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sur la convergence des logiques institutionnelles

2.1 La formalisation des liens d’interdépendances

La formalisation des réseaux interpersonnels permet d’étudier les interdépendances (Elias, 1991) à deux niveaux. D’une part, il permet d’envisager les différentes formes de liens et leur place dans le processus. D’autre part, il permet de saisir les valeurs portées par les acteurs qui font levier dans le processus de scolarisation. Ainsi, s’il s’agit d’étudier les liens de réciprocité et les formes de pouvoir exercés par les acteurs les uns sur les autres, ce même pouvoir ne s’exerçant qu’à partir de certaines valeurs, de certains idéaux et principes.

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dans chaque situation, bien que les acteurs ne soient pas en conflit. Par exemple, les parents, afin de permettre la scolarisation de leur enfant doivent souvent créer les liens entre les institutions (Ebersold, 2005), tandis que les enseignants, inscrivant leur travail quotidien au sein d’une institution, l’école, leurs actions partenariales seront avant tout tournées vers leurs collègues. Au sein des graphes présentés en annexe, cela est d’ailleurs particulièrement visible. Tandis que les enseignants s’inscrivent dans une voie hiérarchique qui certifie le lien entre eux et la MDPH, les parents ont une tendance à considérer le travail partenarial de manière plus large, en envisageant les différentes décisions sur un mode collégial.

Afin de mieux saisir les enjeux relatifs à ces différentes manières de concevoir le rapport à autrui, nous utiliserons donc l’analyse des réseaux, afin de formaliser les rapports sociaux. Lemieux (1999) en distingue quatre types.

Le réseau est un ensemble de liens fondé sur l’établissement de connexions, où les rapports sont égalitaires et où les décisions sont collégiales. Dans cette perspective, tous les acteurs sont reliés dans des liens de réciprocité et il n’existe pas de hiérarchie à proprement parler. Ils n’ont pas de fonction précise et peuvent jouer le même rôle dans un cadre collectif.

L’appareil, à l’inverse du réseau, fonctionne essentiellement sur des rapports hiérarchiques, autour d’un personnage central par lequel passent ou aboutissent tous les liens unissant les autres membres de l’appareil. Dans ce contexte, le pouvoir ne s’exerce que dans un seul sens et chaque acteur a un rôle déterminé. Dans un tel type d’organisation, les acteurs ne sont pas tous liés entre eux. Ici, la chaîne d’information revient toujours à l’acteur central et dominant.

Les quasi-réseaux, par exemple, se fondent sur des liens non hiérarchisés, tandis que tous les acteurs ne sont pas reliés. Si les décisions se fondent sur des rapports coarchiques (égalitaires), certains acteurs ont une fonction d’intermédiaire. Dans de tels collectifs, l’intermédiaire détient un rôle central dans la transmission d’information.

À l’inverse, dans le quasi-appareil, tous les acteurs sont reliés, tandis que nous assistons généralement à une stratification des rapports de pouvoir (stratarchie), dans la mesure où plusieurs acteurs peuvent centraliser la transmission d’information.

Dans un même collectif, plusieurs types de lien peuvent coexister. Ainsi, Lemieux explique que dans un groupe de dix adolescents qu’il avait étudié, le graphique d’ensemble fonctionnait en quasi-réseau, alors que deux sous-groupes connectés par deux intermédiaires étaient des quasi-appareils (Lemieux, 1976). Dans les cas étudiés, la rédaction du GÉVA Sco s’inscrit généralement dans une logique d’appareil ou de quasi-appareil, empêchant les acteurs extérieurs au monde scolaire d’être intégrés ou associés à la rédaction du document.

Pour autant, le travail d’orientation ou de scolarisation ne s’inscrit pas uniquement à partir du GÉVA Sco, certains acteurs, comme ceux du médico-social ou les parents, pouvant être à l’initiative du projet de scolarisation (voir graphes 2b et 1b). Néanmoins, si ces différentes logiques tendent parfois à s’opposer, la présence d’acteurs dans les différents sous-groupes permet d’articuler ces logiques (graphe 1a).

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Dans ce cadre, le pouvoir des acteurs est à entendre de la manière suivante : il s’agit de la capacité d’un individu à exercer une contrainte sur un autre individu, le poussant à agir dans un sens. La capacité à détenir, à transmettre et à retenir de l’information joue ici un rôle primordial, en particulier lorsqu’initialement l’acteur n’a pas un rôle hiérarchique reconnu. Ainsi, un intermédiaire, faisant le lien entre tous les acteurs, s’il n’a pas de fonction de pouvoir reconnue, peut délivrer l’information qu’il souhaite, pouvant en cela influencer le processus en cours. C’est le cas notamment de l’AVS dans le graphe 3a.

Outre le fait de distinguer les formes que les collectifs peuvent prendre, nous avons voulu aussi saisir le degré de connexité et de cohésion des rapports entre les acteurs. La connexité sera ici entendue au sens où le travail de coopération correspond à un pouvoir positif, c’est- à-dire si les résultats de la décision sont conformes aux préférences d’un acteur.

Nous avons voulu saisir le degré de cohésion entre les acteurs, permettant en cela, également, de distinguer les différents sous-groupes. En effet, un graphe est cohésif lorsqu’un ensemble d’acteurs se reconnaît et que chacun a le sentiment d’appartenir à la même entité.

Dans le cas de la scolarisation, il apparaît que les différentes institutions ne peuvent pas s’inscrire dans une stricte hiérarchie, puisqu’il s’agit de développer des liens cohésifs interinstitutionnels et non seulement au sein de leur propre organisation sociale.

In fine, par ces différentes logiques de coopération, se joue un jeu d’influence des uns sur

les autres. Ainsi, pour saisir les effets de leviers, nous nous inspirerons de « L’articulation des

réseaux sociaux » de Lemieux (1976). Il s’agira de saisir quels sont les acteurs articulateurs

du réseau. Nous tenterons donc de voir si certaines relations accroissent l’articulation, tout comme si certains acteurs renforcent celle-ci. Ce jeu d’influence se joue à partir de l’idée que certains acteurs sont dominants (ceux exerçant un pouvoir sur un autre) et d’autres sont prédominants, c’est-à-dire à l’origine de la constitution du collectif.

Méthode utilisée pour constituer les graphes

Pour réaliser les graphes, nous avons demandé aux différents interviewés, dans le cadre des situations suivies, la fréquence des rencontres, mais également l’importance qu’ils accordaient aux différents acteurs ayant participé au processus de scolarisation.

Concernant les graphes «  a  », nous avons ensuite transformé les qualificatifs du type « peu souvent », « quasiment tous les jours », « son rôle a été primordial » en une valeur chiffrée relative aux autres liens qualifiés par les acteurs. Ainsi, plus la densité déclarée est importante, plus l’épaisseur du lien retranscrite est grande sur les graphiques.

Les flèches, dans les graphes « a », lorsqu’elles vont dans les deux sens indiquent des liens de réciprocité, là aussi déclarés lors des entretiens par les interviewés. Lorsque la flèche va dans un seul sens, les liens sont de types hiérarchiques.

Concernant les graphes « b », il s’agissait de retracer le cheminement permettant de saisir quels étaient les acteurs à l’origine de la demande.

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