• Aucun résultat trouvé

Les topiques du dialogue 1 Les personnages

Dans le document Le dialogue d’idées au 18e siècle (Page 167-186)

TROISIEME PARTIE

2. Les topiques du dialogue 1 Les personnages

Figures et fonctions.

Le personnage, une entité abstraite ou incarnée?

La caractérisation physique des personnages est extrêmement rare dans le dialogue d'idées. La seule exception notable est sans doute Le Neveu de Rameau, encore que le texte ne dise rien du narrateur lui- même. Dans ce dialogue, en effet, « Lui » fait complaisamment montre de son corps et de sa voix. Il ne fait pas que parler : il jure, il tonne, il crie et gesticule comme un dératé. Son corps exprime de façon hyperbolique ce que sa bouche seule ne peut formuler :

Et puis vous voyez bien ce poignet, il était raide comme un diable. Ces dix doigts, c'étaient autant de bâtons fichés dans un métacarpe de bois; et ces tendons, c'étaient de vieilles cordes à boyau plus sèches, plus raides, plus inflexibles que celles qui ont servi à la roue d’un tourneur (...).

Et tout en disant cela, de la main droite, il s'était saisi les doigts et le poignet de la main gauche; et il les renversait en dessus; en dessous; l'extrémité des doigts touchaient au bras; les jointures en craquaient; je craignais que les os n'en demeurassent disloqués571.

Cette extériorisation est proprement inconcevable dans le dialogue classique qui, non seulement n'a jamais le souci de présenter physiquement ses personnages mais qui, en outre, conçoit le corps comme une réalité parasitaire, une surface qui fait écran à la rationalité. Le corps présente toujours un risque de désordre qu'il faut conjurer. De fait, dès le prologue, le lecteur est prévenu :

Si vous le rencontrez jamais et que son originalité ne vous arrête pas; ou vous mettrez vos doigts dans vos oreilles, ou vous vous enfuirez.

L'alternative ne laisse guère de place au dialogue! Le bruit est en premier lieu ce qui fait obstacle à la communication. Moi insiste à plusieurs reprise sur la menace que fait peser la voix tonitruante de Lui dans le cours de la conversation : les « terribles poumons » annoncés par le prologue ne tardent pas à se manifester : le texte s'arrête de façon récurrente sur « la force de viscère » (p. 74) qui assourdit le philosophe et les autres occupants du café. Un tel espace est sans doute ce qui autorise une si grande trivialité. Dans les échanges réglés de la conversation mondaine telle qu'elle se développait dans les salons, la vigueur de la voix est bridée par un tout un code de civilité : tout excès (verbal ou non- verbal) est proscrit dans le discours de la raison classique, et l'on condamne fermement « l'éclat sonore et les mouvements physionomiques outranciers dans la mesure où ils impliquent une tenue du corps inconvenante »572. Ces gestes et ces cris du neveu, manifestations indécentes et comme irrationnelles, ne pourraient sans doute pas prendre place autre part que dans l'espace familier d'un café. Dans les dialogues de facture plus classique, toutefois, la faiblesse du portrait physique peut être compensée par des éléments qui se rattachent à l'aspect extérieur du personnage, tels que les vêtements, les manières, les gestes ou les exclamations. Il reste que cette évacuation du corps n'est pas sans conséquence sur le contenu des dialogues. La dimension sexuelle par exemple, principe désagrégeant dans la philosophie classique, devient au contraire un principe dynamisant dans le Rêve

de d'Alembert de Diderot - pour ne rien dire des dialogues de La Philosophie dans le boudoir du marquis

de Sade.

Plus évidente, en revanche, est la caractérisation psychologique des mêmes personnages. Comment la repérer? Dans le cas du dialogue narratif, le repérage est aisé. L'état psychologique (au sens large, c'est-à-dire les réactions émotives ou affectives) de l'interlocteur est rendu sensible dans les didascalies et dans les verbes introducteurs de discours573. L'analyse de quelques verba dicendi, dans

La Manière de bien penser de Bouhours fait rapidement apparaître certains traits de personnalité des

personnages : leur assurance face au savoir (« interrompit brutalement Philinthe », « répliqua Eudoxe »), leur civilité et leur code mondain (« dit Philinthe en souriant », « interrompit Eudoxe en riant ») et ce que les linguistes appellent encore l'ethos. Il y a là une véritable grammaire du discours, que Bouhours lui-même confirme dans ces pages en déclarant conformément à l'esthétique classique : « les pensées sont les images des choses, comme les paroles sont les images des pensées »574. Dans le cas du dialogue dramatique où les didascalies sont absentes, il faut analyser plus spécialement le code linguistique du locuteur, le registre de langue et ses modalités, telles que les exclamations ou les interjections - peu nombreuses au demeurant : la difficulté venant précisément du fait que ces énoncés tendent à exclure le moi et à évacuer la subjectivité.

L'onomastique joue un rôle dans ce processus d'identification du personnage par le lecteur. Le choix des noms témoigne d'une tradition littéraire et philosophique qui n'est pas propre au dialogue. Ils

572 D. Bertrand, « Bruit et silence : la voix rieuse au XVII° siècle », Littératures classiques, n° 12, janv. 1990, p. 101-115. On pourrait étendre l'analyse de cette corporalité scandaleuse aux diverses manifestation de la bouche, chez le Neveu : métonymie complexe, la bouche est aussi le rappel des fonctions primaires du corps comme le boire et le manger.

573 Dans le cas des dialogues narratifs uniquement.

sont, pour la plupart, dérivés du grec et leur étymologie est souvent révélatrice575 : Eudoxe, « celui qui pense juste »576, et Philanthe, « celui qui aime les fleurs » [de rhétorique s'entend], (cf La Manière

de bien penser du Père Bouhours); Philonous, « celui qui aime l'esprit » (Dialogue d'Hylas et de Philonous de

Berkeley); Ariste, « le meilleur », est plus intéressant car il représente généralement la voix de l'auteur : il incarne l'honnête homme chez Bouhours (Les entretiens d'Ariste et d'Eugène), et on le retrouve sous les traits du philosophe chez Diderot (La Promenade du Sceptique)577. On découvre ainsi des phénomènes d'échos, emprunts conscients ou inconscients : les noms des interlocuteurs des

Entretiens littéraires de Du Perron de Castéra sont à peu de choses près (Philanthe devient Philinthe)

les mêmes que chez Bouhours (La Manière de bien penser), lequel sera souvent imité; et tel personnage de La Promenade du Sceptique s'appelle Alciphron, comme dans le dialogue de Berkeley du même nom. Cette onomastique renvoie parfois à la tradition théâtrale. Le même d'Ariste se trouve également chez Molière, ainsi que Philinthe578. Le nom de Polidore dans les Entretiens historiques de Labrune rappelle également une comédie de Molière, Le Dépit amoureux.

Les interlocuteurs peuvent n'être aussi que de pures abstractions. Dans ce cas, leur dénomination se résume à une lettre majuscule, le plus souvent A et B579. Shaftesbury et, beaucoup plus tard, Joseph de Maistre se sont insurgés contre cette pratique. L'écrivain français fait ainsi dire à l'un des personnages des Soirées de Saint-Pétersbourg :

(...) j'ai lu les Tusculanes de Cicéron traduites en français par le président Bouhier et par l'abbé d'Olivet. Voilà encore une oeuvre de pure imagination, et qui ne donne pas seulement l'idée d'un entretien réel. Cicéron introduit un auditeur qu'il désigne tout simplement par la lettre A, et il se fait faire une question par cet auditeur imaginaire, et lui répond, tout d'une haleine, par une dissertation régulière : ce genre ne peut être le nôtre. Nous ne sommes point des êtres majuscules; nous sommes des êtres réels, très palpables580…

575 Dans la préface de La Fable des Abeilles, Mandeville se moque ainsi de cette convention : « la plupart des Modernes qui écrivent en DIALOGUES, se sont servi de noms supposés, qui sont, ou de leur propre invention, ou de celle de quelqu'un d'autre. Pour l'ordinaire on a tiré ces noms de la Langue Grecque, et ils servent à désigner le caractère des Personnages imaginaires auxquels on les donne. Ces noms dénotent quelquefois le parti que suivent les Interlocuteurs, et dans d'autres occasions les objets de leur amour ou de leur haine. Mais de tous ces mots qu'on a heureusement formés, il n'en est aucun qui ait été du goût d'un aussi grand nombre d'Auteurs que celui de Philalèthe » (éd. citée, Préface, p. XIII-XIV); voir infra, les remarques de Shatesbury sur ce même nom de Philalèthe.

576 peu importe, en l'occurrence, qu'Eudoxe soit un disciple de Platon (il a dirigé son école lorsque celui-ci est parti pour Syracuse), puisque les noms sont d'abord des noms de convention.

577 Le philosophe est également nommé Ariste dans le Discours sur la poésie dramatique de Diderot, in O. C., éd. Hermann, t. X, p. 422.

578 Philinthe est écrit Filinthe dans Les fâcheux. Ariste représente assez bien le sage pédagogue dans l'Ecole des maris : « Soit ; mais je tiens sans cesse/ Qu’il nous faut en riant instruire la jeunesse/ reprendre ses défauts avec grande douceur/ Et du nom de vertu ne point lui faire peur » (Acte I, sc. II).

579 Il en va ainsi chez Tindal (Christianity as old as Creation), Voltaire (Dialogues de L'A, B, C), Diderot (Supplément au Voyage de Bougainville), Chamfort (Petits dialogues philosophiques), Meister (Entretiens philosophiques et politiques), etc... Il faudrait aussi inclure dans cette liste certains catéchismes laïques.

580 Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Huitième entretien, éd. citée, p. 79. Rémond de Saint-Mard n'avait-il pas lu les Tusculanes, lui qui déclare justement : « Ce qu’il y a de remarquable dans les dialogues de Cicéron, c’est le choix qu’il fait de ses interlocuteurs, et l’attention qu’il a à les faire raisonner selon leur caractère » (Discours sur la nature du Dialogue, éd. citée, p. 11).

C'est d'ailleurs moins l'usage de la lettre majuscule pour désigner l'interlocuteur qui gêne Joseph de Maistre, que l'allure monologique des Tusculanes. A l'inverse, il est des dialogues où les personnages sont fortement individualisés. C'est en partie le cas des ouvrages qui mettent en scène des personnages historiques. Platon et - quoiqu'en dise Joseph de Maistre - Cicéron, ont été les premiers à donner l'exemple. Le procédé n'ajoute pas nécessairement au réalisme, comme le montre l'exemple des dialogues des morts dont le ton est souvent au badinage et ce, quelle que soit la gravité du personnage représenté581. Il faut encore souligner la différence de ton induite par le choix de personnages contemporains de l'auteur (comme c'est le cas dans de nombreux dialogues de Diderot, à commencer par le Rêve de d'Alembert). La formule a l'avantage de susciter d'emblée la curiosité du lecteur, en inscrivant le débat d'idées au coeur de l'actualité. Elle permet ainsi d'éviter ce travers constitutif du genre, à savoir l'excessive abstraction des personnages. Car il faut reconnaître que dans de nombreux dialogues, les partenaires ne conversent pas mais semblent plutôt réagir mécaniquement comme des automates. Shaftesbury a donné dans ses Mélanges une image saisissante de ces pâles figures :

Il faut convenir qu'aujourd'hui les caractères ou personnages introduits dans nos pieux Dialogues, n'ont ni unité ni vraisemblance (...); et leurs portraits ne ressemblent à rien de l'espèce. C'est par leur nom seul que leurs caractères sont distingués. Quoiqu'ils portent différents titres, et qu'on les mettent en opposition, il se trouve qu'au fond ils sont les mêmes, et que malgré leur différence apparente, ils aident l'auteur à étaler son esprit et établir ses opinions particulières. Ce sont en effet des marionnettes dociles, qui ont la voix, les gestes et l'action d'hommes réels. Philothée et Philathée, Philautus et Philalethès sont d'un seul et même ordre; leurs taillent se rapportent exactement; ils s'interrogent et se répondent de concert, et avec l'alternative du Dialogue dramatique où un Acteur qui a les yeux bandés est étendu à terre, et se présente sans défense à un autre, qui par la faveur de la compagnie ou le secours de la fortune, distribue à son camarade plusieurs bons coups, sans qu'on le défie jamais lui-même, ou qu'on le terrasse à son tour582.

Le dialogue philosophique apparaît alors, paradoxalement, comme le lieu de la dépersonnalisation; les personnages cessent d'être des voix pour devenir les simples supports matériels d'une idée verbalement exprimée. La chose est relativement rare chez les auteurs anglais et français, parce que ces « philosophes » sont aussi des écrivains. Certes, pour un Shaftesbury, un Voltaire, un Diderot, un Hume, combien de plumitifs obscurs et encombrants! Mais il suffit de lire les Nouveaux Essais de Leibniz pour comprendre que la philosophie ne fait pas toujours bon ménage avec la littérature. Dans ce genre de dialogues, en effet, les interlocuteurs sont privés de voix propre, d'intonation émotive, si bien que leurs répliques paraissent interchangeables. L'altérité respective des sujets

581 Mais il est vrai que l'un des principes du dialogue des morts est de prendre le contre-pied des idées reçues. La seule restriction à ce principe concerne les rapports entre le langage et la classe sociale des interlocuteurs, qui doivent rester crédibles : « car j'imagine que les Héros de ce sombre Royaume doivent conserver chacun le ton qui leur convient, & que la dose de Philosophie qu'il employe doit être celle qu'il auroit dû naturellement avoir ici. Autrement les personnages seroient ridicules. Ce seroit un Paysan qui déclameroit d'un ton de Seigneur » (Demachy, Réflexions sur les Dialogues, éd. citée, p. 254).

parlants n'est plus qu'un principe organisateur de discours, une forme vide où le rapport à l'autre, dans son approche privilégiée et modalisée, est exclue. Dépossédé de son corps et de son identité propre, le personnage devient alors une fonction. Contradicteur ou complice, maître ou disciple, il occupe une position déterminée dans l'économie du dialogue qui fixe le cadre de ses interventions.

L'autre, figure de la différence.

Même si les personnages qui l'incarnent paraissent relativement abstraits, l'altérité demeure un principe dynamique pour le dialogue d'idées. Ces figures de la différence sont multiples et n'ont pas toutes la même signification. Mais le trait commun au dialogue des Lumières est d'introduire un personnage qui manifeste un degré d'extériorité par rapport au discours de la tradition ou de l'autorité.

Dans la panoplie des interlocuteurs possibles, il y a des instances qui sont thématisées : on a vu que le « dialogue avec un sauvage » constituait presque un ensemble à part, de même que le « dialogue des morts » sur lequel nous reviendrons ultérieurement. Remarquons pour l'instant que le mort est aussi, à sa manière, une figure de la différence ou de l'altérité. Sa position outre-tombe lui confère un détachement significatif par rapport au cours ordinaire des choses, et elle instaure un regard ironique sur le monde des vivants. Ainsi, qu'il soient d'anciens empereurs comme Alexandre et Charles Quint, ou de vulgaires courtisanes, les morts ont presque tous une fonction de mise à l'épreuve de la doxa, de l'opinion.

Il existe encore une représentation de la différence radicale : le fou. La du neveu de Rameau (les occurences du mot sont très nombreuses dans le texte), loin d'être pathologique, ne participe-t-elle pas de ce principe d'extériorité critique? Le dialogue de Diderot serait alors une tentative pour restaurer une figure emblématique de la littérature carnavalesque, celle du bouffon. Elle mériterait, à ce titre, de rentrer dans cette typologie des conditions, si le neveu ne constituait l'unique exemplaire de ce genre583.

Autre identité marginale, et de ce fait rarement signalée, celle que constitue le moribond. Il existe en effet un type de dialogue dont la force polémique ou philosophique repose sur une situation particulière d'énonciation, que l'on pourrait qualifier de débat sur le seuil parce qu'elle est la forme paroxystique du décentrement des points de vues : l'un des interlocuteurs est à l'agonie et se trouve aux prises avec un contradicteur dont il doit réfuter les thèses. La fiction du moribond est intéressante car elle a une valeur expérimentale; elle permet d'éprouver la force d'un argument et d'une conviction. Le Phédon de Platon est sans doute le premier du genre, mais la situation pré- mortuaire a également été exploitée à l'époque de la Renaissance et de la Réforme - le plus souvent, d'ailleurs, à des fins apologétiques. C'est encore le cas au XVIII° siècle. Dans Euthanasie ou mes derniers

entretiens avec elle sur l'immortalité de l'âme (publié en 1809) Meister se livre à une démonstration assez

suave de l'existence de Dieu. Mais certains auteurs sardoniques, comme Voltaire ou Sade, vont réagir d'une toute autre manière aux examens de conscience édifiants des croyants. Avant eux Diderot, conscient de l'intérêt dramatique et philosophique de cette mise en scène, y recourt dans la Lettre sur

583 Il est impossible de développer ici ladite folie du neveu. Quelle que soit l'interprétation qu'on en donne, il convient de partir de l'analyse désormais classique de Michel Foucault dans son Histoire de la folie à l'âge classique (Troisième partie, introduction, seconde édition, Gallimard, 1972, pp. 363-372).

les aveugles (1749)584. Il reprend le problème posé par Molyneux qui prétendait montrer qu'un aveugle

de naissance n'a pas la même appréhension du monde physique qu'un homme auquel la vue ne fait pas défaut. La fiction de l'aveugle-né qui recouvre la vue a déjà en elle-même un caractère expérimental; mais dans la deuxième partie de la lettre, Diderot va imaginer un dialogue « sur le seuil » entre l'aveugle Saunderson et le ministre Holmes qui espère de lui une fin chrétienne :

Lorsqu'il fut sur le point de mourir, on appela auprès de lui un ministre fort habile, M. Gervaise Holmes,; ils eurent ensemble un entretien sur l'existence de Dieu, dont il nous reste quelques fragments que je vous traduirai de mon mieux; car ils en valent bien la peine585.

On remarquera au passage que c'est au moment où il étend l'hypothèse sensualiste de départ à la formation des idées esthétiques et morales que Diderot adopte la forme dialoguée. Comme le moribond de Sade, l'aveugle reste insensible aux explications finalistes du prêtre, qui retrouve l'argumentation traditionnelle de l'apologétique chrétienne du spectacle de l'univers comme preuve de l'existence de Dieu. Saunderson meurt ainsi après une profession de foi matérialiste et athée. Dans le dialogue sur le seuil, l'événement même qui se déroule est idéologique. Et la dramatisation conférée au dialogue par la situation pré-mortuaire donne un relief nouveau au débat d'idée. A la dramatisation que confère la proximité de la mort, s'ajoute la tension inhérente à la crise philosophique dont le dialogue est la scène. Le débat qui oppose les Lumières et les anti-Lumières trouve ici son exacerbation. Dans Le Rituel des esprits forts (...) en forme de dialogues publié en 1759, l'abbé Gros de Besplas montre un philosophe qui renie ses principes pour obtenir le pardon du prêtre au moment de mourir. Voltaire paraît lui répondre dans l'autre camp en publiant le Dialogue d'un mourant

avec un homme qui se porte bien paru en 1763586. On y retrouve le ton caractéristique de l'auteur, moitié

ricaneur et moitié grimaçant devant « l’infâmie » des hommes d'Eglise :

Un citoyen était à l'agonie dans une ville de province; un homme en bonne santé vint insulter à ses derniers moments, et lui dit:

584 Outre le dialogue contenu dans la Lettre sur les aveugles, il semble que Diderot ait plusieurs fois songé à actualiser toutes les possibilités dramatiques et philosophiques d'un tel moment. Dans le second des Entretiens sur le Fils Naturel, Dorval se

Dans le document Le dialogue d’idées au 18e siècle (Page 167-186)