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dans la convergence des dynamiques relationnelles

2.3 Les leviers de l’action

Ces structurations de l’action collective s’appuient sur des leviers de l’action. Les premiers sont relatifs aux principes qui poussent les acteurs à agir et les seconds aux rôles de ces mêmes acteurs qui sont soit prédominants soit articulateurs.

2.3.1 Des principes aux fondements de l’action collective

Les principes qui poussent à s’inscrire dans une dynamique partenariale ou à en influencer le cours ne sont pas très nombreux dans nos observations. À ce titre, nous pouvons séparer celui relevant du remplissage du GÉVA Sco et celui poussant certains acteurs à proposer un projet scolaire particulier.

Concernant le GÉVA  Sco, l’un des principaux éléments conduisant certains acteurs à le remplir, c’est le fait d’avoir vu ou non l’élève. Ainsi, dans la situation relative au graphe 4a, ni le directeur, ni l’enseignant référent n’ont pu remplir le GÉVA Sco, n’ayant pas vu l’enfant, même si, à l’origine, ils ont tenté de le faire. À l’inverse, nous voyons sur le même graphe que l’AVS a été sollicitée parce qu’elle avait pris en charge cet élève, devenant dans ce contexte, plus légitime, de par une connaissance par observation de l’enfant.

Dans d’autres cas, comme pour le graphe 3a, si l’AVS est considérée comme extrêmement importante, c’est l’appartenance au statut qui va fonder la sollicitation à la rédaction du GÉVA Sco, même si cette dernière est considérée comme très compétente. Ainsi, elle ne sera pas invitée à co-remplir le document avec les enseignants.

Concernant le projet de scolarisation, c’est la capacité supposée de l’élève qui semble primer. Ainsi, dans la situation relative au graphe 1a, la coopération entre Camps, directrice et médecin de la PMI a été facilitée par l’idée que cet enfant irait, à terme, en IME et ne serait pas scolarisé en école primaire, vu une déficience l’empêchant d’entrer dans les apprentissages. Dans le graphe 2a, l’acteur prédominant de la situation est le directeur de l’établissement médico-social. Ce dernier a considéré qu’une rescolarisation en milieu ordinaire était possible parce que l’élève avait les capacités pour intégrer le milieu ordinaire, le directeur étant dans le même temps un personnel de l’Éducation nationale.

Dans le graphe 3a, alors que l’élève a des résultats scolaires lui permettant d’aller en seconde générale, il ira en seconde professionnelle. En effet, le jeu d’influence a donné un poids particulièrement important à l’AVS étant également un intermédiaire entre l’équipe scolaire et les autres acteurs. Ainsi, l’AVS explique qu’ « on a juste réussi à imposer une, à imposer une

réalité […] un peu aux parents, parce que les parents en fait, suivaient le principal ayant dit que leur enfant pouvait, ils se sont dit c’est bon ça veut dire qu’elle peut » (Entretien E37). Pour l’AVS,

« la seconde générale, risquait de lui apporter beaucoup trop de difficultés et que c’était pas le but

du jeu quand même » (Entretien E37).

Portant un point de vue dans lequel l’orientation en seconde générale n’est pas possible, l’AVS est allée parler à tous les acteurs concernés. Malgré une position institutionnelle faible, sa proximité avec l’élève lui a octroyé une légitimité que les autres acteurs n’auraient pu lui opposer.

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2.3.2 Des acteurs articulateurs centraux dans le processus partenarial

Ces principes relatifs à un espace de coopération sont portés par des acteurs qui vont avoir un poids relativement important. Dans le graphe 1a, si le psychologue du Camps travaille également à l’IME où l’élève a été orienté, la proposition du Centre d’action médico-sociale (Camps) de scolariser l’élève avant de l’orienter en IME a convaincu la directrice de l’école d’accepter la proposition. Dans le même temps, si la mère n’est pas un acteur prédominant, sa place d’intermédiaire entre plusieurs sous-groupes lui octroie un rôle important, tout en étant soutenue par l’éducateur familial. Dans le sous-groupe « scolarisation », ses liens avec la directrice jouent une fonction d’articulation dans l’ensemble du graphe. Selon la directrice, « Ce sont des parents qui ont vraiment été acteurs de ce projet et sans eux rien n’aurait été possible […] S’ils avaient été réticents à l’idée de faire un dossier MDPH, [l’enfant] […] ne serait pas en

IME […] Pour moi, les partenaires les plus importants dans l’affaire, ce sont les parents. Et pour arriver à l’adhésion de la famille, il faut aussi que les autres partenaires jouent leur rôle auprès de la famille. Un rôle de bienveillance, un rôle de communication, d’explication » (Entretien E18).

L’ensemble du graphe représente un quasi-appareil où la mère joue un rôle central, sans pour autant avoir eu un pouvoir direct important. Dans ce cadre, la directrice joue aussi un rôle d’articulation entre GÉVA Sco et scolarisation.

Dans le graphe 2b, si l’acteur prédominant est le directeur de l’EMS, il n’a pas été le seul acteur déterminant. Dans le sous-groupe « médico-social », la chef de service apparaît comme un acteur articulateur, ayant soutenu l’élève dans les différentes démarches de rescolarisation. La chef de service explique que cela est contraire à ce qu’il se passe habituellement : « normalement, je ne le fais pas, sauf que comme il était vraiment ici et que ça pouvait être aidant

et que ça le rassurait. Il me l’a demandé que je puisse être là dans la mise en œuvre, j’ai été un peu son défenseur des enfants » (Entretien E22).

Dans le graphe 3a, nous avons déjà vu que l’AVS a été écartée du GÉVA Sco, alors que son point de vue sur les capacités de l’élève a été déterminant dans le choix des parents d’orienter leur fille en seconde professionnelle. En regardant le graphe 3a, on s’aperçoit de liens extrêmement forts entre père, mère, élève et surtout AVS. L’AVS est à la fois un intermédiaire et un articulateur. En effet, comme le dit le père : « quand il y a une décision à prendre comme

le redoublement, on a vu le Ssefis, on a suivi la parole de l’AVS parce que pour moi elle a son mot à dire aussi » (Entretien E40).

Comme l’explique la professeure principale : « avec l’orthophoniste […] nous on est beaucoup

moins en contact bien sûr, puisqu’elle vient une fois par semaine pour faire le point […] c’est sur des créneaux où nous on a cours, donc pour nous c’est vraiment l’AVS qui […] fait le lien entre toutes les différentes personnes, entre nous, les enseignants, l’orthophoniste et puis la famille »

(Entretien E41).

Cette place occupée par l’AVS est, en quelque sorte, permise par l’élève. En effet, au moment du brevet : « l’année dernière pour le brevet, on avait fait des révisions, mais elle était venue,

en fait, à la maison, ça se faisait pas ici, mais l’histoire des arts, on l’a faite à la maison et puis des révisions d’histoire pour revoir des choses qui étaient pas forcément tout bien perçues  »

(Entretien E37).

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une fois où elle avait sorti son cahier et puis je lui dis, tu sais, ben qu’est-ce que tu fais-là ? Elle me dit ben attend c’est parce qu’il faut, […] je m’en fiche tu me le ranges ! Ouais mais moi je n’ai pas le droit de tricher et les autres, tout le monde triche. Ben c’est pas grave, je lui ai dit toi tu as de vraies notes, dis-toi que tu peux être fière de tes notes, c’est ton travail à toi ! Les autres j’ai des doutes parfois, donc c’est plutôt pas mal » (Entretien E37).

Sur ce point, on peut constater que, l’AVS n’a pas donné cet élément d’explication aux autres acteurs participant à la scolarisation de l’élève. Ainsi, si les autres acteurs peuvent penser l’action de l’AVS comme un avantage par rapport aux autres élèves, ils ne savent pas que dans le même temps, l’AVS contraint l’élève plus que les autres.

Dans le graphe 4a, si pour le remplissage du GÉVA Sco, l’enseignante spécialisée de l’hôpital de jour est l’acteur central, c’est l’enseignant référent qui apparaît comme un intermédiaire indispensable, à la fois dans la scolarisation et dans le chemin GÉVA Sco. Pour le directeur, «  heureusement qu’on a l’enseignant-référent qui nous explique les choses parce qu’après la

MDPH pour moi c’est une adresse à laquelle j’envoie des papiers » (Entretien E31).

En effet, c’est lui, pour cette situation, qui propose les différentes étapes visant à favoriser au mieux une scolarisation d’un enfant dont les troubles rendent son affiliation scolaire particulièrement difficile à envisager par les personnels de l’école, et en particulier l’enseignante.

L’enseignante de l’hôpital de jour, en tant que conseillère de l’enseignante, joue un rôle dominant, en même temps qu’elle est l’intermédiaire entre hôpital et école. Son influence permet d’articuler les liens entre les sous-groupes existants (GÉVA Sco, scolarisation, famille, hôpital). Ainsi, si l’enseignante de l’école est l’acteur avec le plus de liens, elle est surtout celle sur qui s’exerce le plus le pouvoir.

Dans le graphe 5a, l’influence de l’enseignante est d’autant plus forte qu’elle va emprunter une stratégie particulière court-circuitant le cheminement administratif. Ainsi, « j’ai demandé

à l’enseignante spécialisée, j’ai dit les parents, il va falloir qu’on les voie pour leur parler justement de l’orientation […] parce qu’en fait l’équipe de suivi qui a eu lieu là dernièrement c’est en fait pour demander une orientation en Clis. […] c’est-à-dire la préparation de l’équipe de suivi  »

(Entretien E45).

Cette réunion préparatoire donne à voir l’importance que l’enseignante accorde dans ce cas à l’enseignante spécialisée, cette dernière ayant également donné des outils permettant d’adapter les enseignements. En ce sens, le lien entre les deux enseignantes est de type articulateur, facilitant l’exercice d’un pouvoir sur la mère, à l’origine réticente à toute demande MDPH. L’isolement de la mère est d’autant plus renforcé que le père ne joue qu’un rôle mineur dans la scolarisation de son enfant, contrairement aux deux situations précédentes. Dans le graphe 9b, l’enseignante référente explique : « il y a eu un conflit très, très net […] au

tout début en 2011, entre l’Itep et la famille, l’Itep et l’école et l’Itep et moi. L’Itep d’un côté et moi, la famille et l’école de l’autre. […] on n’a pas compris l’attitude de l’Itep […] on a fait trois ESS cette année-là voire quatre, l’Itep soit ne venait pas, soit arrivait en retard, soit nous disait qu’il pouvait rien dire parce qu’il ne le connaissait pas ou qu’il n’avait pas le temps de, voilà, on les trouvait peu engagés » (Entretien E61).

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Afin que le projet puisse se consolider dans le temps, la coordonnatrice MDPH a joué le rôle d’articulateur en échangeant avec l’Itep directement, suite à la demande de l’enseignant référent.

Ainsi, la coordonnatrice a favorisé l’émergence d’un quasi-appareil en mettant sur un même plan l’actuel sous-groupe « GÉVA Sco » et le sous-groupe « Itep ». Le rôle joué par la coordonnatrice MDPH est ici d’autant plus important que le père a laissé aux professionnels le soin de gérer l’ensemble de la situation : « ils nous écoutent mais c’est surtout nous qui les

écoutons parce que c’est des professionnels. Je me vois pas dire à la maîtresse “non, ce n’est pas bien ce que vous faites, faites autrement”. Si elle me dit “je crois que Joris a besoin de ça, est-ce qu’on le fait“ je lui dirais “si vous le pensez, faites le“. C’est elle qui est avec lui toute la journée, c’est elle qui l’évalue tout le temps […] Je leur laisse la main là-dessus » (Entretien E64).

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Conclusion

En guise de conclusion de ce chapitre, nous pouvons convenir d’un certain nombre d’éléments montrant que le GÉVA Sco, tel qu’il est utilisé par les acteurs, renforce certains liens plutôt que d’autres.

Sur le plan interinstitutionnel, nous pouvons convenir que l’usage du GÉVA Sco a renforcé la place des personnels de l’Éducation nationale, tout en contribuant à une harmonisation de la nature des informations transmises. Pourtant, la scolarisation des élèves handicapés exigerait des formes de coopération où le secteur médico-social, ainsi que les usagers ont leur mot à dire.

Il ne s’agit pas seulement de correspondre à des normes légales, mais de construire des normes interinstitutionnelles permettant de penser la scolarisation comme le fruit d’un travail collaboratif où l’action collective fait sens. Comme l’ont expliqué certains acteurs, si les parents sont en désaccord, rien n’est possible. Nous pouvons faire la même remarque en ce qui concerne les acteurs du secteur médico-social. Si les MDPH les sollicitent au niveau interinstitutionnel, c’est qu’elles reconnaissent leur importance dans la mise en œuvre de la scolarisation.

Au niveau de l’analyse des dimensions interindividuelles, force est de constater que dans plusieurs cas, ce sont ces acteurs du médico-social qui font émerger un projet de scolarisation en milieu ordinaire. Ainsi, si le GÉVA Sco uniformise les informations transmises, en omettant certains acteurs ayant parfois une légitimité sociale plus importante que les enseignants, aux yeux même de ces derniers.

Enfin, en centrant l’usage de l’outil sur le monde scolaire, les acteurs tendent à créer une séparation entre personnels de l’Éducation nationale et acteurs extérieurs à ce système. En ce sens, nous pouvons nous interroger sur la mise en œuvre d’une culture partagée.

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Chapitre 6

La participation des familles