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Les tris croisés

Dans le document LES ÉVALUATIONS EN ÉDUCATION POUR LA SANTÉ (Page 110-117)

1. UN PROJET EDUCATIF A PROPOS DU SIDA

1.3. Les enquêtes

1.3.3. L'enquête après l'action

1.3.3.2.1. Les tris croisés

Les tableaux de tris croisés en deuxième partie de l'Annexe 4, pages 302 à 323, analysent les variables précisant les attitudes et opinions des adolescents (en marge gauche) en fonction de variables déterminant des groupes (en marge haute). Parmi ces dernières variables, il y a :

TYPE : type de lycée, professionnel ou classique/technique STRAT : établissement expérimental ou témoin

ELTEL : classes dans lesquelles il y a au moins un élève appartenant à l'atelier vidéo.

Les variables STRAT et ELTEL sont utilisées pour apprécier les effets du programme. Le degré de signification de la liaison entre deux variables croisées est représentée par une ou plusieurs barres verticales comme il est indiqué en légende de chaque tableau.

Dans la colonne de droite intitulée TOTAL, il est précisé le nombre de liaisons significatives pour une ligne donnée.

Une telle disposition permet d'avoir un aperçu rapide des liaisons.

Nous allons voir les sept rubriques de cette deuxième partie de l'Annexe 4 à laquelle il est souhaitable de se référer pour lire les lignes qui suivent.

Le sida et l'information

La première liaison significative à remarquer est "vu un film ou une cassette vidéo" - STRAT. Nous reviendrons sur cette liaison au moment de l'analyse comparative du § 1.3.3.3.

Deux autres liaisons paraissent intéressantes : "le réchauffement de l'atmosphère" - STRAT et "le nucléaire" - ELTEL. Ces deux thèmes d'information sont, comme nous le voyons, aussi liés au type d'établissement (enseignement professionnel ou enseignement long).

On peut constater par exemple que les élèves des établissements expérimentaux d'enseignement long sont plus nombreux à s'estimer mal informés sur les problèmes de l'atmosphère comme le montre le tableau de pourcentages (1.3.3.2.1) 1.

Tableau (1.3.3.2.1) 1

Le réchauffement de l'atmosphère et l'enseignement long Etablissement témoin Etablissement

expérimental

Pas assez informé 64,4 71,0

Bien informé 33,7 25,7

Ignore le problème 1,9 3,3

100,0 100,0

n = 1804 réponses utilisables, p = 0,0004.

Cette différence est moins nette dans l'enseignement court.

De même les tableaux (1.3.3.2.1) 2 et 3 montrent la liaison entre le nucléaire et le fait que dans la classe il y ait un élève de l'atelier vidéo.

Tableau (1.3.3.2.1) 2 Nucléaire et enseignement long

Classe sans élève atelier Classe avec élève atelier

Pas assez informé 68,3 78,3

Bien informé 29,7 18,4

Ignore le problème 2,0 3,3

100,0 100,0

n = 1148 réponses utilisables, p = 0,0029

Tableau (1.3.3.2.1) 3 Nucléaire et enseignement court

Etablissement témoin Etablissement expérimental

Pas assez informé 78,5 82,3

Bien informé 20,0 11,2

Ignore le problème 1,5 6,5

100,0 100,0

Bien que nous devions rester prudents quant à nos conclusions, il semble que les élèves qui ont été en contact plus ou moins direct avec notre action ait acquis (au moins pour certains) un réflexe d'interrogation sur les grands problèmes qui agitent notre société. Cela pourrait alors signifier que le type d'action (approche participative et communautaire) que nous avons mis en place a un effet éducatif d'ordre général et change non pas seulement les attitudes vis-à-vis du sida, mais aussi vis-à-vis des autres grands problèmes. Ce point serait à explorer dans les études futures car nous touchons là au cœur même de l'éducation au sens de l'autonomisation du sujet.

Sans que nous entrions dans le détail, l'examen de cette deuxième partie de l'Annexe 4 nous permet de voir le rôle important que joue le type d'établissement et le sexe du sujet sur la relation à l'information. Nous y reviendrons plus loin.

Les modes de transmission du sida

Il n'y a pas à ce niveau de liaison importante sinon que la transmission mère-enfant préoccupe surtout les filles, ce qui apparaissait déjà dans la première enquête.

En terme d'effet de l'action, la différence observée pour la perception du risque lié à l'usage de seringues usagées n'est pas à retenir. En effet cette différence est minime (97,9 % contre 99,2 %) et de plus le nombre théorique de sujets est insuffisant dans une des cases du tableau, ce qui invalide le test.

Mais cette absence de différence n'a rien d'étonnant. Le niveau de connaissance des adolescents sur les modes de contamination était déjà très élevé avant l'action (90 à 99 % des adolescents savent). Il était donc difficile de pouvoir faire mieux de façon significative.

Les pratiques sexuelles et leurs images

L'examen du tableau des tris croisés de l'annexe nous montre que l'action n'est pas parvenu à modifier les pratiques sexuelles ni les attitudes et opinions. La liaison de STRAT avec le nombre de partenaires et l'utilisation de préservatif dans les six derniers mois est en fait très faible et parfois incohérente. Cela pourrait être du à deux raisons :

temps nécessaire pour modifier des attitudes et à plus forte raison des comportements est souvent plus long.

- Nous pouvons constater que ces pratiques et attitudes sont très fortement liées à d'autres déterminants qui sont le sexe, le nombre de partenaires, les croyances et pratiques religieuses. En fait nous sommes renvoyés à tout un tissu culturel auquel le type de lycée fréquenté n'est pas étranger.

En fait, l'analyse comparative du § 1.3.3.3. montrera le rôle joué par le type d'établissement. A la question "Avez-vous déjà eu des rapports sexuels", 38 % des personnes interrogées répondent aucun, 18 % ayant préféré ne pas répondre. Comme le montrent les tableaux (1.3.3.2.1) 4 et 5 cette distribution est fortement liée au type d'établissement et au sexe.

Tableau (1.3.3.2.1) 4

Nombre de partenaires en fonction du sexe Nombre de partenaires

Aucun Un Deux Trois et plus Non rép. Total

Homme 277 28% 224 23% 84 9 % 190 19 % 206 21% 981 100% Femme 544 47% 266 23% 77 7% 98 8 % 177 15 % 1162 100% 24ddl= 107.8 ; p < 10-4

Tableau (1.3.3.2.1) 5

Nombre de partenaires en fonction du type de lycée Nombre de partenaires

Aucun Un Deux Trois et plus Non rép. Total

Lycée 761 42 % 393 22 % 125 7 % 233 13 % 297 16 % 1809 100% Lycée prof. 60 18 % 97 29 % 36 11 % 55 16 % 86 26 % 334 100% 24ddl = 71.4 ; p < 10-4

Les pourcentages du tableau (1.3.3.2.1) 4 sont conformes aux données de la littérature : les filles ont significativement moins de partenaires que les garçons. Bien qu'elles ne soient pas surprenantes, les valeurs du tableau (1.3.3.2.1) 5 apportent une information originale : les élèves des lycées professionnels ont un plus grand nombre de partenaires que les élèves des lycées classiques et techniques, le facteur âge n'expliquant pas cette différence significative.

Un autre phénomène mérite attention. Que ce soit dans la répartition selon le sexe ou dans la répartition selon le type de lycée, la proportion de non réponses est plus importante dans les groupes ayant globalement le plus de partenaires. Serait-il plus difficile dans ces groupes, d'avouer sa sexualité (ou l'absence de sexualité) ?

L'usage de préservatifs parmi les 939 sujets qui déclarent avoir des rapports sexuels (Question : "Avez-vous déjà utilisé des préservatifs") suit une distribution semblable comme le montre le tableau (1.3.3.2.1) 6.

Tableau (1.3.3.2.1) 6

Usage de préservatifs en fonction du sexe

oui non Total

Homme 370 74 % 128 26 % 498 100 %

Femme 268 61 % 173 39 % 441 100 %

Total 638 301

21ddl = 19.65 ; p < 10-4

Quand elles ont des rapports sexuels, les filles sont moins nombreuses que les garçons à utiliser des préservatifs alors qu'elles sont plus nombreuses à déclarer qu'elles oseraient demander à un petit ami d'utiliser un préservatif (79 % versus 73 %, 21ddl = 12.72 ; p < 10-2). Ces déclarations d'intention non suivies d'effet montrent la distance qu'il peut y avoir entre les opinions et les comportements.

La menace

Comme les pratiques et attitudes sexuelles, la perception de la menace ne semble ici pas avoir été modifiée par l'action. Nous invoquerons encore les mêmes raisons.

Lorsqu'on demande aux lycéens d'estimer par rapport à la population moyenne leur risque d'être contaminés par le virus du sida, ceux des lycées professionnels se distinguent par des réponses extrêmes significativement plus fréquentes (Tableau (1.3.3.2.1) 7)

Tableau (1.3.3.2.1) 7

Perception du risque d'être contaminé par rapport à la population générale Risque

Supérieur Identique Inférieur Aucun Total

Lycée clas. ou techn. 97 5 % 851 47 % 591 33 % 270 15 % 1809 100 %

Lycée professionnel 44 13 % 126 38 % 81 24% 83 25 % 334 100 %

Total 141 977 672 353

23ddl = 54.75 ; p < 10-4

Si la perception d'un risque supérieur à la moyenne s'explique dans les lycées professionnels par le plus grand nombre de partenaires, le fait qu'une plus forte proportion d'élèves se sentent hors risque est plus délicate à interpréter. Il semble que nous retrouvions ici l'effet diplôme (ou niveau culturel). Les personnes ayant un niveau culturel plus bas ont tendance à, soit se désintéresser de certains problèmes, soit donner à ceux-ci un caractère spectaculaire. A l'inverse les "diplômés" sont plus pondérés, réservant leur jugement, s'auto-censurant. Ce phénomène se confirme lorsque l'on constate par exemple que les élèves des lycées professionnels sont plus nombreux à penser que le virus peut se transmettre en donnant son sang (40 % versus 32 %, 21ddl = 9.23 ; p < 10-2) ou mieux dans les toilettes publiques (18 % versus 11 %, 2(1 ddl) =

12.55 ; p < 10-3). Les modes de transmission admis par les experts sont par ailleurs bien connus de tous, comme nous l'avions déjà constaté dès la première enquête.

Les élèves des lycées professionnels se distinguent aussi par le fait qu'ils parlent du Sida avec leurs enseignants beaucoup plus volontiers que ceux des autres lycées (44 % versus 25 %, 21ddl = 54.74 ; p < 10-4), ce qui peut s'expliquer par une plus grande proportion d'enseignement pratique (en atelier par exemple) favorisant la communication maître élève. La mort semble faire peur surtout aux filles ; si elles apprenaient qu'elles étaient séropositives, elles auraient plus peur que les garçons de mourir (79 % versus 60 %, 21ddl = 96.28 ; p < 10- 4), plus peur d'être rejetées (69 % versus 60 %, 2

1ddl = 18.45 ; p < 10-4). Elles sont aussi plus conscientes du risque de transmettre la maladie au bébé in utero (96 % versus 87 %, 21ddl= 50.52 ; p < 10-4).

Le dépistage

Les items relatifs au dépistage sont essentiellement liés au nombre de partenaires et semblent ici totalement indépendants de l'action.

Les modifications de comportement de l'individu

Les deux items relatifs aux modifications de comportement ne sont absolument pas modifiés dans cette analyse par le programme dans un délai aussi bref. Nous voyons par contre que la modification de comportement dans les six derniers mois (comportement déclaré) est étroitement lié au nombre de partenaires (ce qui est heureux) et à la peur de la maladie. Cette dernière constatation nous amène à nous interroger sur tout ce qui a été décrit à propos de l'usage de la peur et nous renvoie à la "balance des déterminants du comportement" que nous proposons au § 3.2.2. Chez un sujet jeune ayant plusieurs partenaires, l'implication psycho- affective est suffisamment faible pour que la perception de la menace n'entraîne pas de blocage mais au contraire incite au changement de comportement.

Comportement vis-à-vis des malades

La réaction qu'auraient les adolescents interrogés face à un malade n'est pas liée à court terme à l'action éducative mais essentiellement au sexe et en partie à la religion. Ce sont effectivement les deux déterminants principaux du caractère agressif ou généreux du comportement.

Au terme de cette analyse des tris croisés portant sur les seules données de la deuxième enquête, il semble qu'à brève échéance, l'action a eu un effet limité sur les pratiques et attitudes sexuelles. Ces conclusions devront être confrontées à celles de l'analyse comparative du § 1.3.3.3. Cependant nous retiendrons comme élément intéressant qu'il conviendrait de confirmer, la capacité de telles actions de type communautaire à éveiller le sens critique et la curiosité des adolescents, donc a avoir un rôle éducatif au sens le plus noble tu terme.

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