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Les autres modèles et concepts cognitivistes

Dans le document LES ÉVALUATIONS EN ÉDUCATION POUR LA SANTÉ (Page 141-145)

2. L'EDUCATION POUR LA SANTE : DEFINITIONS, MODELES ET STRATEGIES

2.1. L'approche individuelle de l'éducation pour la santé

2.1.1. L'approche "pensée-action"

2.1.1.3. Les autres modèles et concepts cognitivistes

Le "locus of control" [114] correspond à la perception qu'a le sujet de l'origine, de la cause d'un état de santé. Le sujet peut penser que son état de santé dépend de lui et donc situer le "lieu de control" de cet état de santé dans son propre comportement. Le "locus of control" sera alors dit interne. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si le sujet pense que son comportement ne peut en rien changer sa santé, le "locus of control" sera dit externe (extérieur au sujet).

T.E. DIELMAN [45] distingue le "adult locus of control" parmi les "external locus of control". Ce concept est assez bien défini par les trois questions ci-dessous que T.E. DIELMAN utilise pour l'apprécier :

- "Croyez-vous que votre mère doit vous dire comment faire pour ne pas être malade ?" - "Croyez-vous que seuls le médecin ou l'infirmière peuvent vous éviter d'être malade ?" - "Croyez-vous que seul le dentiste peut prendre soin de vos dents ?"

A titre de comparaison voici deux questions empruntées encore à T.E. DIELMAN [45] permettant d'apprécier un "internal locus of control".

- "Croyez-vous que vous pouvez faire des choses pour éviter d'être malade ?"

- "Croyez-vous qu'il y a des choses que vous pouvez faire pour avoir des dents saines ?" Le "internal locus of control" peut donc être comparer aux "outcome expectations" de la "Social cognitive theory", mais le modèle du "locus of control" n'aborde pas l'aspect envisagé par le concept de "self efficacy".

Il faut noter aussi que le "locus of control" concerne une croyance en général à propos de l'état de santé et ne dépend donc que du sujet alors que les "outcome expectations" sont spécifiques de chaque type de comportement conseillé comme nous l'avons déjà précisé.

I.M. ROSENSTOCK [113] montre cependant comment "locus of control" et "self efficacy" se complètent pour expliquer différentes situations dans lesquelles peut se trouver le sujet. Cette complémentarité est illustrée dans le tableau (2.1.1.3) 1.

Tableau (2.1.1.3) 1.

Combinaison du "self efficacy" et du "locus of control"

Locus of control Interne Externe

Important A B

Self-efficacy

Faible C D

Si nous nous référons aux hypothèses des deux modèles il est clair que la probabilité pour que le sujet réalise le comportement souhaité est maximum en A et minimum en D. B et C sont de ce point de vue beaucoup plus proches de D que de A. Prenons par exemple un sujet en A. Il croit que son comportement peut modifier sur son état de santé (internal locus of control) et de plus il est persuadé de pouvoir réaliser le comportement spécifique souhaité. Rien ne semble alors s'opposer à ce que le sujet entreprenne l'action conseillée.

En B le sujet est convaincu qu'il est capable de réaliser un comportement donné, mais il n'est pas évident pour lui que son comportement personnel puisse avoir un effet sur sa santé, il ne verra donc pas l'intérêt de réaliser ce comportement et effectivement ne le fera pas.

En C, le sujet est convaincu que son état de santé dépend de lui mais il se sent incapable de faire ce qu'il faudrait. En D, non seulement il se sent incapable de faire ce qu'il faudrait, mais en plus, il n'en voit pas l'utilité pour sa santé.

Le "self esteem" plutôt qu'un modèle doit être regardé comme le concept qui correspond à l'image positive que le sujet peut avoir de lui-même. Sans être identifiable au "self efficacy", il y est tout de même étroitement associé. Il peut être assimilé à l'une des causes du processus de pondération des informations que nous avons vu plus haut dans le cadre de l'appréciation des informations comme élément intervenant, avec la nature de la source d'information, sur le développement des "efficacy expectations". "Si j'ai en général une haute idée de moi, j'ai plus facilement tendance à croire que je suis capable de réaliser telle ou telle action particulière".

Mais le "self esteem" est aussi lié au "internal locus of control" dans la mesure où "si je ne crois pas que je suis quelqu'un de bien, si je me déprécie systématiquement, j'ai alors tendance à penser que je suis inutile, inopérant sur mon environnement et que je ne peux être à l'origine de mon état de santé". D'ailleurs, les questions permettant d'évaluer le "self estim" dans le questionnaire de T.E. DIELDMAN [45] évoqué plus haut, sont les mêmes que celles qui apprécient le "adult locus of control" et l'"internal locus of control".

Nous terminerons ce paragraphe en citant rapidement trois autres théories recensées par G. GODIN [57] et qui entrent dans le cadre de cette approche cognitive de l'éducation pour la santé.

La théorie de l'action raisonnée (theory of reasoned action) a pour objectif de prédire et comprendre un comportement spécifique et volontaire dans une situation bien définie en partant de l'hypothèse que le déterminant principal d'un comportement donné est l'intention de la personne de réaliser ce dernier. Cette intention, selon I. AJZEN et M. FISHBEIN1 est déterminée

d'une part, par l'attitude du sujet à l'égard du comportement (la valeur affective associée au comportement) et d'autre part par l'importance que le sujet accorde à l'opinion des proches et des autres en général (composante normative).

La théorie des comportements interpersonnels (Interpersonal behavior theory) de H.C. TRIANDIS1 s'apparente un peu à la théorie de l'action raisonnée. Mais alors que pour cette

dernière "tout comportement observé est réalisé à la suite d'une analyse systématique et consciente, le comportement étant par conséquent essentiellement volitif", la théorie des comportements interpersonnels soutient que certains comportements peuvent ne pas être sous le contrôle direct de la volonté consciente. Pour H.C. TRIANDIS, tout comportement résulte en fait de trois facteurs :

1) L'intention de réaliser un comportement (déjà abordé dans la théorie de l'action raisonnée).

2) La force de l'habitude donnant lieu à des comportements automatiques.

3) La présence de conditions qui facilitent ou limitent l'adoption du comportement. La prééminence de l'habitude sur l'intention est liée au caractère nouveau ou non pour le sujet

1 Nous reproduirons ici les références fournies par G. GODIN.

FISHBEIN M., AJZEN I. Belief attitude intention and behavior ; an introduction to theory and research. Don Mills, Ont. Addison Wesley 1975.

I. AJZEN, M. FISHBEIN. Understanding attitudes and predicting social behavior. Englewood Cliffs. N.J. PRENCTICE-HALL 1980.

du comportement à réaliser. Un comportement qui dans ses premières réalisations réclamera l'intention (consciente et volontaire) du sujet, après un certain nombre de répétitions deviendra un geste automatique, habituel, comme par exemple, le fait de pratiquer une gymnastique quotidienne, le fait de ne pas saler ou sucrer un plat (absence de geste répondant à un ancien geste habituel). H.C. TRIANDIS distingue aussi l'habitude, fruit d'un apprentissage influencé par le niveau d'habileté du sujet, d'un réflexe qui est inné. Mais il faut noter que la distinction entre l'inné et l'acquis ne sont pas sans soulever des problèmes qui dépassent le cadre de ce travail. La théorie des comportements inter-personnels tout comme celle du comportement raisonné ont tenté de mettre en évidence les déterminants de l'intention.

Elles en dénombrent quatre groupes :

1) La composante cognitive qui correspond à l'analyse personnelle et subjective que fait le sujet des avantages et inconvénients de l'adoption du comportement. Cette composante cognitive est assez semblable à l'évaluation de coût dans le "health belief model".

2) La dimension affective spécifique d'un comportement qui est la réponse émotionnelle à l'idée d'entreprendre le comportement donné. Cette dimension est étroitement liée à l'histoire du sujet, à ses expériences antérieures.

3) Les déterminants sociaux dont les plus fréquemment invoqués sont la croyance normative et la croyance en l'existence de rôles sociaux spécifiques.

a) La croyance normative renvoie à la perception qu'a le sujet des normes de la société à laquelle il appartient et qui font que tel comportement particulier du sujet est pertinent ou non dans le contexte de cette société. C'est en quelque sorte la perception d'une réprobation ou d'une approbation sociale potentielle. Le sujet peut penser par exemple qu'en fonction de son sexe, de son âge, etc … il serait "correct" ou ce serait "mal vu" qu'il soit ivre le samedi soir.

b) La croyance en l'existence de rôles sociaux spécifiques se réfère à la perception qu'a le sujet de ce qu'attend la société des personnes de sa catégorie sociale, de la valeur d'exemple qu'il doit donner. Un diététicien peut penser par exemple qu'il n'est pas séant pour lui d'afficher une gourmandise incontrôlée lors des repas.

G. GODIN fait remarquer que ces normes sont fonction de la société, du contexte et des conséquences des infractions aux normes.

4) La norme morale enfin correspond à l'évaluation toute personnelle de la pertinence d'un comportement donné et se distingue des normes sociales en ce sens qu'elle ne dépendra pas directement des opinions des autres.

La norme morale et la norme sociale interviennent de façon complémentaire dans l'intention d'agir, la prééminence de l'une sur l'autre étant liée au comportement particulier à réaliser, au contexte et aussi à la personnalité du sujet. A l'extrême, un psychopathe n'est pas du tout sensible à la norme sociale.

La théorie du comportement planifié (planned behavior theory) est une amélioration par I. AJZEN lui-même1 de sa théorie du comportement raisonné pour pallier les manques de celle-

ci. Il est caractérisé par l'adjonction d'un troisième concept : celui de la perception par le sujet de son contrôle physique et psychologique sur le comportement à venir. Nous retrouvons là un concept qui est très proche de celui de "self-efficacy" de A. BANDURA.

2.1.2. L'approche "action-pensée" ou la théorie de la soumission librement consentie

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