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Serge Ebersold, Séverine Mayol

Ce texte est à citer de la manière suivante :

Ebersold, S., Mayol, S. (2016). Une importunité scolaire consacrée par la qualification du contexte scolaire. In M. Meziani (coord.), S. Ebersold (dir.), S. Mayol, R. Toledo, Les conditions de mise en œuvre du GÉVA Sco. Usages sociaux d’un outil visant

Introduction

La légitimité de la prétention scolaire ne réside toutefois pas uniquement dans la qualification de l’élève et l’appréhension des dimensions individuelles intervenant dans la situation scolaire. Elle s’organise également autour de la faisabilité que va faire apparaître la qualification du contexte scolaire et social dans lequel s’inscrit la scolarisation. Les informations relatives aux composantes constitutives de l’environnement et à son effet capacitant permettent de relier les éventuels risques suggérés par l’importunité scolaire de la personne aux pratiques habituelles jugées normales et convenables de mener parce qu’intériorisées au cours de la formation et consacrées par l’expérience acquise au contact des élèves. Ces informations renseignent sur la possibilité de prendre les choses comme elles se présentent sans risquer d’être par trop inquiété ou déstabilisé. Elles constituent des marqueurs sociaux à partir desquels les acteurs peuvent relier la situation à leurs routines, à leurs représentations et participent pleinement de la distinction entre le normal et le pathologique (Goffman, 1973). Elles contrebalancent, ou non, l’effet disqualifiant suggéré par le type et le niveau de besoin suggéré par la grille d’évaluation de l’autonomie. Les informations relatives à l’environnement renseignent par exemple les parents sur les éventuels risques ou contraintes entourant la scolarisation de leur enfant et informent celui-ci sur les conditions dans lesquelles se déroulera sa scolarité. Nombre d’interviewés soulignent notamment la nécessité d’organiser préalablement à la rentrée une rencontre entre l’élève et l’AVS pour que puissent être explicités et discutées le déroulement de la scolarisation. Les facteurs environnementaux avisent en outre les acteurs de l’école sur leur capacité à satisfaire aux implications entourant la présence de l’élève et à envisager une intégration réaliste dans l’établissement. Les informations relatives à l’évaluation de la scolarité relient les conditions de la scolarité aux objectifs pédagogiques. Elles permettent notamment de savoir si les aménagements dont bénéficie l’élève lui permettent des acquisitions comparables en rythmes et en contenu

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à la moyenne de la classe d’âge et renseignent sur la performance scolaire permise et, corrélativement, sur leur pouvoir normalisateur. Certains interviewés regrettent d’ailleurs que cette rubrique ne soit pas toujours bien complétée et d’être ainsi privés des éléments d’information nécessaires sur les compétences ou les capacités d’acquisition des élèves. La rubrique relative aux missions de l’aide humaine, qu’il convient de consigner en cas de renouvellement, indique le niveau de sécurité dans lequel se déroule la scolarisation, la confiance en soi et le souci de participation dont pourra faire preuve l’élève ou encore les possibilités d’intégration existantes. Les informations sur les facilitateurs et les obstacles ont vocation à mettre en lumière les leviers d’action existants et/ou possiblement mobilisables alors que la partie « bilan de la partie écoulée » veut saisir les usages et l’impact des aides et aménagements octroyés.

Qualifier le contexte scolaire est donc aussi important à l’appréciation de la scolarisabilité de l’élève que les éléments le spécifiant individuellement. Cette qualification relativise le caractère déstabilisant suggéré par le type et le niveau d’importunité objectivé par la grille d’autonomie et constituent, à cet égard, des pôles de certitude (Ebersold, 2009). Ces pôles de certitude conditionnent l’appréhension de la relation pédagogique à instaurer, la médiation symbolique opérée par les soutiens et les aménagements pour appliquer les routines, afin d’œuvrer aussi normalement que possible et jugé souhaitable. Ces pôles de certitude permettent de conserver la normalité des apparences. La présence d’AVS rassure par exemple les enseignants sur les conditions de scolarisation et il n’est pas rare que l’absence d’aide humaine apparaisse comme un frein. Certains interviewés voient dans la présence de l’AVS une condition indispensable à la scolarisation d’un élève présentent une déficience : « ben de toute façon, je pense que c’est indispensable. Enfin moi je ne le vois pas autrement quoi.

Je ne me vois pas intégrer XXX sans AVS, dans la classe. On est déjà 28, non ce n’est pas possible »

(Entretien S20). Aussi, l’absence d’aide humaine ou ses insuffisances peuvent-elles inciter l’équipe pédagogique à refuser la scolarité : « le directeur de l’école, l’enseignant disaient que

pour des histoires de sécurité, l’auxiliaire de vie scolaire étant malade […] Le remplacement qu’on lui proposait, à savoir deux demi-journées, ne pouvait pas lui convenir » (Entretien S22).

Les informations relatives aux soutiens pédagogiques mobilisés renseignent l’enseignant sur sa capacité à effectuer les tâches qui vont lui incomber. Si selon un interviewé la présence des AVS est une « bouée de sauvetage », elle est également « parfois, un boulet, dans

le sens où ils compliquent la tâche de l’enseignant. Ensuite, ils compliquent la tâche de l’enfant en l’assistant pas de la bonne manière » (Entretien S32). Compléter les informations relatives

aux facilitateurs existants par celles concernant les aménagements pédagogiques passés permet de ne pas avoir l’impression de tout inventer (et de ne pas être seul à le faire ou à devoir le faire) en s’appuyant sur l’existant pour l’adapter au contexte nouveau.

Aussi, la manière de consigner les données relatives aux facteurs environnementaux conditionne-t-elle l’approche du handicap retenue par les acteurs et, ce faisant, la légitimité de la prétention scolaire. Des modes de qualification du contexte scolaire permettant aux acteurs d’appréhender les conditions faisant environnement soutiennent, comme le souhaite le GÉVA Sco, une approche écologique du handicap reliant le problème spécifiant les élèves à l’accessibilisation de l’environnement éducatif. À l’inverse, des modes de qualification du contexte scolaire privant les acteurs de l’école des éléments d’information et des pôles de

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certitude leur permettant de penser et de formaliser l’accessibilisation de l’environnement entretiennent une vision essentialiste du handicap faisant de la difficulté scolaire une caractéristique intrinsèque de l’élève. C’est pourquoi ce chapitre s’intéresse aux modes de consignation des modalités de soutien et aux décisions d’orientation des CDAPH. Il décrit dans un premier temps les facilitateurs mentionnés dans les dossiers analysés pour, dans un second temps cerner les impacts perçus. Dans un troisième temps, il relie ces dimensions aux décisions d’orientation de la CDAPH, lorsqu’elles figurent dans les dossiers. Comme précédemment, l’analyse s’appuie sur l’exploitation statistique réalisée par Séverine Mayol, sur les commentaires transmis disponibles et sur l’analyse des entretiens réalisés.

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1. Un mode qualification de l’environnement