de conditions exceptionnelles comme les désastres naturels, le déclenchement d’hostilité, les épidémies, et ainsi de suite. » 98

Ce passage est, aux fins de ce travail, d’une importance capitale. Il précise en effet qu’une atteinte à l’article  7 ne peut être justifiée en vertu de l’art. 1er que dans des circonstances

exceptionnelles au nombre desquelles on cite explicitement les épidémies. Le langage utilisé dans

ce passage nous invite à croire que le juge Lamer parle ici de situations d’urgences telles que la Loi

sur les mesures d’urgence de 1985, décrite et brièvement analysée plus haut, les définit. Dans la 99

mesure où les épidémies et, de surcroît, les attaques biologiques, constituent des urgences de

Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 RCS 76 au para 8

96

NB c G(J) supra note 91 au para 99

97

Motor Vehicle supra note 94 à la 518. Nous soulignons.

98

Voir le point I.A-3, supra, qui porte sur la définition des situations d’urgence.

santé publique, il serait donc possible, dans l’éventualité d’un de ces événements exceptionnels, de justifier à l’aide de l’article 1er certaines mesures coercitives, attentatoires aux libertés

individuelles et contraires aux principes de justice fondamentale. De telles mesures, comme la mise en quarantaine ou la vaccination forcée, pourraient donc être permises et justifiables.

L’article 7 de la Charte, on l’a vu, vise d’une part à garantir certains droits et, d’autre part, à fournir un critère qui justifie leurs limitations. Qu’en est-il, cependant, de l’application de ces principes relativement à la sécurité nationale ? Ici, un passage de l’arrêt Charkaoui, où la juge en chef McLachlin discute de l’influence des considérations relatives à la sécurité nationale sur l’analyse fondée sur l’article 7, revêt une pertinence particulière. Dans son analyse, la juge 100

précise d’abord que l’article  7 ne permet pas la justification d’une atteinte aux droits qu’il garantit comme le permet l’article 1er, mais qu’il exige plutôt qu’une atteinte soit conforme

aux principes de justice fondamentale. En somme, il n’est pas possible de subsumer l’article 1er

à l’article  7. Ces deux articles renvoient à deux analyses distinctes qui se fondent sur des critères différents et des méthodes qui ne sont pas les mêmes. Le test de Oakes, qui permet d’évaluer une disposition attentatoire aux termes de l’art.1, possède un critère de proportionnalité, on l’a vu, qui vise à établir si un juste équilibre existe entre l’atteinte aux libertés individuelles et les intérêts sociaux concurrents. Or, cette justification par le recours à l’équilibration des droits individuels et des intérêts collectifs n’est pas admissible à l’étape de l’analyse fondée sur l’article  7. Comme la Cour le mentionne dans R. c. Malmo-Levine, l’article  7 n’admet pas l’entreprise d’«  un examen distinct pour décider si une mesure législative donnée établit un “juste équilibre” entre les droits de l’individu et les intérêts de la société en général.  » Bien que la pondération des intérêts individuels et collectifs puisse 101

servir à identifier un principe de justice fondamentale, ces considérations doivent être évacuées de l’analyse fondée sur l’article  7 une fois que ce principe est identifié. Faire entrer cette 102

pondération dans l’analyse de la conformité d’une atteinte relativement à un principe déjà

Charkaoui, supra note 66 à la section « Comment les considérations relatives à la sécurité influencent-elles

100

l’analyse fondée sur l’art.7 », au para 19-27.

R. c. Malmo-Levine, [2003] 3. R.C.S. 571, par. 96. Mentionnons que ce passage est cité par la Juge McLachlin

101

dans Charkaoui c. Canada, par. 21. Ibid au para 98.

identifié reviendrait à intégrer «  entièrement l’examen que commande l’article premier à l’analyse fondée sur l’article 7. » 103

Ces précisions ont un impact direct sur la relation entre la sécurité nationale et la protection des droits et libertés protégés par l’article 7. La sécurité nationale est, d’une certaine manière, un bien commun, c’est un objectif qui vise à pourvoir à l’intérêt de la collectivité. La liberté est, par nature, individuelle. La sécurité nationale ne devrait donc pas être un motif qui puisse servir à légitimer, dans le contexte d’une analyse fondée sur l’article 7, une procédure qui n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale. En dépit de cette affirmation, 104

la juge précise cependant, à la fin de son raisonnement, que l’analyse fondée sur l’article 7 doit néanmoins considérer les exigences propres au contexte de la sécurité nationale. Elle reconnaît par le fait même que la protection accordée à l’individu par l’art.7 « ne soit pas aussi complète